Des joies de jeune pilote avec le parapente
Durant l’été 1993, j’étais en vacances sportives avec une bande de copains et nous passions beaucoup de temps à faire des randonnées à moto de trial dans les montagnes autour de Barcelonnette. Un jour, j’étais sur un chemin dégagé dans les sommets, quand je vis à une dizaine de mètres au-dessus de moi un parapentiste évoluer gracieusement en faisant des huit. J’ai coupé mon moteur et il fit quelques passages à quelques mètres de moi, pendant lesquels nous échangeâmes quelques mots sympathiques d’où il ressortait tout le plaisir qu’il retirait de ce sport.
Le soir, j’ai proposé à mes amis de nous inscrire pour un stage de parapente à l’école du coin et j’y fis la rencontre de Mathieu de Quilacq, un moniteur précurseur de cette activité, et nous avons commencé un stage qui nous amena à être lâché pour un premier vol quelques jours plus tard.
Parapente à Barcelonnette
Lors du premier vol, j’eus un sentiment d’insécurité que je cherchais à analyser et qui tenait à deux éléments : d’une part, je n’avais pas trop confiance dans la solidité de ces fines suspentes de 1 mm de diamètre, qui me semblaient bien fragiles. Plus tard, je fis des essais de résistance et j’ai constaté qu’elles cassaient à 130 kg de poids. Comme il y en avait 160, il n’y avait donc rien à craindre !
D’autre part, ce sentiment d’insécurité venait aussi de l’absence d’un plancher comme j’en avais trouvé sur tous les avions. Ce fut vite dominé et le parapente m’offrit des joies profondes lors de parcours parfois de près de 200 km en jouant sur les ascendances et en évitant les dégueulantes. Un variomètre et un altimètre fixés sur la cuisse du pilote donnent un son qui devient de plus en plus aigu quand le taux de montée augmente et permet de calibrer ses évolutions dans la masse d’air.
Assez souvent, nous volions en compagnie de rapaces et quand on les voyait tournoyer sans un battement d’ailes, c’était l’indice d’une ascendance bénéfique et nous allions tourner avec eux. La beauté des paysages survolés était un régal de tous les instants et avec l’expérience, voler au ras du relief ou des arbres était jouissif.
L’aérologie était bien souvent stressante, car la turbulence entraînait des fermetures de l’aile qui pouvaient aller jusqu’à la perte de contrôle si elles n’étaient pas contrées efficacement.
Il y eut bien sûr quelques anicroches, comme cette voile qui se ferma brutalement à 10 m du sol après le décollage et qui m’envoya au tapis avec une fracture d’une vertèbre qui me valut 3 mois de corset.
Le lendemain, un copain rigolard me téléphona :
- « J’ai appris ton accident. Eh ben dis donc, il paraît que tu mesures 1mètre 22 maintenant ! »
Il y eut aussi ce décollage sur le Mont Revard, par vent fort, où un moniteur qui aidait les pilotes tira malencontreusement la poignée de mon parachute de secours lors de mon décollage. Je me suis retrouvé en vol avec une situation très inconfortable et critique d’une voile bien ouverte ainsi que le parachute, en tournoyant de façon incontrôlable au-dessus de rochers monumentaux avec un taux de chute d’environ 5 m/s.
Falaise du Mont Revard
Par un effet de cette chance qui a accompagné toute ma vie d’aventures, j’ai touché le sol à un endroit en pente à 45°, jonché de petits cailloux, au lieu de me fracasser sur les énormes rochers qui étaient à côté. J’ai glissé, jusqu’à un arbuste auquel je me suis agrippé désespérément.
Ouf, j’étais arrêté, sans dommage autre que la combinaison et la voile déchirées, sans savoir ce qu’il y avait dans les broussailles en dessous. Je me suis accroché mordicus à cet arbuste. Je l’aimais et mes bras l’enlaçaient !
Un contact radio m’a permis de prévenir les copains que j’étais sain et sauf et 2 h plus tard, je vis arriver mon moniteur Gilles Revil, après son escalade en cordée d’une falaise d’une trentaine de mètres que je ne voyais pas et sur le bord de laquelle je m’étais providentiellement arrêté, accroché à mon arbuste. Une fois de plus la chance avait été ma compagne.
Sur les pentes du Mont Revard
Comme d’habitude, je me suis trouvé embarqué dans les problèmes d’organisation et devins le Président de la section Air France de parapente, affublé d’un surnom : Hamster jovial. J’eus l’occasion d’organiser des stages à la Réunion, en Espagne, aux Canaries.
J’en ai organisé un au Liban, où je connaissais un officier libanais et, un jour où le vent était trop fort pour voler, nous sommes allés visiter Balbek. Au retour vers la station de ski qui nous hébergeait à 2.000 m au-dessus de Tripoli, nous nous sommes retrouvés coincés à 2 km de l’hôtel par des congères de neige, moteur en panne. Nous avons passé la nuit dans une tempête de fin du monde avec une température de -15° et un vent de 120 km/h qui bousculait notre Land Rover, dans lequel nous nous blottissions les uns contre les autres, grelottants et transis.
Le matin, un chasse-neige vint vous délivrer et nous transporter vers l’hôtel où nous nous réjouissions à l’idée de prendre une douche bien chaude. Manque de chance, la tempête avait coupé les fils électriques et il n’y avait pas de chauffage. Nous nous réfugiâmes auprès d’une cheminée où brûlaient des belles bûches, sans réussir à nous réchauffer, et finîmes par aller nous fourrer dans nos lits glacés pour essayer de trouver le sommeil.
Lors d’une de ses rotations en Captain, j’ai accompagné au Mexique un de mes amis, Stefan Kovacs, CDB d’Air France que j’avais eu en formation quand il était élève pilote de chasse.
Nous sommes montés de nuit sur le volcan Popocatépetl, à 70 km de Mexico, qui culmine à 5.426 m. En tirant la langue, nous avons réussi à nous hisser jusqu’au sommet avec nos sacs de parapente que nous avions allégé au maximum, mais 10 kg à 5 .000 m d’altitude, c’est lourd !
Le Popocatépetl
Nous avons attendu dans le silence le lever du soleil et quand il a illuminé un horizon très vaste et nous avons décollé avant que le vent se lève et fait un vol splendide dans ce paysage désertique, pour venir nous poser à proximité de l’endroit où nous avions laissé la voiture.
À 71 ans, j’ai arrêté le parapente pour éviter le vol de trop, qui m’aurait laissé fracassé sur une montagne. J’en avais bien profité, mais tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise !
Christian ROGER
Extrait de “Piloter ses rêves” (Éd : Bookelis - 2015)
Date de dernière mise à jour : 30/03/2020
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