Un éléphant sur la base
Petite anecdote en souvenir de Jean-Paul Lacrouts
Bach-Mai, l’un des deux terrains de Hanoi, l’autre étant Gia-Lam.
La base de Bach-Mai est commandée par le Col Duranton dit "Dédé la peinture", spécialiste de l’organisation des bases aériennes et qui sévira plus tard à Télergma en Algérie. De fait Bach-Mai est la seule base du Tonkin où aucun commando viet ne parviendra à pénétrer, contrairement à Gia-Lam, Doson (le 31 janvier) et Catbi où plusieurs avions seront détruits.
Un commando, non, mais un éléphant oui… Je ne sais plus exactement à quel moment du séjour se situe l’histoire. La voici telle que rapportée par Jean-Paul Lacrouts :
Jean-Paul était ce jour-là (ou plutôt cette nuit-là) chef de poste à l’entrée de la base. Il faut savoir qu’il existait deux postes de sentinelles supplémentaires à 200 m environ de part et d’autre du poste principal sur la route passant devant la base.
Vers 4 ou 5 h du matin, Jean-Paul reçoit un appel téléphonique provenant de l’une des sentinelles et il entend vaguement qu’il est question d’éléphant. Un peu vaseux, il croit avoir mal compris et il laisse tomber. Quelques minutes plus tard, la sentinelle (un noir) de faction à côté surgit dans le poste en criant
- « Un éléphant, un éléphant ! »
Et en effet un éléphant entrait tranquillement sur la base.
C’est ainsi que dans sa promenade il entre dans une chambre, alors que l’un des occupants est en train de s’habiller, et que l’autre dort. Le premier, voyant l’animal et n’écoutant que son courage, a tout juste le temps de secouer son copain avant de se précipiter dehors par la porte opposée (les chambres avaient deux entrées). La tête du copain qui se réveille et se trouve face à face avec un éléphant !
Peu après, le Cne Chmilewski, chef des OPS du "Franche-Comté", arrive à l’entrée de la base en jeep. Jean-Paul lui dit :
- « Mon capitaine il y a un éléphant sur la base ».
Chmilewski lui réplique
- « Toujours aussi farceur Lacrouts ».
Et il embraye. 30 secondes plus tard, Jean-Paul entend le crissement d'un coup de frein, suivi du hurlement de la jeep en marche arrière : Chmilewski s’était retrouvé nez à nez avec la bête.
Pour finir l’histoire, notre éléphant s’étant emmêlé les pattes dans un réseau de barbelés, c’est un Adc qui l’a tiré de là. Ensuite l’éléphant ne voulait plus le quitter. Pour tout dire il s’agissait d’un éléphant apprivoisé qui s’était enfui. Il a été récupéré par son propriétaire. Mais il avait marché sans vergogne sur les belles pelouses de "Dédé la peinture".
Et que dire de l’inviolabilité de la base la mieux protégée d’Indochine !
Jean-Paul est décédé en SAC le 5 juin 1971 au décollage de Hao (Polynésie). Nous étions souvent ensemble, au CIET d’abord en 1953, puis au "Franche-Comté" en Indochine en 1954.
Nous nous sommes revus en 1955, nous avons même passés quelques jours à Biscarosse chez ses parents qui avaient un restaurant au bord du lac. Puis je suis parti en septembre de la même année en Algérie et nous nous sommes perdus de vue. C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris son décès, et nul doute que s’il était encore en vie il serait un fidèle de l’ADRAR.
Jean RUBEL
Extrait du "Recueil de l’ADRAR" Tome 1
Date de dernière mise à jour : 11/04/2020
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