Le pourboire du Bon Dieu
Invité à visiter le poste de pilotage, il s'était présenté à nous, le regard empreint d'une grande douceur. Curé d'un tout petit village du cœur de la France, il ne roulait pas sur l'or, à voir son habit noir, tout lustré.
L'équipage répondit à ses questions. Il trouva que notre métier était merveilleux et avoua n'avoir rien compris à nos explications. Avec un petit sourire qui en disait long, il nous assura qu'à cette altitude, nous étions plus près du Bon Dieu et que c'était un grand privilège dont nous bénéficions.
Puis, au moment de partir, il logea sa main dans une poche profonde pour en retirer, après un bon bout de temps, un porte-monnaie, comme on n'en voit plus de nos jours. Je me souvenais en avoir vu un identique, il y a bien longtemps, dans ma prime jeunesse. C'était un porte-monnaie arrondi, dont la partie supérieure se relève. En l'inclinant, les pièces de monnaies glissent dans la partie où on peut les voir et les prendre.
Très lentement et très sérieusement, il prit une pièce de un franc. Puis, il me regarda droit dans les yeux. J'ai cru qu'il allait me confesser. Il déposa la pièce de un franc dans ma main :
- « Tenez, mon fils. Pour récompenser votre travail. Et que Dieu vous protège. »
J'eu beau expliquer que les équipages n'étaient pas autorisés à accepter de pourboire, rien ne pouvait lui faire reprendre sa pièce de un franc. Rapidement, je compris qu'il ne fallait pas insister. Son geste était celui d'un brave curé qui, pour récompenser ses enfants de cœur, leur donnait un morceau de pain béni brioché... dont ils sont tellement friands.
C'est donc le premier et seul pourboire que j'ai reçu dans ma carrière. La pièce est toujours dans une petite boîte sur mon bureau.
Monsieur le curé, je pense souvent à vous. Vous êtes toujours près de moi et maintenant probablement au ciel, tout près du Bon Dieu.
Jean BELOTTI
Extrait de "Une passion du ciel" (Ed : Nouvelles éditions latines)
Date de dernière mise à jour : 30/03/2020
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