Séjour du Cdt des FAS dans le SAC

Lorsque j’arrive à Taverny le 27 août 1985, il n’existe que trois grands commandements dotés de bombardiers stratégiques dans le monde : le Strategic Air Command (SAC) aux États-Unis, les Forces aériennes stratégiques en URSS et les Forces aériennes stratégiques (FAS) en France. De ce fait, et compte tenu de la guerre froide, les échanges entre homologues se limitent au SAC et aux FAS. Certes, la taille des deux commandements n’est pas la même : 1000 missiles sol-sol chez l’un contre 18 chez l’autre, les proportions étant de 350 contre 18 pour les bombardiers et de 350 contre 11 pour les ravitailleurs. Mais les missions et les préoccupations sont de même nature. Les visites mutuelles intéressent donc au plus haut point les deux parties.

En février 1987, je reçois en France le général Chain, commandant le SAC. Je lui montre mes installations à Taverny et nous effectuons ensemble un vol sur un Mystère 20 équipé du système d’armes du Mirage IV. Cela l’intéresse vivement. De plus mon homologue est un homme de qualité et nos épouses et nous-mêmes sympathisons grandement. 25 ans plus tard, nous sommes toujours en contact.

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Avec le général Chain avant le vol

En juin 1987, avec ma femme, nous nous rendons à Omaha (Nebraska), siège du SAC. Dès la première nuit, nous notons la taille différente des deux commandements : la chambre d’hôte est une villa du style sudiste avec, comme dans les westerns, terrasse en bois et rocking-chairs de service. La bannière étoilée flotte au fronton de la maison.

Outre la visite de la salle d’opérations du SAC, j'ai le plaisir de voler sur B-52G, B-1 B et KC-10 et de visiter un silo de Minuteman.

Vol sur B-52G "Stratofortress"

La première version du B-52B est entrée en service dans l’armée de l’air américaine en 1955, l’année où j’obtins mon brevet de pilote de chasse !

744 avions de ce type ont été construits et 7 versions de cet appareil utilisées. Un peu moins de 200 appareils des types G et H sont encore en service.

L’envergure du B-52 est de 56,90 m, sa longueur de 48 m et sa hauteur de 12,40 m. La masse maximum au décollage du G est de 488 000 livres, soit 221 tonnes. Les premières versions ont été équipées de 8 réacteurs J-57 de 6 tonnes de poussée avec injection d’eau (le moteur des C-135 F) et le modèle H de TF-33 de 7,7 tonnes de poussée.

À l’origine, l’appareil a été conçu pour pouvoir larguer soit des armes nucléaires, soit 51 bombes classiques Mk 82 de 500 livres. Il a reçu plusieurs séries de modifications tant au niveau de l’avionique que de l’emport d’armement. Aujourd’hui, il emmène essentiellement des missiles de croisière tirés à distance.

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Le B-52G

L’équipage comporte 6 hommes. Au pont supérieur les deux pilotes et derrière eux, assis en sens inverse, l’opérateur contre-mesures et le mitrailleur qui dispose d’une visualisation radar du secteur arrière et de la commande des canons de la tourelle de queue. Au pont inférieur, deux navigateurs veillent à la trajectoire de l’avion. Comme les vols peuvent être très long, le pilote ou le copilote peuvent dormir sans quitter leurs places : le manche se pousse jusqu’au tableau de bord et le dossier du siège peut s’incliner à l’horizontale.

Le 23 juin 1987, avec le major Oliverson, nous partons d’Offutt Air Force Base, la base située à proximité d’Omaha, pour une mission de 4 heures avec ravitaillement en vol, navigation basse altitude, attaque d’un site de SA-6 et atterrissage à Ellsworth AFB dans le Dakota du Sud.

Au décollage, je suis seulement spectateur, en trèfle derrière les deux pilotes. Les procédures tant pour l’injection d’eau qu’en cas de panne au décollage imposent des pilotes confirmés aux commandes. Les anciens du C-135 F n’en seront pas surpris.

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Cockpit du B-52G

Dès la montée, je passe en place gauche. L’instrumentation est relativement classique et très Boeing. Totalisant une centaine d’heures sur C-135 F et FR, je ne suis pas dépaysé. Le seul instrument nouveau est une coupe du terrain en avant de l’appareil donné par un radar air-sol. Ce qui est en revanche inusuel pour un pilote de chasse est d’avoir 8 manettes des gaz dans la main. Pour les déplacer ensemble, à moins d’avoir une paluche de boxeur, il faut les pincer.

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Les manettes du B-52G

De même le tableau des instruments moteur, placé sous l’auvent est impressionnant.

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B-52G Tableau instruments moteurs

Une fois en altitude, je fais des évolutions pour prendre en main l’appareil. Les commandes de vol ne sont pas bonnes. Heureusement, les quelques heures que j’ai effectuées sur nos ravitailleurs me donne l’entraînement préalable nécessaire pour ne pas être ridicule.

L’inertie en roulis est très importante du fait du poids des réacteurs en nacelles. Les pilotes du Buff (Big Ugly Fat Fellow ou …Fucker) disent que le commandant d’avion dit à une petite souris d’aller demander à l’aileron de s’incliner. Le rongeur va en bout d’aile porter le message puis revient rendre compte que la commission a été faite et que l’ordre va être exécuté. À ce moment là, il faut pousser sur le manche pour contrer l’effet secondaire de la commande de roulis sur la portance. En profondeur, le pilotage est plus classique.

Nous allons ensuite effectuer un ravitaillement en vol. Nous effectuons la rejointe avec un KC-135 et le moniteur en place droite m’aide à me mettre en position. Le boom operator enquille la perche dans le réceptacle et il n’y a plus qu’à rester en place pendant que les réservoirs de l’avion se remplissent.

La chose n’est pas trop difficile, y compris lorsque nous passons dans les nuages : des voyants lumineux sur le ravitailleur indiquent s’il faut monter ou descendre, avancer ou reculer et plus encore les mouvements de la perche télescopique montrent de façon naturelle la manœuvre à faire. Les moteurs répondent bien aux sollicitations des manettes mais il est évident qu’avec ces commandes de vol et l’inertie du B-52 seul le système de ravitaillement Flying Boom est valable.

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KC-135 se préparant à ravitailler un B-52G

Aussi de retour en France, je me battrai bec et ongles pour que nos AWACS en disposent en plus du Probe and drogue qui paraissait préférable aux experts de l’EMAA car peu familiers de ce type de machine.

Les pleins effectués nous descendons à basse altitude pour la navigation.

La vitesse retenue, autant que je m’en souvienne, devait être de 360 kt. Nous n’avons certainement pas dépassé les 400 kt. En effet à 450 kt, l’action de la profondeur est insuffisante pour arrêter une mise en piqué de l’appareil. Si rien n’est fait pour réduire la vitesse, seul le sol peut stopper la descente.

Au premier point tournant, je vire franchement. Hurlement et reprise des commandes en place droite. Je ne suis pas en Jaguar ! L’inclinaison maximale autorisée à base altitude est de 30°. Aux essais, sur un virage prononcé, la dérive a été brisée !

Nous poursuivons notre vol vers le SA-6, détecté puis brouillé par le vieux corbeau assis derrière moi.

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Tir d’un SA-6

Puis nous prenons le cap d’Ellsworth. Comme je me suis honorablement comporté durant le vol, je suis autorisé à poser la bête. Il y a un peu de vent de travers, mais cela est sans problème : en effet, un doppler calcule la dérive et oriente les diabolos du train d’atterrissage suivant le vecteur "sol". Il faut rester dans l’axe de la piste en gardant les ailes horizontales. Un arrondi évite de toucher en premier du diabolo avant. Comme sur Vautour, l’avion rebondirait alors dans de très mauvaises conditions. Enfin, grâce au doppler, pas de décrabe, comme diraient mes amis transporteurs. La seule chose inhabituelle est de voir la piste sur le côté en finale et non dans l’axe du pare-brise !

Lorsque la vitesse diminue, les balancines viennent toucher la piste. Le roulage jusqu’au parking n’étant pas évident du fait des dimensions de l’appareil et de son système de diabolos, j’arrête l’avion et donne ma place au moniteur.

Le B-52 n’a vraiment pas de bonnes commandes de vol mais comme tout avion un tant soit peu difficile, il laisse des souvenirs inoubliables. À ma connaissance, il n’y a eu que deux Français à avoir le privilège d’en faire un tour : Philippe Vougny, mon successeur à Taverny et moi-même. Je souhaite ce plaisir à beaucoup d’autres.

Vol sur B-1B "Lancer"

Le B-1B est issu d’un programme de bombardier stratégique lancé en 1969, annulé en 1977, puis repris en 1981 sur décision du président Reagan. Le premier avion fut livré au SAC en juin 1985 et l’escadron de bombardement n° 77 fut déclaré opérationnel sur la base d’Ellsworth en octobre 1987. L’appareil a été conçu initialement pour emporter 24 bombes nucléaires ou 8 missiles de croisière à tête nucléaire (ALCM, Air Launched Cruise Missile) montés dans les barillets qui équipent ses trois soutes. Une mission classique lui a été confiée ultérieurement qui lui permet de larguer 40 bombes Mk 82 de 500 livres.

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Le B-1B avec les ailes à 15°

L’avion est à géométrie variable, la flèche des ailes pouvant être calée en vol à différents angles 15°, 25°, 55° et 67,5°. Un calage supplémentaire à 45° a été prévu ultérieurement. La masse maximum au décollage est de 216 tonnes ; la longueur est de 41,81 m et la hauteur de 10,69 m. L’envergure varie de 23,84 m à 41,67 m en fonction de la position de la voilure. Des petits canards, placés en avant du poste de pilotage, sont utilisés pour l’amortissement des mouvements de tangage.

L’équipage est de quatre hommes, un pilote, un copilote et derrière eux un opérateur du système d’armes offensif (qui assure la navigation et l’emploi des armes) et un opérateur du système d’armes défensif (c'est-à-dire des contre-mesures électroniques).

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Postes des deux opérateurs-systèmes, tournés vers l’arrière

Le tableau de bord est moderne, avec un écran type télévision en place centrale du tableau de bord. Cet écran reçoit les indications de vol et les ordres de pilotage. À sa droite se trouve le panneau de VSV de secours avec boule, altimètre et badin traditionnels. Plusieurs instruments (badin, altimètre, moteurs) ont une présentation de type linéaire.

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Cockpit du B-1B

La commande de calage des ailes est une manette de bonne taille située sur le flan gauche du cockpit. Pour le pilotage, il n’y a pas un volant comme sur B-52 ou C-135 mais un manche d’avion de chasse.

Quatre moteurs de 14,7 tonnes de poussée avec réchauffe assurent la propulsion de l’appareil.

Les vols pouvant être de très longue durée, des entonnoirs permettant au pilote de vider sa vessie n’ont pas été prévus comme sur les sièges éjectables des avions de chasse : un véritable cabinet de toilette (avec cuvette) est installé derrière le poste de pilotage. Les ingénieurs ont ainsi résolu la question de la féminisation des armées de l’air.

Le 24 juin 1987 au matin, je bénéficie d’un long briefing dans l’avion. L’après-midi, avec le major Younkin, nous décollons d’Ellsworth pour un vol de trois heures.

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Briefing du Major Younkin

Sympathiques attentions du général Chain, mon nom et mon grade, Lt General Fleury, ainsi que l’indicatif attribué pour le vol, Lafayette One, ont été peints sur le fuselage.

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Difficilement lisible, l’indicatif : La Fayette One

La mission prévue est analogue à celle que j’ai effectué la veille sur B-52, à savoir, ravitaillement en vol, navigation basse altitude, attaque d’un site de SA-6 et retour au terrain mais avec quelques circuits d’atterrissage. Pour le décollage, je suis en trèfle, avec un parachute, car il n’y a que quatre sièges éjectables dans l’avion, sièges aux postes prévus pour l’équipage.

Dans la montée, je passe en place gauche et la conserve pour tout le reste du vol. Mes souvenirs me disent que les ailes sont alors à 25°. Je prends l’avion en main : c’est un régal, grâce à de remarquables commandes de vol très homogènes et un avion très maniable. J’ai le sentiment d’être dans un avion de chasse de la génération du Mirage 2000 et pas dans une machine de 200 tonnes. Cela me change du B-52 !

Nous ravitaillons sur un KC-10. La position est d’autant plus facile à tenir que le réceptacle de la perche télescopique est situé au pied du pare-brise : le pilote en a les mouvements devant les yeux et n’a pas besoin des feux de guidage commandés par l’opérateur ravitaillement en vol (boom operator). Les commandes de vol et la réactivité des moteurs facilitent également l’opération.

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Ravitaillement par un KC-10

Les pleins faits, nous descendons à basse altitude. Les ailes sont ramenées en arrière, à 55° je pense, et nous prenons 450 kt. Il y a peu de turbulences et l’avion est confortable. Le pilote coupe l’amortisseur de tangage. Cela bouge nettement plus car la cabine est très en avant du centre de gravité de l’avion ; j’en conclus que l’amortissement automatique doit être bien utile par fort tabassage.

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Le B-1B avec les ailes à 67,5°

La fonction suivi de terrain du radar n’est pas opérationnelle. Je pilote donc à l’œil. Le recalage de la navigation est effectué par le navigateur à l’aide du radar qui possède une remarquable définition dans la fonction visualisation du sol.

Nous effectuons le run 1 d’attaque du SA-6 avec une vitesse de l’ordre de 500 kt puis rentrons à Ellsworth pour les tours de piste. Le moniteur effectue le premier en démonstration. Les ailes sont déployées à 15° et l’atterrissage se fait avec les volets sortis. De mémoire (2) la vitesse en finale n’est pas très élevée, de l’ordre de 140 Kt, voire un peu moins, avec un toucher des roues vers 120.

Je fais ensuite mon premier atterrissage et réussis un kiss-landing (3), ce qui me vaut le commentaire du copilote spectateur « Mieux que le moniteur ». Les deux atterrissages suivants sont excellents mais, comme pour celui de l’instructeur, j’impacte avec un très léger variomètre négatif, ce qui est plus classique pour un appareil de cette catégorie. Je ramène l’avion au parking sans difficulté. Le maniement de la machine au sol est aussi facile qu’en vol.

Le grand souvenir que m’a laissé cet avion est la réussite de ses commandes de vol qui permettent de manœuvrer un appareil de 200 tonnes avec la plus grande aisance.

Je me dois enfin de faire un ultime commentaire, remercier le général Chain qui m’a permis de voler sur le dernier avion mis en service par l’armée de l’air américaine, avant même qu’il soit déclaré opérationnel. Il y a là un fort témoignage des liens d’amitié et de confiance qui unissent les deux armées de l’air.

Vol sur KC-10 "Extender"

Le 25 juin 1987, je visite un silo de Minuteman, ce qui me permet de constater qu’avec les S-3 du plateau d’Albion, nous n’avons pas à rougir de nos technologies.

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Minuteman dans son silo

Mais l’après-midi, il est temps pour mon épouse et moi-même de rentrer sur la côte est des États-Unis. Nous avons en effet à prendre un Concorde d’Air France le lendemain pour rejoindre Paris.

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Mon ami Jack Chain, qui ne fait pas les choses à demi, met à cet effet deux KC-10 à ma disposition. Cet avion est la version ravitailleur du McDonnell-Douglas DC-10. D’un poids maximal au décollage de 267 tonnes, il fait aussi partie des grosses bêtes.

Cette fois, dès la mise en route, je suis en place gauche. Ma première impression est d’être assis très haut. Mes yeux sont en effet à environ 4,50 m au-dessus du sol et ce sentiment est renforcé par le fait que je suis plus en avant que sur les avions Boeing, le nez des DC-10 étant relativement camus. Je vois pratiquement le tarmac sous mes pieds.

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Cockpit du KC-10

Je ne me sens pas dépaysé car l’instrumentation est classique : de plus, la compagnie aérienne UTA (Union de transports aériens) m’a fait faire quelque temps auparavant une longue séance d’instruction sur son simulateur de DC-10 afin de me permettre d’en évaluer la technologie avec en particulier la visualisation extérieure. J’ai ainsi pu faire une percée et un atterrissage à Hong-Kong Kai Tak dont l’approche était alors considérée comme une des plus difficiles au monde.

Décollage et montée ont lieu sans problème ; les commandes de vol sont bonnes et adaptées à ce type de machine. Arrivés à 20.000 pieds, sous le contrôle d’un radar militaire, le deuxième KC-10 rassemble sur nous et se met dans la position de ravitaillé pour pouvoir remplir ses réservoirs. Avec mon épouse nous allons dans le salon de l’opérateur ravitaillement en vol (ORV) pour jouir du spectacle. Habitué au local exigu de l’ORV sur C-135 et à l’opération de rampement nécessaire pour y pénétrer, je découvre avec surprise une installation luxueuse. L’opérateur est assis sur un fauteuil et dispose d’une vue panoramique grâce à de larges vitres. Derrière lui, une banquette confortable permet d’accueillir trois passagers.

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Poste du Boom Operator sur KC-10

Mon épouse peut ainsi pour la première - et sans doute dernière - fois assister à un ravitaillement en vol, ce qui lui était interdit en France. De même à Taverny, je n’avais pas le droit de lui faire visiter mon centre d’opérations, le COFAS.
À Omaha, le SAC lui avait ouvert ses portes et, à son étonnement, elle avait pu voir la position des bombardiers au sol et en vol ainsi que l’implantation des missiles balistiques stratégiques. Cette différence de traitement est à mon avis due à trois facteurs. Tout d’abord, les Américains associent beaucoup plus que nous les familles à la vie professionnelle de leurs maris. Les épouses en comprennent mieux les servitudes et les enfants deviennent les meilleurs propagandistes de l’USAF à l’école. Ensuite, les règles sont scrupuleusement respectées outre-Atlantique, alors que chez nous, on a tendance à aller un peu plus loin. Il nous faut donc mettre les barrières bien en avant de la ligne à ne pas franchir. Enfin, si le secret-défense doit être strictement observé, il n’y a en revanche aucune raison de cacher ce qui est vu par tous les satellites en vol, comme le déploiement des forces stratégiques.

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KC-10 ravitaillé par un autre KC-10

Les pleins du deuxième KC-10 étant faits, nous inversons nos rôles. À mon tour d’être le ravitaillé et je reprends mon pétrole. Nous continuons ensuite notre navigation et, par rapport à l’autre avion, je me mets en position d’équipier en formation de manœuvre offensive rapprochée. Je tiens ma place sans difficulté grâce au pilote automatique très performant : l’altitude est tenue au pied près ; si je suis un peu en arrière, j’ajoute un ou deux nœuds à la commande de vitesse ; pour modifier l’écartement des deux avions, il me suffit de changer simplement le cap affiché d’un ou deux degrés. Je dois dire que j’ai trouvé cela plutôt amusant.

C’est bientôt l’arrivée sur Andrews AFB, près de Washington DC. Après trois heures de vol, nous nous posons à la nuit tombante puis roulons derrière un Cessna 172. Avec sa dérive qui culmine à 2,72 mètres au-dessus du taxiway, ce petit avion, en comparaison avec le nôtre, parait un misérable insecte ! Comme je le fais remarquer à mon copilote, c’est cependant cet appareil qui s’est posé à Moscou sur la place Rouge quelque temps auparavant.

Nous passons la nuit sur la base et prenons au petit matin l’avion-navette pour aller de Washington National à New York JFK. C’est ensuite le retour à Mach 2 et mon épouse devient à son tour bi-sonique.

***

Après ces quelques jours exceptionnels passés aux États-Unis, nous pouvons dire que sommes heureux comme Ulysse qui fit un beau voyage (4) ! C’était même un très beau voyage et nous rentrons pleins d’usage et de raison.

Merci Jack Chain.


Jean FLEURY

(1) Partie de la trajectoire précédant le bombardement.
(2) Ce texte est écrit 23 ans après le vol !
(3) C'est-à-dire, un toucher du sol doux comme un baiser.
(4) Poème de du Bellay :

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Date de dernière mise à jour : 05/04/2020

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