Un vol de planeur dont on se souvient

 même trente ans après !

Ça s’est passé il y a trente-cinq ans, à peu près.

Avec quelques copains, jeunes pilotes de planeur mais tous pilotes de plaine, nous avions décidé de monter un stage de vol d’onde à Issoire, dans le Massif Central, pendant les vacances de Noël. Ce n’était ni le meilleur endroit ni le meilleur moment mais c’était ce que nous pouvions nous offrir de mieux.

Nous n’avions tous aucune expérience ni du vol d’onde ni du vol en montagne. Après une semaine d’attente liée à la météo et un vol de lâcher en tour de piste, nous étions prêts avec pour seul bagage les excellentes explications théoriques du fameux La Vapeur (Il fera beaucoup plus tard, avec son frère dit La Buée, l’extraordinaire vol en planeur Vinon-Fez).

Les conditions étant enfin favorables, nous voilà tous alignés en piste sous un ciel pourtant bien nuageux, emmitouflés comme des esquimaux dans nos étroits cockpits, la température au sol étant négative. C’est enfin mon tour et après dix minutes de vol remorqué bien agité l’avion remorqueur bat des ailes dans l’ascendance.

Je largue et j’applique à la lettre les recommandations du Maître. Rester en arrière du trou de foehn (le trou dans le nuage qui marque l’ascendance), en essayant de régler sa vitesse pour rester fixe par rapport au sol, le vent étant fort. Autre recommandation : si vous passez dans le nuage accélérez pour rejoindre le trou de foehn, car vous avez dû reculer.

C’est ce qui m’arrive : le planeur monte mais je me retrouve dans le nuage. Je pique pour prendre de la vitesse mais c’est sans effet. Je commence à stresser car il y a du relief dont j’estime mal la position et je suis sans références extérieures. Je sais que je peux donc perdre le contrôle du planeur en très peu de temps, car je n’ai pas d’instruments de vol sans visibilité, ni d’entrainement d’ailleurs.

Rapidement ça s’arrange, ou presque. Je me retrouve au-dessus des nuages, toujours dans l’ascendance, mais ma verrière est entièrement givrée et complètement opaque. J’ouvre la petite fenêtre d’aération et j’ai alors un petit bout d’horizon suffisant pour piloter. Toujours en montée je gratte ma verrière avec mes ongles en sortant le bras par la fenêtre qui fait quinze centimètres sur douze. Je m’aperçois alors que le trou de foehn s’est entièrement refermé sous mon planeur.

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J’estime que, ne connaissant pas bien ma position ni le relief avoisinant, il est hors de question de percer la couche nuageuse. J’ai subi pas mal de stress en quelques minutes, ma main est bien gelée, et à ce moment j’estime donc que la seule solution de retour est le saut en parachute.

Heureusement je dispose de temps pour réfléchir car je monte toujours et que petit à petit ma verrière dégivre toute seule. Je monte jusqu’à 3.400 m, c’est mon record personnel et la vue est magnifique au-dessus des nuages. Je suis bien content, le moral remonte et je me dis que je peux sans doute éviter le saut en parachute. Plus loin il y a des trous dans les nuages.

Je me déplace dans l’onde sans perdre d’altitude, il y a bien un trou au-dessous mais il est petit et avec la carte au 1/500.000, peu précise, je n’arrive pas à savoir ou je suis. Je reste longtemps au-dessus du trou, mais il m’est toujours impossible de déterminer ma position. Pas question de descendre sans savoir où je suis, il y a du relief !

Je commence à désespérer d’arriver à trouver ma position quand tout à coup je me retrouve en patrouille avec un Bijave, le planeur école de l’époque. Aucun vol de biplace n’était prévu au départ d’Issoire et j’en déduis que ce planeur vient d’ailleurs. Je me rappelle alors que les planeurs de Bourges font le même genre de stage que nous mais à Brioude, trente kilomètres plus au sud, et d’ailleurs je crois reconnaître le bouc de Jean Tanguy qui me fait des grands signes depuis la place arrière du Bijave, les planeurs de l’époque étant rarement équipés de radio.

J’étais persuadé d’avoir dérivé au Nord vers Clermont-Ferrand, mais ce planeur vient du Sud ! Je scrute à nouveau ma carte, dès que mes visiteurs s’éloignent, et je trouve enfin ma position…à quarante kilomètres de celle que j’estimais.

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Mon manque de connaissance de la région et le stress du vol m’ont bien désorienté. Je peux alors vérifier qu’il n’y a pas de relief trop près du trou dans les nuages et qu’en passant sous la couche j’aurais assez d’altitude pour rentrer à Issoire. Le froid et la baisse du stress me font greloter alors je sors les aérofreins et commence la descente. Un quart d’heure après je suis posé, ayant fait un vol de seulement deux heures qui sera le seul du stage.

Malgré tout, après l’atterrissage j’exulte et je me dis que cela valait bien les huit jours d’attente dans un triste dortoir, à se nourrir de Royco minute-soupe.

Sylvestre X

Origine : site "Mental pilote"

Date de dernière mise à jour : 26/04/2020

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