Opération 700
En 1956 au mois d’octobre, la 61ème Escadre d’Orléans-Bricy fut amenée à participer à l’Opération 700. Opération Israélo-Franco-Anglaise dirigée contre l’Égypte de Nasser qui avait nationalisé le canal de Suez.
Sergent radio-navigant à l’ET 3/61 "Poitou", j’y participais dans l’équipage du S/Lt Montheil, navigateur chef de bord, avec le Sgc Serge Martin et le Sgt Moreau pilotes, et le Sgc Ustal mécanicien.
Notre base arrière était à Chypre, sur le terrain de Tymbou, à une vingtaine de km à l’est de Nicosie. Un échelon précurseur avait préparé le terrain, et le 30 octobre, plus de 40 avions et leurs équipages étaient à pied d’œuvre.
Le matin du 5 novembre une première vague larguait des paras sur Port-Saïd et l’après-midi du même jour nous décollions, à bord du N 2501 N° 88 F-RAQE, pour un largage sur Port-Fouad, sur le canal, en face de Port-Saïd.
Après un large circuit par l’est puis le sud en formation, nous avons largué nos paras, cap au nord comme prévu mais à la fin du largage, alors que nous passions la côte, nous avons senti que quelque chose d’anormal s’était produit à l’arrière. Un largueur est arrivé tout de suite à l’avant pour nous prévenir qu’un parachutiste était resté accroché à l’avion par la SOA.
Nous avons immédiatement quitté la formation pour nous diriger vers l’est où se trouvaient les troupes de nos amis israéliens.
Avec le Sgc Ustal, nous sommes allés vérifier par les hublots des coquilles, la position du para. Il était conscient et tournoyait lentement au bout de sa SOA. Nous avons constaté également qu’il avait un FM en leg-bag et que celui-ci tournoyait également dans les remous du cargo, dans un plan perpendiculaire à la ligne de foi de l’avion, passant à quelques cm des poutres.
Dans l’urgence, nous avons envisagé deux solutions, soit le remonter à bord à l’aide du "Tirf" si c’était possible, soit couper la SOA en arrivant à proximité des lignes israéliennes.
Mais nous n’avons pu appliquer aucune de ces solutions, car nous nous sommes aperçus que la SOA était passée au-dessus du renfort de la porte para et qu’elle était déjà aux trois quarts cisaillée.
Elle a fini par casser au moment où nous arrivions sur la côte, à hauteur du no man’s land entre Israéliens et Égyptiens. Il a immédiatement ouvert son parachute ventral et il est tombé dans l’eau à moins de 100 m du bord. Nous lui avons, à tout hasard, largué une Mae-West, mais il avait pied et se dirigeait vers la plage.
Nous sommes partis cap au nord, à basse altitude, pour ne pas attirer un peu plus l’attention des Égyptiens.
Malheureusement, nous l’avons su quelques temps après, il avait certainement vu, au cours de sa descente, la fin du parachutage sur Port-Fouad et au lieu de partir vers l’est où les Israéliens l’auraient recueilli, il s’est dirigé vers l’ouest, vers la DZ, et il s’est littéralement jeté dans la gueule du loup, c’est à dire des Égyptiens.
Il a été retrouvé, paraît-il, criblé de balles et de coups de baïonnette, mais il avait dû vendre chèrement sa peau car il avait épuisé les munitions de son arme individuelle (MAT 49, je crois).
À l’issue de cet accident, le renfort des portes para a été prolongé jusque vers le milieu de l’arrondi, sur tous les Noratlas au fur et à mesure de leurs passages en GV. Cette modification est toujours apparente sur le n° 105 "Noratlas de Provence" : je l’ai vérifié lors du meeting national d’Orléans-Bricy, le 10 juin 2006.
Ah ! J’oubliais, les opérations ont eu le résultat bien décevant de s’arrêter au bout de deux jours, mais l’Opération 700 n’était pas terminée pour autant, et nous ne sommes rentrés à Orléans que le 24 décembre. Oui, la veille de Noël. [...]
Robert CHAUVIN
Extrait du "Recueil de l’ADRAR" Tome 1
Date de dernière mise à jour : 10/04/2020
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