L'enclume vole

Histoire vécue, au temps où l'aviation militaire flirtait avec l'humour et la fantaisie.

Un jour noir pour cette base aérienne du Moyen-Orient. Un jour noir, comme le nuage noir qui s'approche. Devant la menace de cet orage, les mécaniciens, comme tout le monde, s'agitent. Les hangars sont fermés, les avions sont attachés solidement aux "tire-bouchons" vissés dans le sable.

On craint le vent, le sable, la pluie et c'est une tornade qui surgit. Tout va très vite. Une tempête furieuse, déchaînée, dévastatrice. Pendant quelques instants, le personnel qui s'abrite comme il peut, ne voit plus rien.

Le calme revenu, le colonel et tout son personnel contemplent le désastre. Tout s'est envolé : les tôles des hangars, les avions ! C'est incroyable : de la belle base, il n'y plus que des ruines émergeant du sable.

C'est horrible, bien qu'il n'y ait pas eu de blessés graves. Mais l'officier chef comptable, évaluant tous les bons de pertes à établir, se console en pensant que sa comptabilité va enfin être mise à jour ! Belle occasion pour que plus RIEN ne manque sur les états des matériels.

Et un beau dossier est établi qui, quelques jours plus tard, arrive à la Direction des Matériels à Paris.

Un officier supérieur mécanicien, bien connu pour son humour acide, examine les états et inscrit les acceptations de mise à la réforme.

Soudain, il s'arrête, fait : « Oh ! » car parmi tous les matériels disparus et envolés, il a lu :

« Une enclume métallique de 50 kg, en bon état. »

Et froidement, non sans un certain humour, il note :

« Accepté, vu la rareté du fait. »


Jean NOLLET

Extrait de "Pionniers" n° 123 de janvier 1995 

Date de dernière mise à jour : 21/04/2020

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