Opération Gisella

Les Intruders de nuit sur les Îles britanniques

Ce 3 mars 1945, à la tombée de la nuit, 13 Halifax III de chacun des squadrons 346 et 347 décollaient d’Elvington pour rejoindre le stream des avions qui allaient attaquer à 30 miles de Dortmund l’usine de carburant synthétique de Kamen.

Halifax tl
Handley-Page "Halifax"

La fin de la guerre semblait proche, les alliés étaient en Hollande sur les bords du Rhin et aux frontières de la Prusse et de la Silésie. Cependant les défenses anti-aériennes du Reich étaient toujours aussi puissantes. L'efficacité de la DCA ne semblait pas entamée et la chasse de nuit équipée du remarquable JU-88 G se montrait toujours agressive et redoutable. Elle n’était pas seulement menaçante dans le ciel allemand et l’on pouvait très bien la rencontrer au-dessus de l’Angleterre. Dès la fin de 1940 la Luftwaffe avait lancé quelques opérations de chasse de nuit sur la Grande-Bretagne. Les Intruders (pour intrus) devaient se mêler au flot des bombardiers partant en mission ou en revenant et agir lorsque ceux-ci décollaient ou se préparaient à atterrir avec leurs feux et les balisages de pistes étaient allumés ce qui en faisait des cibles idéales.

Effectuées de façon sporadiques et avec de faibles moyens, les résultats furent peu probants et ces opérations ne furent pas poursuivies, elles avaient complètement disparu avant juin 1944 et pourtant…

Précédés des Lancaster et des Mosquito des Pathfinders, les 201 Halifax qui allaient attaquer Kamen se dirigeaient côte-à-côte dans la nuit noire vers leur objectif, dans un vol qui semblait interminable comme d’habitude. Enfin le stream arrivait à l’objectif, une épaisse colonne de fumée noire montait déjà dans ce ciel embrasé par les éclatements violents de la DCA et par les projecteurs balayant le ciel, tandis que descendaient lentement les grappes rouges, jaunes et vertes des marqueurs que venaient de lâcher les Pathfinders. Ce spectacle féerique semblait complété par les incendies qui s’allumaient au sol. 

Le bombardement s’est effectué apparemment avec peu de pertes. Maintenant les Halifax sortis de l’enfer ont pris le chemin du retour qui passe au sud de la Ruhr et assez loin de ses terribles défenses. Tout est calme, trop calme dans cette nuit où pas un chasseur ne s’est signalé, ce qui était tout à fait inhabituel.

Ju 88g6
Junkers 88-G6

En réalité, tandis que les bombardiers approchaient des îles britanniques et que l’on apercevait déjà le balisage de l’énorme terrain de secours de Woodbridge, les 142 Junkers 88G franchissaient aussi, tous feux éteints la côte anglaise entre le Sussex et le Yorkshire. L’opération "Gisella" était engagée. 

Ju 88g6 de face
Junkers 88-G6, avec les antennes du radar FuG 220 "Lichtenstein" SN2

Laissons maintenant la parole à un des acteurs du drame qui allait suivre, le bombardier copilote d’un Halifax du Squadron 347 qui fut abattu tout près du terrain d’Elvington :

« Au passage de la côte anglaise, les bombardiers devaient allumer leurs feux de position, mesure indispensable pour éviter les collisions, tant était grand l’enchevêtrement des avions regagnant leur terrain, c’était aussi offrir de superbes cibles aux éventuels Intruders. À peine ces feux allumés apparurent dans la nuit, par hasard sans nuages, des traînées lumineuses rouges et vertes qui ressemblaient fort à des traçantes, elles furent suivies rapidement de boules de feux insolites. C’est alors que nous subissons la première attaque détectée aussitôt par le mitrailleur arrière qui commande la manœuvre évasive. La maîtrise du pilote dans les actions de dégagement nous évita les balles du chasseur allemand qui venait de tirer. Sur les ondes du contrôle d’aérodrome nous entendons le message "bandit", mot code annonçant la présence de l’ennemi dans notre ciel et, simultanément, les appels "May Day, May Day" des équipages en détresse.

Nous avions pris le cap pour Elvington conformément aux consignes en pareil cas, et nous sommes l’objet de deux nouvelles attaques quand nous arrivions à la verticale du terrain. La tour nous prévient aussitôt de la présence d’un chasseur allemand en tour de piste et éteint le balisage, elle nous demande de nous éloigner au plus vite en prenant de l’altitude, c’est ce qui nous sauva….

Quelques secondes après dans un fracas terrifiant l’avion fut secoué par un choc d’une violence extrême et partit en embardée sur la gauche comme soulevé par une force irrésistible tandis que nous étions aveuglé par une lumière intense. Nous venions de subir une attaque par-dessous, impossible à détecter, les deux moteurs droits et le plan droit étaient en feu, l’avion était touché à mort. Maintenu désespérément en ligne de vol par le pilote pour permettre à l’équipage d’évacuer, le Halifax vola environ 30 secondes, 6 membres purent sauter mais il partit en piqué entraînant dans la mort le pilote resté à son poste pour sauver son équipage. »

Cette nuit-là, 36 quadrimoteurs furent abattus sur l’Angleterre, dont 3 des Groupes Lourds. Les Allemands perdirent 34 avions pour des raisons diverses, crash, panne de carburant….

Ce fut le chant du cygne pour la Luftwaffe. 


Roger MICHELON 

 

La technique "Schräge Musik" (Musique de Jazz)

Technique scharge musik c

Schra ge musik d

Le principe : 2 canons de 20 mm MG 151/20, installés sur le dos du fuselage et tirant à 60° vers le haut

Date de dernière mise à jour : 20/04/2020

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