Débarquement du groupe Savoie

Souvenirs d'un pilote du 2/33

Dans l'après-midi du 19 août 1944, après une mission au départ d'Italie sur Spitfire (version reconnaissance), je me suis posé sur une piste qui avait été créée dans les environs immédiats de Ramatuelle, piste dangereuse car courte et en pente, à tel point que certains appareils avaient terminé leur course dans les vignes.

Ramatuelle
La piste de Ramatuelle (fond d'après carte IGN n° 3545 OT)

L'âge aidant, nos souvenirs s'estompent peu à peu, quoique certains sont encore très vivaces, mais je me souviendrai jusqu'à la fin de la gentillesse des gens du cru. Le propriétaire de la vigne qu'on avait dévastée et qui tient à nous faire goûter son blanc. Ces femmes qui, spontanément, nous offrent leurs chambres pour suppléer ces lits, qu'au débarquement du 15 août les Américains nous avaient fauchés. Je dois le dire, cela nous changeait un peu d'où nous venions et pourtant nous étions là aussi en France.

Spit profil 1
Supermarine "Spitfire" Mk IX

Le 23 nous sommes venus nous installer au Puget où une piste en grille avait été construite en trois jours et qui était bien meilleure. Il y avait beaucoup de poussière mais nous y étions habitués depuis notre périple en Italie.

Terrain puget 1
La piste du Puget (fond d'après carte IGN n° 3545 OT)

La première nuit passée au "Château" [ndlr : le Bercail] s'est passée dans le parc : je ne pouvais m'habituer à coucher dans un lit et dans une chambre. Les cinq mois passés à coucher sous une tente et sous la moustiquaire me donnaient dans la chambre une impression d'étouffement. Alors, j'avais simplement installé mon lit de camp dans le parc et il me fallut plus d'une semaine et un peu de pluie pour me réhabituer à la chambre.

De ce séjour au Puget, qui fut court, je garde le souvenir de la visite de Charles Vanel, l'acteur de cinéma, qui devait être à ce moment-là Cne FFI, et celle du général Bouscat, chef d'État-major de l'Armée de l'air, qui prit une part très active à réconcilier France libre et Français d'Afrique du nord.

Je garde également le souvenir d'une trouille immense que j'ai ressentie avec mon ailier sur Marseille le 24 août. Avant de partir en mission sur le Languedoc, l'Officier de renseignement m'annonce que Marseille est libérée. Je vais donc, après le décollage, me "taper" avec mon ailier un passage sur la Canebière avant de continuer vers le Rhône. Je ne sais ce qui avait été "libéré" ce jour-là mais toute la Flak du port et de la ville s'est mise à nous tirer dessus ! Nous rentrons en rase-toits dans les petits flocons que provoquent les explosions. Heureusement, comme nous sommes au ras des toits, il leur est très difficile d'ajuster leur tir.

Camera spit
Sur Spitfire "Reco", la caméra était installée sur le côté gauche du fuselage

Je me suis fait descendre le 20 mars 1945 en Allemagne par la Flak, mais j'avoue que je n'ai jamais eu aussi peur que sur Marseille. J'avais d'ailleurs un éclat d'obus dans le fuselage qui avait touché la cocarde bleu-blanc-rouge juste en son milieu. J'ai donc fêté la libération de Marseille en anticipant un peu le feu d'artifice...

Nous sommes restés au Puget jusqu'au 5 septembre, date à laquelle nous avons gagné Montélimar.


Auteur inconnu

Souvenirs du général Labadie, alors capitaine, tels qu'il me les a confiés.

Date de dernière mise à jour : 17/04/2020

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