Un pilote de chasse miraculé
Gabriel Évèque, Commandant de bord à Air Inter, a été aussi un pilote de chasse miraculé
Si Air Inter, notre splendide compagnie, s’est élevée aux plus hauts niveaux des réussites économique, technique, commerciale et humaine, elle le doit à des hommes qui, de tous grades et de tous niveaux, avaient par dessus-tout la passion de leur métier. Ils avaient conscience au plus haut point du rôle qu’ils avaient à jouer dans cette machinerie humaine si bien huilée par une motivation sans faille.
À cette réussite exemplaire, il fallait nécessairement des meneurs d’hommes, des locomotives puissantes pétries de compétence, d’exemplarité et de rigueur tout à la fois ferme et profondément humaine.
S’il est bien connu qu’il n’est de richesse que d’hommes, Air Inter en a été la parfaite démonstration et le niveau de fréquentation des réunions amicales d’aujourd’hui organisées par l’ARIT et autres, illustre bien cette solidarité et ces amitiés qui, seules, peuvent forger les plus grands succès.
Toutefois, particularité qu’il me plaît bien de souligner, le recrutement, toutes spécialités confondues, était constitué majoritairement d’anciens militaires, de l’Armée de l’air, en particulier...
Celle-ci, pour avoir largement irrigué notre Compagnie par ses hommes, leur expérience et leur esprit, a tout aussi largement contribué à son dynamisme et à ses succès.
Certains parmi ceux qui étaient déjà riches d’un passé aéronautique, étaient parfois même des rescapés de drames miraculeusement évités. L’exercice militaire, s’il forge les caractères et les personnalités, sait aussi bien produire des cercueils en grande série !
Je veux parler ici d’un pilote que je connais bien pour avoir volé 25 ans avec lui, et qui est un de ces miraculés, dans le sport particulièrement périlleux de pilote de chasse, durant la guerre d’Algérie.
Il s’agit de Gabriel Évêque, Gaby pour les amis. Sa discrétion et sa modestie légendaires dussent-elles en souffrir, tant pis pour lui, tant mieux pour nous ! J’espère Gaby que tu voudras bien m’en excuser.
C’est donc le 6 novembre 1959 que Gaby Évèque, pilote de chasse sur T-6 en Algérie, a connu la peur de sa vie.
T-6G, piloté en opération par Gabriel Évêque (Coll. J. Célérier)
Participant ce jour-là, en appui feu, à une opération d’accrochage entre des troupes du FLN et des légionnaires, son appareil touché, prend feu. Il passe alors sur le dos, s’éjecte et ouvre son parachute. Premier problème résolu, le deuxième qui se présente veut que sa trajectoire de descente l’amène…au plus près des troupes du FLN qui s’apprêtent déjà à lui réserver les gâteries que l’on sait dans ces cas-là ! Et pour lui donner un avant-goût de ce qui l’attendait, on lui tirait déjà dessus, fort heureusement très mal, durant sa descente.
Les restes de l'appareil (Coll. J. Célérier)
Dès le sol touché, cette "géolocalisation" inconfortable trouve immédiatement sa solution sous la forme d’un hélicoptère surgi d’on ne sait d'où. Dieu le Père, ce jour-là pour Gaby, s’appelait Joseph Koeberlé, soit le pilote de l’hélicoptère lui-même, bien entendu !
SO 1221 "Djinn" (Coll. J. Célérier)
Embarquement et décollage éclairs, en s’accrochant à un patin, réalisés entre la prestesse des 20 ans de Gaby, la virtuosité du pilote et… l’atmosphère hautement insalubre et inhospitalière du moment ! À nouveau, des projectiles des plus mal intentionnés les ont abondamment accompagnés par rafales entières, sans les toucher, une fois encore !
Après un séjour de "remise en forme" en hôpital, notre Gaby national a rejoint des cieux moins turbulents et plus accueillants, en particulier ceux de la mère patrie, qui lui ont été offerts par Air Inter, où il a été un brillantissime Commandant de bord instructeur, et le plus sympathique et le plus charmant des collègues navigants.
Plus d’un demi-siècle après son aventure, c’est par la lecture d’un journal d’anciens parachutistes qui la retraçait, que Gaby a pu retrouver la trace et l’adresse du vieux baroudeur qui l’avait sauvé. Ils se sont retrouvés à Pau, où il demeure, avec l’émotion que l’on devine.
Le 13 juillet 2013, Gaby a été nommé Officier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur. Devinez qui lui a remis sa décoration ?
C’est Joseph Koeberlé ! qui est lui-même Commandeur de la Légion d’honneur s’il vous plaît ! (certainement pas pour avoir fréquenté des couloirs ministériels, lui !!).
Koeberlé et Évèque (Coll. J. Célérier)
Merci et bravo, Messieurs, pour ce que vous avez fait d’abord, pour l’exemple que vous nous laissez … et pour l’oxygène pur que je viens de respirer, à la seule évocation écrite que je viens de produire sur votre aventure.
Par les temps qui courent, dans l'atmosphère de lâcheté, d'impostures et de trahisons qui nous environne, c’est un rafraichissement pris au milieu du Sahara !
Je vous dis merci, de ma plus profonde admiration.
Jacques CÉLÉRIER
Date de dernière mise à jour : 11/04/2020
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