Rejoindre la France Libre (2)

On nous avait dit que nous avions la meilleure armée du monde, que le soldat français était le meilleur du monde, qu'on avait les meilleurs généraux du monde et, en six semaines, on se prend une bananée retentissante.

Alors je vous dis tout de suite : l'appel du 18 juin, personne ne l'a entendu. Il y a des gens qui vous racontent maintenant... Rien du tout ! Il n'y avait pas de transistor, il n'y avait pas de télé, les postes radio étaient interdits sur les bases, les journaux étaient interdits, on n'avait pas le droit de rentrer un journal sur une base.

Le peu de chose que l'on savait, c'était par quelques officiers qui habitaient en ville et achetaient le journal et qui nous avaient dit :

- « Il y a un Anglais, là, un certain Winston quelque chose, qui a dit que l'Angleterre ne se rendrait jamais, qu'elle continuait la guerre ».

Nous, on était une bande de tout fous, on a dit :

 - « Tiens ? Si on allait continuer la guerre avec les Anglais ? »

Partir de la base, ce n'était pas possible, c'était trop gardé ; mais il y avait un terrain auxiliaire qui s'appelait la Durance. Sur ce terrain, il y avait des vieux bimoteurs antiques de bombardement, des Potez 540. J'en avais fait 3 h.

On a dit :

- « Si on allait en piquer un et on essaiera d'aller à Gibraltar ? »

Comme des cons, on est allé raconter ça au mess. En plus, on s'était renseigné. On nous avait dit : 

- « Oh ! Vous n'avez pas à vous inquiéter. Le terrain est gardé par une petite escouade de la Légion. Le matin, ils sont tous pétés à mort, ils roupillent, pas de problème ».

On est arrivé sur le terrain, les légionnaires dormaient, mais pas les gendarmes qui se sont fait un plaisir, très cérémonieusement et très courtoisement, de nous ramener à la base.

Et à ce moment-là, ça pouvait très mal se passer. On était en temps de guerre, tentative de désertion à l'étranger... N'oubliez pas que le père Charles a été condamné à mort par contumace parce qu'il s'était barré à Londres.

Je ne dis pas qu'on nous aurait fusillés, mais enfin, c'était la perte du grade, radiés du Personnel Navigant, etc.

On est tombé sur un patron formidable que je n'ai jamais oublié, le Lcl Bolton, très chic. Il nous a dit :

- « Je suis quand même obligé de marquer le coup. Je vous mets un motif qui ne sera pas marqué sur vos pièces matricules : indiscipline en vol ».

Ça vaut son pesant d'or parce qu'on n'avait même pas mis les moteurs en route !

Et comme, ça, pfuitt !


Jean ADIAS

Date de dernière mise à jour : 16/04/2020

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