La Luftwaffe sur la BAN de Fréjus - Saint Raphaël
Que s’est-il passé sur la B.A.N. entre l’invasion de la Zone Sud par les Allemands et les Italiens en novembre 1942 et le jour du débarquement le 15 août 1944 ?
26.11.1942
Dans la soirée, un JU 52 se pose sur la Base. Motif : faire des vols le 27 pour le réglage d’un radio-gonio récemment installé. En fait, peut-être préparer l’opération du lendemain.
27.11.1942
Entre 7 h et 7 h 15, 6 soldats allemands, mitraillette au poing, font irruption à l’Aubette, se saisissent des factionnaires, des gradés de service, du premier-maître de quart et décrochent les téléphones.
Vers 7 h 15, l’officier de garde est lui-même saisi, alors qu’il circulait sur la Base, et des soldats se précipitent dans les chambres d’officiers.
Depuis 7 h 15, le CV Bonnot, commandant la BAN se trouve au poste de TSF. Il entend et voit circuler sur le terrain deux voitures qui, dans son esprit, amènent au terrain l’équipage du JU 52.
Revenu vers le Carré, il rencontre le lieutenant-colonel Schromer et un commandant qui lui lisent solennellement une proclamation lui enjoignant d’avoir à évacuer la Base avant 17 h, de renvoyer le personnel dans ses foyers et de faire supprimer tous les insignes de grade. Il refuse d’exécuter cet ordre avant d’avoir reçu des instructions de ses supérieurs. Il constate alors que toutes les liaisons sont supprimées. Par ailleurs, les casernements sont gardés et le personnel ne peut plus en sortir. Les bureaux sont interdits, le central téléphonique remis en fonction avec une équipe d’Allemands. Le poste radio est occupé, l’armurerie fortement gardée.
Un certain nombre (8 ou 10) de canons légers de DCA sont disposés en divers points du terrain et des casernements. Les hangars sont également surveillés.
Le lieutenant-colonel Schromer s’installe dans le bureau du Second et règle avec le CV Bonnot le détail de la journée. Celui-ci envoie des officiers aux renseignements à l’extérieur et se rend lui-même auprès du Général commandant d’Armes pour lui rendre compte de la situation et tenter à nouveau d’avoir une liaison extérieure.
Aucune action du même ordre n’ayant été faite sur les services militaires de la garnison et des camps, il apparaît que l’opération n’intéresse que la Marine. Le général autorise le transfert dans le Camp de La Lègue du personnel ne pouvant partir en permission.
Les conditions de l’évacuation de la Base sont difficiles à mettre en œuvre car de nombreux officiers qui étaient "à terre" avaient d’abord été priés de s’éloigner.
Le lieutenant-colonel Schromer consent quelques facilités pour hâter l’opération : libre accès aux bureaux, libre circulation à l’intérieur de la Base, possibilité d’utiliser les véhicules pour le transport du personnel et des bagages, de la comptabilité, des vivres nécessaires pour nourrir le personnel cantonné au Camp de La Lègue pour un temps indéterminé.
Les questions principales semblent réglées et le nouvel occupant disposé à nous voir partir le plus tôt possible. La suite des opérations montre que les instructions aux gradés chargés de faire exécuter étaient restrictives, pleines de méfiance et faites pour entraver l’évacuation. À tout instant, on perçoit avec évidence la mauvaise foi des supérieurs et des subordonnés.
04.12.1942
L’Ingénieur mécanicien de 1ère classe Ragot est convoqué par le général Bayer qui demande que les ouvriers civils reprennent immédiatement le travail.
07.12.1942
L’IM Ragot rentre sur la Base avec 40 ouvriers et quelques officiers-mariniers.
21.12.1942
Le CC Rousselot et le LV Bozec rencontrent le colonel Schram (commandant de la formation qui doit arriver prochainement sur la base), un commandant allemand et un capitaine italien :
- Tout le matériel qui était sous contrôle allemand passe sous contrôle italien. Tout le reste est pris par les Allemands.
- Les avions français devront avoir évacué dans les quinze jours, les Allemands désirant les voir partir pour faire de la place. L’officier italien laisse entendre qu’ils pourraient être dirigés sur Berre.
- Un local resterait à notre disposition pour y mettre nos archives jusqu’à l’arrivée de l’escadre.
- Le Commandant pense au terrain de Fayence comme terrain annexe pour sa formation et son personnel qui n’auraient pas de place sur la Base.
- Allemands et Italiens semblent désirer la présence du personnel français uniquement pour remettre de l’ordre sur la Base et apprendre aux occupants à faire fonctionner les servitudes. Ensuite, ils les renverront en gardant peut-être les ouvriers.
29.12.1942
Arrivée d’une vingtaine, de Stuka (1). Le Major allemand laisse entendre que les marins français ne pourront rester sur la Base.
04.01.1943
Le Major allemand annonce l’arrivée d’ouvriers civils allemands qui occuperont tous les ateliers et qui amèneront leurs outils, leurs matériels... etc.
05.01.1943
Arrivée du personnel civil allemand qui occupe les ateliers. Nos ouvriers restent avec eux.
07.01.1943
Conversation entre le L.V. Bozec et un lieutenant-colonel allemand :
" Pourquoi ne voulez-vous pas laisser travailler les ouvriers français sous nos ordres ? De toutes façons, cela sera comme cela dans quelques temps. Cela a lieu à Brest et tout le monde est très content ainsi".
Sur un renouvellement pressant de notre demande de nous laisser convoyer nos avions et hydravions sur une autre base, les Allemands répondent :
" Pourquoi ne laissez-vous pas vos hydravions à la bouée et vos avions sur le terrain ? En Allemagne, c’est pourtant ce que nous faisons "
19.01.1943
Le capitaine Craignoni est le commandant italien du camp.
Notre présence parait indésirable. Les intentions des occupants semblent être les suivantes : le personnel ouvrier serait embauché au gré des occupants, sans passer par notre intermédiaire.
Le hangar V1, vidé au 2/3 des appareils français qui s’y trouvaient, abrite maintenant des avions allemands. Nos appareils se trouvent sur les terre-pleins ou dans l’ancien marais.
Les Italiens demandent à quelques gradés de les aider à mettre en état de vol les avions français qu’ils désirent conduire en Italie. Cette offre n’est pas acceptée : en cas d’accident, ils pourraient en effet accuser notre personnel de sabotage.
18.01.1943
Le major Brix demande au LV Bozec de lui fournir des armements d’embarcation. Des marins-pêcheurs sans travail sont embauchés.
27.01.1943
Un lieutenant pilote italien, qui essayait le Léo 45 n° 486, après un décollage catastrophique, écrase l’appareil au sol à l’atterrissage.
24.02.1943
Un équipage italien vient chercher un Potez 63. Départ retardé, avion indisponible.
01.03.1943
Un Stuka est accidenté près du Puget.
02.03.1943
Visite du maréchal Sperrle.
02.04.1943
Des travaux sont en cours pour créer des zones de dispersion pour les appareils dans le nord-est du terrain.
09.04.1943
Camouflage en cours des bâtiments voisins de la Base (peinture gris-foncé) en particulier le "Grand Hôtel" de Fréjus-Plage.
10.04.1943
Un Stuka est accidenté : il a effleuré l’eau dans une ressource. Construction de nombreuses tranchées sur la plage et à l’intérieur de la Base.
14.05.1943
De nuit, un soldat allemand est tué d’une rafale de mitraillette. Il n’aurait pas répondu à la demande du mot de passe.
26.05.1943
Un "Stuka" est détruit au Luc. Le pilote a sauté en parachute.
28.05.1943
Le capitaine Monti, venait de Cuers, devient le commandant italien du camp.
21.05.1943
Début du creusement du fossé antichar de Villepey.
11.06.1943
Les pistes de dégagement (au NE et à l’Est de la Base à Fréjus-Plage) aboutissent à des abris pour 1ou 2 Stuka. Les habitants du quartier des écoles de Fréjus-Plage ont reçu l’ordre d’évacuer.
24.07.1943
Départ d’un Caudron Goéland pour l’Italie.
02.08.1943
Évacuation des habitants du quartier du port de Saint-Raphaël qui doivent avoir quitté la place avant 17 h.
20.10.1943
Le démontage des machines-outils commence.
21.10.1943
Dans le hangar V1, les Allemands font démonter toutes les installations de chauffage central, tuyaux compris, ainsi que les lavabos et les cuvettes.
23.10.1943
Les Services industriels allemands de la Base devraient être déplacés prochainement. Les ouvriers français devraient suivre ce déplacement.
08.11.1943
Les travaux destinés à rendre le terrain inutilisable ont commencé : tranchées de 1 m de profondeur avec remblais.
12.11.1943
Les ouvriers embauchés par les Allemands ont été licenciés au cours de cette semaine.
17.12.1943
Les occupants ont mis le terrain hors d’état par un réseau de tranchées établi sur toute son étendue.
12.01.1944
Les ouvriers ayant travaillé à la Base jusqu’au 1er novembre 43 ont reçu des convocations leur enjoignant d’aller travailler à Salon pour le compte des troupes d’occupation. Les ouvriers détachés à la grue et aux embarcations n’ont pas été touchés par ces convocations.
Ces renseignements ont été tirés des archives suivantes du Service Historique de la Marine à Vincennes :
- TTD 249 : 3ème Bureau Aéronavale (40/42)
- TTD 260 : Aéronautique navale 3ème Région (39/45)
- TTD 262 : Fréjus/Saint-Raphaël (1939/43)
(1) Il s’agit de la Stukaschüle 1 (École de Stuka 1) dont la mission est d’initier les jeunes pilotes aux opérations avec ce type d’appareil, en particulier le bombardement en piqué effectué sur une cible située au Nord de Caïs.
Date de dernière mise à jour : 28/03/2020
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