Le retour de Geneviève de Galard

Je vais vous raconter comment, nous avons, avec mon camarade Duchenoy, ramené Geneviève de Galard de Diên-Biên-Phù.

La bataille allait se terminer et les Viet-Minh avaient autorisé un certain nombre de très grands blessés à être libérés et rapatriés sur Hanoï. Les évacuations se faisaient - la piste de Diên-Biên-Phù n'étant plus utilisable puisqu'elle avait été criblée par des obus de gros calibre - soit par hélicoptère, soit par avions légers sur Luang-Prabang, la capitale du Laos. Et de là, nous les ramenions en Dakota vers Hanoï.

Donc, ce jour-là, nous partions avec mon camarade Duchenoy pour Luang-Prabang pour faire une rotation et ramener des blessés. En Indochine, les pleins normaux des Dakota étaient de 500 gallons, c'est à dire en gros, 5 h d'autonomie, ce qui était, pour ce genre de mission, largement suffisant.

Premier problème : arrivés à Luang-Prabang, on nous dit :

- « Bien, voilà, vous allez faire une reconnaissance du côté de Diên-Biên-Phù. Il se peut qu 'il y ait des gens qui ont pu casser l'encerclement des Viet Minh et qui errent dans la jungle. Essayez de les repérer ».

Cela nous avait fait perdre encore une bonne heure cinquante de vol. On a rien vu, mais on a fait une heure cinquante de vol. Prudent, je voulais recompléter mes pleins d'essence à Luang-Prabang. Pas de chance, l'adjudant qui était gestionnaire de l'essence, arrivée en bidons de 200 litres - il n'y avait pas de citerne - me dit :

- « Écoutez. Je suis très embêté. Il ne me reste presque pas d'essence et le peu que j'ai, il me le faut pour les avions et les hélicoptères qui vont chercher les blessés à Diên-Biên-Phù ».

Je fais le point de l'essence qui me restait avec le mécanicien et je dois ajouter qu'entre autres qualités le Dakota avait des jauges d'essence qui étaient réputées très justes, très fiables. On fait le point avec le mécano : pas de problème, ça devrait passer, on devrait arriver à Hanoï avec une sécurité correcte. C'est ce jour-là donc qu'avec des blessés, nous ramenions, aussi Geneviève de Galard qui avait été libérée par les Viet-Minh.

Nous avons décollé de nuit et nous étions à peu près à mi-parcours, travers de l'ancien camp retranché de Nasan. D'un seul coup le moteur droit se met à avoir des ratés et on constate que nous n'avions plus de carburant dans les réservoirs côté droit. Nous avons été obligés de continuer la route en pompant tout sur le réservoir de gauche en nous disant : pourvu que ça ne fasse pas pareil. Et du coup j'ai demandé un atterrissage d'urgence sur le terrain de Bach-Maï, alors que l'atterrissage était prévu de l'autre côté sur le terrain de Gia-Lam. Je risquai de ne pas avoir assez d'essence pour gagner ce terrain et de terminer notre carrière dans les flots du Fleuve Rouge qui, à cet endroit avait 7 km de large. Ce n'est pas un petit ruisseau.

Nous nous sommes posés en urgence et de nuit sur le terrain militaire de Bach-Maï. Nous avons dégagé la bande et les deux moteurs se sont arrêtés : nous n'avions plus une goutte d'essence dans les réservoirs. Et nous avons fait une arrivée triomphale au parking, tiré par un tracteur.

Et voilà comment le retour triomphal de Geneviève de Galard a failli se terminer par un plongeon final et définitif dans les eaux du Fleuve Rouge.

Arrivés sur le parking, toujours tirés par notre tracteur, il y a eu un gag. Il y avait, bien sûr des journalistes, des photographes, etc, qui ne s'occupaient que de Geneviève de Galard. Et je me suis mis dans une colère noire, parce qu'à bord nous avions des mourants et personne ne semblait s'en occuper. Je me suis mis dans une colère épouvantable et j'ai engueulé tout le monde. Et à ce moment-là, j'ai vu la scène : un brave général de l'Armée de terre s'est précipité pour brancarder les malheureux blessés...

G de g arriv e
Arrivée à Bach-Maï

Et voilà comment s'est terminé le retour glorieux de Geneviève de Galard à Hanoï.


Jean ADIAS

(1) Pour lire ce qui précède ce récit, cliquez ICI

Date de dernière mise à jour : 10/04/2020

Commentaires

  • Claude Barteau
    • 1. Claude Barteau Le 12/08/2020
    Adieu Adias.
    Claude Yves Barteau
    Ancien de DBP

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