Du vin dans l'eau

Avec le Groupe 1/7 en Corse.

Un soir de juin 1944, nous étions encore attardés, la nuit tombée, dans la salle des pilotes du terrain de Borgo, attendant le car qui devait nous ramener au cantonnement, quand la porte de la baraque s'ouvrit pour laisser entrer un pilote trempé comme une soupe et couvert de sang. C’était le lieutenant Hivers du 1/3.

Aussitôt :

- « Tu es blessé ? »

- « Non, c'est du vin. »

- « Comment ça, du vin ? »

- « Du vin rouge ! »

- « Oui, mais encore ? »

- « Eh bien, voilà. Comme je ne sais pas nager, j'emmène toujours avec moi une petite gourde de vin pour tenir le coup si je suis abattu en mer. Ce soir, j'ai eu la carafe en arrivant vers la côte. J'ai réussi à me parachuter après deux tentatives infructueuses (1). Mon parachute à peine ouvert, j'étais dans l'eau et, en me dégageant, je me suis aperçu que j'avais pied. J'ai pensé, après toutes ces émotions, que c'était le moment de me réconforter avec ma gourde. Mais, comme je devais encore trembler, du vin s'est répandu sur ma combinaison.

- « Mais ce n'est pas du sang. Tu vois, c'est tout simple ! »

En fait, il était tombé dans un étang de la côte orientale et avait patiemment attendu qu'on vienne le rechercher car il perdait pied en se rapprochant de la rive.

Histoire corse authentique.


Pierre SIMARD

Extrait de "Pionniers" n° 150 d’octobre 2001

(1) Pour sortir de la cabine du Spitfire, il fallait avoir au moins 3 g négatifs afin d'éviter l'empennage

Date de dernière mise à jour : 17/04/2020

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