Toujours plus haut
Le 3 août 1959, je décolle de Tours sur le Vautour IIA n°6 (monoplace sans radar) pour une séance d’interceptions à vue aux ordres de Calva, la station radar de Romilly. On me propose un hostile, qui traverse la France du sud-ouest au nord-est, et qui doit être à plus de 40.000 pieds. Je prends.
Le Vautour IIA n° 6 (Coll. Ph. Beaudoin)
Je débute la montée et gagne petit à petit sur mon but. Calva ne peut me donner qu’une altitude approximative de 45.000 pieds, peut-être plus. Cela va être intéressant !
Je survole la Champagne et les distances diminuent. J’arrive facilement à 40.000 pieds et ai le contact visuel avec mon hostile, très loin devant et bien plus haut. À partir de maintenant, le pilotage doit être précis pour continuer la montée. Par mesure de sécurité, et pour diminuer les risques de bris de la verrière, j’ai mis le delta de pressurisation cabine sur "Loi de combat". Par ailleurs, l’oxygène sur "Surpression".
45.000 pieds, la montée continue lentement et la distance diminue. J’arrive sur les Vosges et identifie l’appareil, un RB-57, version reconnaissance du Canberra. Il est splendide dans sa couleur bleu/nuit.
50.000 pieds, le vario est modeste mais cela monte toujours lentement.
J’arrive pratiquement sous l’avion qui fait un S. Il a dû me détecter. Il est vraiment très haut, 55.000 pieds ou plus.
53.500 pieds, j’abandonne car je suis déjà très engagé au-dessus de la Forêt Noire et la poursuite de l’interception m’amènera fort loin en Allemagne. J’ai décollé il y a moins de 30 minutes, et n’ayant pas encore consommé assez de carburant, mon avion est encore trop lourd (1). Je prends le cap retour et descend vers un niveau de vol plus raisonnable.
Brusquement, se manifeste un problème de transfert. Un comble, avec du kérosène un peu partout, je me retrouve "short petrol" et il me faut me poser rapidement. Sur ma droite, une base OTAN, c’est Chaumont, alors occupée par l’USAF, où j’atterris après un appel sur Guard.
Dépannage le lendemain. Pendant 24 heures, j’ai dû faire visiter mon avion et commenter ses caractéristiques au cours d’une Journée Portes Ouvertes improvisée.
Jean HOUBEN
(1) À l’époque, ce V2A avait été équipé, dans la soute à bombes, de deux réservoirs de 1500 litres chacun, qui portaient à 8200 litres le total du carburant embarqué, alors que le V2N, normalement équipé d’un seul réservoir de soute, n’emportait que 6250 litres.
Date de dernière mise à jour : 29/03/2020
Ajouter un commentaire