Le Neu-Neu et la Légion
En septembre 1949, le G.C. 2/6 "Normandie-Niemen", basé à Rabat au Maroc, quitte ses "Mosquito" pour s’installer à Tan-Son-Nhut, près de Saïgon. Rééquipé en P63 "Kingcobra" il opère en Cochinchine, au Cambodge et dans le Sud-Annam y effectuant des reconnaissances, des straffings et des bombardements. L’épisode relaté s’est déroulé à une date indéterminée.
En fin d’après-midi, une patrouille, revient à basse altitude d’une intervention dans la Pointe de Ca-Mau, tout au sud de la péninsule indochinoise. Sauf au départ des missions comportant un bombardement en piqué, nous évoluions toujours à proximité du sol ce qui nous permettait d’observer facilement l’activité en zone hostile et, parfois, de débusquer des Viets qui ne nous avaient pas entendus arriver.
Un peu avant de traverser le Mékong, la patrouille aperçoit des éléments amis au contact des Viets et vire pour les survoler. Les pilotes constatent alors que les Trosol sont sérieusement accrochées. Comme nous diront plus tard les Légionnaires du 2ème Bataillon Étranger de Parachutistes (2ème BEP), qui étaient engagés à cet endroit, leur situation était critique : ils avaient formé le dernier carré.
Les King du "Neu-Neu" effectuent plusieurs passes avec ce qui leur reste de munitions et dégagent les éléments amis.
Dès leur retour à Tan-Son-Nhut, où leur cantonnement était voisin du nôtre, les Légionnaires ont tenu à remercier le Groupe pour son intervention. Des contacts se sont établis, les officiers des deux unités ont dégagé ensemble, les sous-officiers faisant de même.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Quelques semaines plus tard, le 2ème BEP partant en opération nous propose d’inviter des pilotes à l’accompagner. Les places étant chères, il a fallu "musiquer". Finalement Thomas et moi partons une semaine crapahuter dans l’est du Cap Saint-Jacques, pour essayer de trouver un atelier de fabrication d’armement.
Un soir, nous embarquons au port de Saïgon sur un LCM et descendons de nuit le Dong-Nai pour arriver en mer au lever du jour puis faire route à l’est en longeant la côte. Transférés sur des LCVP nous sommes mis à terre dans l’après-midi à 30 km à l’est du Cap Saint-Jacques.
Je suis intégré à une section du 2ème BEP où nous ne sommes que trois Français : le chef de section, son adjoint et moi, le reste étant constitué d’un Italien et d’une dizaine d’Allemands de la Compagnie Cabiro, du nom de son chef le capitaine Cabiro.
Le capitaine Cabiro dit "Le Cab"
De petite taille, dynamique, jouissant d’une autorité naturelle, Cabiro est à cette époque le plus jeune capitaine de l’Armée de terre. Jeune engagé, il avait participé à la campagne d’Italie puis à celles de France et d’Allemagne. Il a fait plusieurs séjours en Indochine, le dernier l’amena à Diên-Biên-Phu où, très grièvement blessé, il put heureusement être évacué par air avant la chute du camp, J’ai eu la chance de le retrouver plus tard à Mont-de-Marsan où il avait pris sa retraite.
Pour en revenir avec l’opération, celle-ci fut un échec, nous n’avons rien trouvé … peut-être parce que, les renseignements étant erronés, il n’y avait rien à trouver. Néanmoins, je garde un souvenir durable de ces quelques jours passés dans la brousse avec la Légion.
Pour en terminer avec les relations entre le "Neu-Neu" et le 2ème BEP il faut mentionner le vol sur Kingcobra offert au capitaine Cabiro.
Grâce à sa petite taille, l’intéressé avait pu prendre place au-dessus du moteur, dans l’espace normalement réservé à l’IFF qui avait été déposé. Il avait la tête sur les épaules du capitaine Liautard, le commandant de la 1ère escadrille, qui était en cette occasion son "cocher".
Pour ce vol, Cabiro a eu droit à un programme de choix : bombardement en piqué, reconnaissance à basse altitude, straffing et peut-être même au retour quelques figures de voltige. Nous l’avons extrait de son réduit, ankylosé mais heureux.
Plus tard, en 1979 à Aubagne, il eut le grand honneur de porter la main du capitaine Danjou lors de la célébration de Camerone.
Il nous a quittés en 1993.
Jean HOUBEN
Date de dernière mise à jour : 28/03/2020
Commentaires
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- 1. daniel Le 05/11/2023
La vie guerrière du "père Cab" : "Une vie de guerres 1940-1961" Indo Editions 2010, 2017.
Déborde d'humour et d'optimisme.
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