Parrainage des unités aériennes

Après le débarquement anglo-américain en novembre 1942 en Afrique du nord, il fallut attendre le début du second semestre 1943 pour voir arriver du matériel américain destiné à l'Armée française.

Sur le plan Armée de l'air c'est, bien sûr, le Groupe "Lafayette" qui reçut les premiers appareils. Les unités aériennes furent remaniées. Le personnel navigant en provenance de France via l'Espagne et son inévitable "stage" dans le sinistre camp de Miranda, fut réparti dans les différentes unités.

Le "Bretagne" était le seul groupe des FAFL présent en AFN. Parti du Tchad en 1940, il avait participé aux opérations du Fezzan, de Koufra et de Tripolitaine.

C'est au "Bretagne" que je fus affecté en 1943 et le "mixage" des équipages de toutes origines se passa, dans l'ensemble, dans de bonnes conditions. Ce fut plus délicat pour le commandant Ducray, qui prit le commandement du Groupe au moment où celui-ci rejoignait la Sardaigne. C'était la première fois qu'une unité FAFL était commandée par un officier non issu de la France Libre. Mais les qualités exceptionnelles de cet officier ont fini par convaincre les plus réticents. C'était en plus un excellent pilote.

Les six groupes de Marauder participèrent aux campagnes d'Italie, de France et d'Allemagne.

Pour le Groupe de bombardement "Bourgogne", le commandant Bouyer baptisa chaque Marauder du nom d'un grand cru : Nuits-Saint-Georges, Pommard, Meursault... Ce qui permit par la suite aux équipages d'aller passer quelques jours de permission dans un château et de déguster les meilleurs crus, avec modération, bien sûr !...

Je ne me souviens plus quel était le parrain du GB "Maroc" mais je sais qu'après la guerre, le gouvernement marocain invita le groupe à passer une semaine de rêve à La Mamounia, à Marrakech. Pas désagréable...

Le "Bretagne" n'eut pas cette chance. C'est le journal communiste "Ce Soir" qui demanda et obtint notre parrainage. Tous les mois nous re­cevions à Gênas, dans les environs de Bron, où nous étions cantonnés, la vi­site d'une charmante jeune femme qui nous distribuait des postes de radio, des livres et autres gadgets. Le commandant Ducray m'avait demandé de la recevoir à chacune de ses visites aussi, lorsqu'il reçut une invitation du directeur du journal, il me demanda de l'accompagner à Paris.

Grande réception dans des salons dorés : apéritifs, champagne, banquet auquel assiste tout le personnel du journal et, à la fin du repas, discours grandiloquent du directeur qui rappelle les campagnes glorieuses du "Bretagne".

Vifs applaudissements... Tout le monde se lève et entonne... l' "Internationale" ! C'est ainsi que l'on put voir deux officiers de l'Armée de l'air, au garde à vous, écoutant sans broncher l'hymne révolutionnaire russe !

Nous avons eu notre petit succès à Gênas en rendant compte de notre mission.

Mais, pour moi, l'histoire "ce soir" ne s'arrête pas là.

Je me suis marié au mois d'août 1945 et après un mois de permission, rejoignais le groupe qui, à cette époque, était stationné à Saint-Dizier. C'est là que j'eus l'occasion de revoir notre marraine.

Je fus surpris de constater que son attitude à mon égard n'était plus la même. Pour parler vulgairement, elle me "faisait la gueule". J'ai eu l'explication lorsqu'elle me dit :

- « Vous auriez pu, au moins, nous accuser réception de votre cadeau... »

Je tombais des nues car je n'avais jamais reçu le moindre cadeau personnel. Il y eut une enquête et c'est ainsi que j'ai appris que le secrétaire particulier de Maurice Thorez s'appelait... Pierre Hentgès ! En voyant ce nom, le secrétariat du journal s'était trompé d'adresse.

Dommage, c'était certainement un beau cadeau et, à cette époque, il n'y avait malheureusement pas de liste de mariage...


Pierre HENTGÈS

Extrait de "Pionniers"

Date de dernière mise à jour : 20/04/2020

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