La nuit du 15 mai 1940
La veille, les blindés allemands avaient atteint Montcornet.
3 h 30, aux avions !
Le premier décolle, celui de Hochedé, qui va réveiller la colonne blindée : ils sont bien là, motos, camions. Une maison brûle, lueur rouge dans l’aube sale et pluvieuse. Des capots jaunes : les tanks. Colonne serrée de chars, de voitures tous terrains, de camions.
Une dernière pointe, pour être plus sûr.
Cette fois, aucun doute ? Des gerbes de balles traçantes saluent l’avion importun. Hochedé atterrit à 5 h sur le terrain de Saconin.
Je dois partir de suite avec Favret et Desalme chercher les meilleurs objectifs justiciables de notre bombardement et maintenir le contact avec l’ennemi.
Altitude : 1.500 m. Une triple patrouille de Morane 406 du GC II/2 me protègera. Pour ne pas aller plus vite qu’eux, je dois exécuter la mission en Potez 63.
Potez 63-11
Moteurs en route ! Le moteur droit, encore chaud, est engorgé et refuse de partir.
- « Prenez un Bloch, dépêchez-vous, me dit le commandant, les chasseurs vous attendent. »
Bloch 174
Nous décollons et sommes à la verticale de Chambray. Je vois les chasseurs décoller. Dans quelques instants, ils m’encadreront et nous partirons vers Marle.
Où vont-ils ? Desalme me dit qu’ils filent vers le sud-ouest. Ils ne m’ont pas vu ou m’ont confondu avec des Do-17 qui passaient à notre gauche … Tant pis.
- « Nous partons seuls. Allez Favret, cap 25. »
Le ciel est très brumeux. Visibilité verticale médiocre. En oblique, on voit tout juste à 10 km devant.
De Laon à Marle, une quadruple colonne de camions descend vers le Sud. Déroute sans nom.
À Marle, places et carrefours sont noirs de monde …
Cap 110. Entre Marle et Montcornet, absence totale de vie.
Montcornet… Là, par contre, il y a du monde, mais, l’ "autre" : des soldats se sauvent vers le sud-ouest, à travers champs. Les blindés sont maintenant réveillés et les colonnes sont en marche depuis Liart.
J’entends soudain, dans mes écouteurs, la voix puissante de Desalme :
- « Mon Lieutenant, 6 Messerschmitt derrière nous, à 400 m »
- « Ne les perds pas de vue. J’ai encore quelque chose à voir. »
Un dernier tour. J’écarquille les yeux dans la brume et je note.
- « Allez, Favret, cap 235 »
Desalme revient à la charge :
- « Mon Lieutenant, ils foncent sur nous »
Desalme tire, tandis que Favret met pleine puissance et pique vers le sol jusqu’à Saconin.
Déjà, le Cdt a alerté le bombardement sur les renseignements de la première mission. Au PC du GB 1/12, je fais mon compte-rendu qui vient confirmer et préciser celui de la mission précédente.
Une troisième mission est envoyée avec Gavoille qui découvre l’ennemi à Philippeville, filant plein Ouest. Il trouve le PC de la IXème Armée et lance un message lesté.
Et voici que les LeO 45 décollent l’un après l’autre. Toute la journée, ils vont faire la noria sur Montcornet.
LeO 45
L’avance ennemie est stoppée en ce point, et l’on pourra lire, dans les journaux du lendemain, le communiqué du GQG :
« Notre Aviation de bombardement a pilonné d’importantes colonnes motorisées ennemies que lui avait signalé notre Aviation de Reconnaissance »
Avance stoppée … mais pas bien longtemps, car … on sait ce qui advint ! …
Guy BOUGEROL
Extrait du livre « Ceux qu’on n’a jamais vus » du R.P Guy BOUGEROL, Lieutenant observateur de réserve au II/33, Aumônier de l’Air, éditions Arthaud, remis par Christian Desalme ancien radionavigant, dont le père, radio-mitrailleur, exécuta cette mission du 15 mai 1940.
Figure également dans le RECUEIL de l’ADRAR, tome 1.
Date de dernière mise à jour : 18/04/2020
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