Un vol comme les autres

Vol de nuit à partir de Luxeuil, en février 1980

PIL :  - « PC droite »
              
NAV :  Je la sens :
            - « OK, c'est bon »

PIL :  - « PC gauche »
             
NAV :  Je la sens :
            - « OK, c'est bon »

Miv dec pc
Pleins gaz - Pleine charge PC... c'est parti ! Un Mirage IV sans bidons, lors d'un autre vol de nuit

PIL : - « Calcaire 354, décollage »
        - « T4 correctes, le badin décolle. »

J'égrène les secondes : « 13, 14, 15, 16 »

PIL :   - « 100 kt »
NAV : - « C'est bon, on continue. »

Je sens l'avion, tel un obus, il semble devenir ingouvernable. Par rapport aux lumières, la vitesse de défilement s'accentue.

       PIL : - « V2 ».

C'est parti. Sauf problèmes importants, on va être en l'air. Les fesses se détendent.

       PIL : - « Roulette … 10° boule. »

Je sens tout ce que fait le pilote. J'aimerais être assis près de lui. Nous épouserions mieux l'avion à tous les deux.

 PIL : - « Frein… Train… Bout de bande. »

Le calculateur est en marche. L'avion accélère, l'alti monte doucement.

PIL : - « Train rentré. »

Ca y est. Nous sommes dans les azurs, dans les nuages : nous sommes un avion.

PIL : - « Calcaire 354 cap 210, 3.500 pieds, je vous rappelle pour monter »

L'approche a une voix de femme aujourd'hui.

PIL :   - « Cap 290, début montée »
APP : - « Calcaire 354, 30 nautiques, 210 station, contactez Menthol. »

Salut jeune fille, à tout à l'heure. J'espère que tu seras encore là, à notre retour, pour nous accueillir.

Le radar est en route. Un coup d'émission pour vérifier le cap et la position.
Les nuages commencent à s'effilocher.
La lumière devient plus importante.
C'est l'explosion dans le soleil : nous avons rattrapé le soleil. Pour les quidams du bas, il est couché, pour nous, il va nous accompagner dans les vagues de l'Atlantique et se coucher à nouveau.

Mission de routine : un Mirage IV décolle de nuit. Cela fait douze ans que je fais ce type de mission. Le pilote est plus récent que la "bête". Mais son expérience et son sérieux "font plaisir à voler avec lui". Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous sommes ensemble. Nous avons passé plus de 2 h à préparer et à nous briefer sur cette mission. Est-ce que je lui ai tout dit ?

Le soleil est plein travers.
Son bord inférieur disparaît dans la mer de nuages.
Les rayons commencent à rougeoyer.
Je tends le cou, je déverrouille les bretelles, je ne veux pas rater ce spectacle, je suis aux premières loges.

Pendant 5 mn, personne ne parle : l'avion va glisser tout seul, aux ordres du pilote automatique. Nous n'échangerons que ces quelques mots :

- « Qu'est-ce que c'était beau. »

Allez, pas de regret, un petit merci au Seigneur pour ce coup d'œil gratuit, un coup de radar pour recalculer l'heure du rendez-vous avec le C-135 ravitailleur.  Le boulot reprend ses droits. Nous sommes sur route, à l'heure. C'est le pied. Une grosse étoile me fait de l'œil dans la lucarne de gauche.

Nous avons rendez-vous avec un C-135 d'Istres sur l'axe 49. C'est la zone de ravitaillement, un petit bout sur terre du côté de Béziers, un gros bout sur la mer jusqu'au sud de Marseille, à 10 km d'altitude. Nous devons rejoindre la grosse bête à partir d'un point précis appelé Fox. Un Mirage IV sera déjà en train de faire le plein. Et pendant que le pilote prendra nos 5 t de carburant, un autre Mirage IV nous remontera pour venir se mettre en patrouille à droite, 5 mn environ pour prendre 5 t. 7 min de ligne droite sur l'axe. Il ne faut pas que le pilote perde de temps.

C'est l'heure :

- « Marcotte 350 de Calcaire 354 »
- « 350 de 354, Fox à 28, il est 18 et 10 secondes, TOP ! ».
- « Reçu. »

Nous avons 10 secondes de décalage entre nos montres. On a vu pire. Les manettes règleront l'écart.

Un nouveau calcul d'heure pour le point de virage sur Fox : 30 s de retard.  Le pilote s'est endormi sur le Mach. Allez, on est bon pour 2 points de mach en plus. J'ai le contact sur la balise du C-135. Il est à 2 h, 70 km. Vite, le coin mental à calcul se met en route :

70 - 46 = 24 : 16 = 1,5. Dans 1 min et 30 sec, il doit virer.

Le contrôleur d'Istres commence à s'inquiéter : 

- « Calcaire 354, vous avez le visuel sur le tanker ? »

Cela fait 10 ans que ses chefs lui disent qu'ils ne veulent pas voir deux plots confondus sur un scope. Alors il voudrait bien qu'on lui dise quelque chose. Mais non, mon vieux, laisse-le un peu se rapprocher. Tu n'as pas mis le nez dehors aujourd'hui. Les cirrus commencent à arriver de l'ouest. On te le dira quand on sera dessus comme cela tu mouilleras peut-être ta chemise.

Le C-135 a viré vers le cap 270. Nous sommes au ras des cirrus. Il doit être un peu au-dessus. La distance de 12 nautiques arrière est confirmée par le radar et le Tacan. Nous avons 50 nautiques pour le remonter. Les feux de navigation de la bête commencent à se deviner. Un autre feu jaune, plus gros, vient de s'allumer : le Mirage IV, qui tète avant nous, vient d'allumer sa PC pour tenir enquillé.

Pour l'entraînement, je guide le pilote jusqu'à 1 km du C-135 : nous avons le visuel depuis 10 nautiques. Cela servira peut-être lorsque nous serons dans des conditions météos nettement plus défavorables. Aujourd'hui, c'est le plaisir. Demain il faudra peut-être sortir le grand jeu.

La patrouille est tenue comme dans le livre. C'est un pinailleur mon pilote (Lt Sautot).

Le Mirage précédent a fini son ravitaillement. Il déconnecte et se glisse en perche à gauche. Il va disparaître de notre champ de vision. Il va poursuivre sa mission.

Nous préparons l'avion pour le ravitaillement : je lis la check-list, le pilote répète et exécute les opérations "avant RVT".

Pendant le déroulement de notre check-list, le C-135 s’est mis en virage par la gauche pour un 180°. Lorsqu’il aura stabilisé son cap, nous aurons l’autorisation d’enquiller. Nous sommes en patrouille en tenant la position "perche" c’est-à-dire que nous sommes alignés sur le saumon droit du C-135, en retrait en tenant l’alignement saumon gauche/entonnoir et un étagement négatif par rapport à ce dernier.

PIL : « OK, le tanker a les ailes horizontales, je passe en position observation ».

Nous nous glissons dans l'axe de la grosse bête, à une distance de 20 m et avec un étagement nul.

De ma cabine arrière, je ne suis pas en position pour admirer la dextérité du pilote. Je tire un peu sur mes sangles de siège éjectable pour observer, à travers la cabine avant et par-dessus l'épaule du pilote, l’approche du panier éclairé par notre phare de ravitaillement. Avec ce pilote et les conditions météo de ce soir, ce RVT va être une formalité.

Le boom doit être à sa place à l'arrière du KC mais la nuit a envahi le ciel et, à part les feux de position du Boeing et la lumière de notre phare, nous sommes dans le noir.

Pendant les 3 ans où je fus instructeur au centre d’instruction des FAS à Mérignac, j'ai accompagné un certain nombre de pilotes pour la phase ravitaillement en vol, de jour et de nuit. Même au vol que nous appelions le "lâcher ravitaillement", j'ai toujours eu une très grande confiance. Beaucoup de pilotes appréhendaient cette partie du vol : c'était un test grandeur nature et avec résultat :

- « Combien as-tu pris de pétrole ? »
- « En combien de temps ? »
- « Tu as enquillé du premier coup ? ».

Le tonnage transféré était inscrit par le commandant d'avion au retour du vol sur le cahier d'ordre de l'escadron en face du pétrole prévu. Après un certain nombre de RVT ils acquéraient toujours le savoir et j'ai envié certains pour leur grande aisance dans ce drôle d'exercice : remplir son avion en vol en pénétrant dans un tuyau volant et le tout à 400 kt... ».

A 1 à 2 m du panier, le pilote stabilise et règle une dernière fois les commandes de l'avion. Le panier balance légèrement dans le vent relatif mais l'enquillage est rapide et le contact franc comme prévu dans les procédures afin d'assurer un bon verrouillage de la connexion. Le tuyau se plie en un bel S à plat. Cette double courbure amortit les variations des 2 avions.

- « Top chrono » : il faut bien que je participe un peu depuis ma place arrière.

Le pétrole coule à raison d'une tonne par minute.

Nous avons besoin de 5 t pour faire le plein complet : 5 mn à tenir dans le gland et à suivre ses élucubrations. Mon pilote a vu pire...

- « 1 minute », ma voix retentit dans le silence de notre avion : pas question de le distraire.

Je sais qu'il a la main gauche sur les manettes de gaz et le pouce pas trop loin de la commande des aérofreins. Une des manettes est en butée et la deuxième monte tout doucement vers plein gaz également. Lorsque les deux réacteurs seront en butée "Plein sec", il passera rapidement une des deux en "PC-mini" tout en réduisant l'autre et si nécessaire en jouant délicatement des aérofreins. Quelques pilotes de l'escadron font participer leur nav à leur jeu des manettes en les tenant au courant de leur jonglerie mais ce soir, le mien est discret. Cela me laisse le loisir de jeter un coup d'œil vers l'étoile qui scintille derrière ma verrière et de constater que le ciel est encore clair autour de nous. Et en même temps, j'aperçois le Mirage IV suivant, "Marivaux 355", en perche à droite.

- « ... 5 minutes ».
- « Les bidons sont pleins » me confirme le pilote. Il le constate en vérifiant les voyants sur son tableau de bord d'un coup d’œil rapide.
- « Calcaire 354, plein terminé, 5,2 t transférés ».

C'est le commandant de bord du tanker qui nous confirme que notre RVT est terminé et que le plein est fait.

- « Bien reçu, Marcotte 350. Je passe en perche à gauche ».

Le pilote ramène l'avion dans l'axe du C-135 et désenquille en diminuant sa vitesse. Notre avion redevient libre de ses mouvements. En perche à gauche, je Ils la check-list "Après RVT".

Nous descendons au niveau de vol du ravitaillement moins 2.000 pieds pour avoir un étagement négatif avec le tandem C-135-Mirage IV et mettons le cap sur le point de navigation Tango, point de sortie obligatoire de la zone de ravitaillement. Le pilote ajuste les manettes pour avoir une vitesse propre de 530 kt, vitesse de navigation du IV.

- « Rambert de Calcaire 354 », le pilote contacte le radar de surveillance de la zone sud-est.
- « Calcaire 354 de Rambert, je vous écoute »
- « Ravitaillement terminé, nous sommes au niveau de vol 245, à 1 mn de Tango ».
- « Bien reçu Calcaire 354, j'ai un bon contact radar et IFF avec vous. Maintenez le niveau 245. »

Le calculateur m'indique une DBI (distance au but intermédiaire) de 9 nautiques de Tango. Je passe le SNB (Système de Navigation et de Bombardement), sur "Affichage pour afficher les coordonnées du prochain point de navigation" : N 44°00 et E 001 °00 : c'est le point Kilo de Mont-de-Marsan.

À DBI = 0, je passe le calculateur sur "Normal".

L'avion vire légèrement vers la gauche pour prendre le cap élaboré par le calculateur : nous sommes en pilote automatique. Je vérifie cap et distance avec mes calculs faits au sol lors de la préparation mission.

J'informe le pilote que tout est bon :

- « Cap et distance sur Kilo Marsan sont corrects, nous arriverons à 1 h 17. Nous sommes bien dans les temps pour notre créneau d'entrée dans la R46 prévu à 21 h 25. »
- « Bien reçu, tout est normal en place avant. Oxygène : OK, pression cabine 6.000 pieds. »

Après 5 mn et 20 s de tenue dans le gland du C-135F, avec un pilotage pointu et une attention soutenue, if a retrouvé une assurance détendue que je sens dans sa voix.

Il est temps que je pense à un recalage de la navigation pour résorber les possibles écarts pendant les 20 mn de la rejointe et du RVT. J'affiche au calculateur N 43° 26' 55" et E 003° 45' 30", les coordonnées de la raffinerie de Frontignan. Nous avons 1 cm d'écart soit 2,5 km environ. Je ramène la croix sur l’écho et les positions Nord et Est de l'avion sont modifiées de l'écart. Le calculateur calcule instantanément un nouveau cap sur Kilo et intègre le vent calculé par le doppler ce qui nous donne la route vraie. L'avion est en pilotage automatique et il modifie très légèrement sa route de quelques petits degrés.

Navigateur mirageiv dans sa cabine en vol002
Le navigateur au travail, de nuit

Navigateur et pilote, nous avons noté ensemble toutes les données de vol lors de notre préparation et lors de mon briefing. Mais maintenant nous l'exécutons et si chacun de nous est vigilant dans son domaine, nous partageons les responsabilités collectives et nous collaborons très étroitement pour beaucoup de points vitaux.

Par exemple, le suivi de consommation pétrole : nous vérifions tous les deux la consommation, le pilote avec les niveaux dans les nourrices (elles alimentent directement les réacteurs), avec ses débitmètres gauche et droit et les voyants sur la maquette avion ; de mon côté, je contrôle la consommation avec les débitmètres réacteur gauche et droit situés au-dessus du calculateur.

Nous devons être tous les deux sur la même courbe de consommation que nous avons calculée chacun notre côté au sol.

Nous avons quitté le C-135 avec 14,6 t, c’est-à-dire avec l'avion plein complet et nous reviendrons à Luxeuil avec 3 t restant : c'est ce que nous avons calculé d'après les courbes de consommation du IV et notre expérience.

- « Calcaire 354 de Rambert, contactez Marina sur 317.5 »
- « Rambert de Calcaire 354, bien reçu Marina 317.5 »

Notre avion est à 93 nautiques de Kilo-Marsan et nous passons dans la zone de responsabilité du radar de surveillance en vol situé à Mont-de-Marsan.

- « Marina de Calcaire 354 »
- « Calcaire 354 de Marina »
- « Marina de Calcaire 354, FL 245, cap sur Kilo-Marsan ».
- « Calcaire 354 de Marina, bien reçu, contact radar et IFF, rappelez Kilo ».

Il n'y a pas beaucoup de monde en vol ce soir.

Nous traversons pourtant la voie aérienne civile Toulouse-Limoges et à part quelques feux rotatifs assez éloignés, le pilote ne signale rien qui soit proche.

Les cirrus commencent aussi à envahir le ciel : les étoiles vont disparaitre de notre vol de nuit.

Avant d'arriver au point Kilo et de commencer notre descente pour l'entrée dans la R46-AS1, je recale l'avion en affichant les coordonnées d'un hangar sur la base de Marsan : N 43°055, 00" et W 000° 30' 00". Le radar indique un très faible décalage que je résorbe avec le manche de recalage du SNB. Par principe, je n'accepte aucun écart lorsque je commence 45 mn de vol basse altitude de jour comme de nuit. Notre sécurité est de rester sur le trait de vol préparé au sol.

- « Calcaire 354 de Marina, vous arrivez à Kilo-Marsan, contactez l'approche du terrain sur Channel 13 pour commencer votre descente. »
- « Marina de Calcaire 354, bien reçu. »
- « Marsan approche de Calcaire 354. »
- « Calcaire 354 de Marsan, j'ai un contact radar, vous pouvez commencer votre descente à votre convenance. »
- « Marsan de Calcaire 354, nous allons faire une descente autonome pour une entrée dans la R46-AS1 à 21 h 25. »
- « Bien reçu, Calcaire 354, rappelez-moi à l'entrée de la R46-AS1. Le QNH est de 1005. »

Je note rapidement sur mon journal de navigation les valeurs des deux débitmètres, fais un rapide calcul et indique au pilote que nous allons débuter la phase BA avec la réserve prévue. Il me confirme que lui aussi est sur sa courbe de suivi de consommation.

Nous affichons, pilote et navigateur, la pression QNH sur nos altimètres.

- « QNH 1005 affiché. »
- « 1005 également place arrière »

Nous avons volé, depuis notre début de montée après décollage, avec la pression standard de 1013. C'est la pression de référence de tous les avions en dehors des zones d'aérodrome et elle donne une altitude de vol qui peut être comparée, puisque chacun vole à la même référence barométrique.

Le pilote a affiché au Tacan le channel 24 du terrain de Marsan. L'aiguille nous donne bien le terrain dans l'axe de notre avion et la distance correspond à la DBI de mon SNB. Les nuages nous entourent et la pluie glisse sur les vitres de ma verrière.

Nous sommes habillés tous les deux de la même façon : blouson de vol, combinaison de vol, caleçon long et tricot de corps avec manche, chaussures de vol et chaussettes montantes en laine : c'est la tenue réglementaire. La température des cabines est réglée par le pilote sur légèrement froid cela tient éveillé... s'il en est besoin. Avec cette tenue réglementaire, si nous devons nous dérouter sur un autre terrain que celui de Luxeuil, nous aurons au moins une tenue chaude et si nous devons nous éjecter au cours de ce vol, nous pourrons tenir un certain temps malgré la température basse de ce mois de février.

- « Pilote, début de descente, le cap est sur l'entrée de piste. »

Le pilote automatique est toujours enclenché et le pilote utilise la mollette pour se mettre en descente.

- « Fais attention à ta température réacteur au cours de la descente. »
- « Oui, je la surveille pour qu'elle ne descende pas en-dessous de 200° »

En-dessous de 200°, le réacteur peut s'éteindre ce qui n'est pas une configuration très confortable de nuit, ni de jour d'ailleurs.

- « Altitude 10.000 pieds »
- « Ok, moi aussi 10 000 pieds. »
- « Oxygène, pétrole tout est correct. Je diminue la température cabine »
- « Altitude 5.000 pieds. »
- « Nous approchons de la DBI 25 de l'entrée de piste, nous allons virer par la droite cap vers Novembre Echo, point d'entrée de la R46-AS1. Ce sera le cap 017. Nous arrivons à 3.000 pieds, tu stabilises à 2.600 pieds au QNH 1005 »
- « Ok, je suis à 2.600 pieds, je stabilise. Vitesse 450 kt »

 

Zone 47

Le pilote me confirme que la sonde BA a indiqué une information de hauteur lorsqu'elle est arrivée dans son créneau de fonctionnement. Pendant toute la BA, il aura un œil qui surveillera l'aiguille de cet instrument, un autre pour la surveillance des T4 des réacteurs, des allumages des réservoirs qui s'épuisent, et dans le bon ordre, et bien d'autres coups d’œil tous aussi importants les uns que les autres. Pas de place pour un moment de rêverie : nous avons confiance l'un dans l'autre et dans cette phase de navigation à 300 m du sol, de nuit et dans les nuages, dans un zone montagneuse, c'est lui qui me fait totalement confiance.

- « DBI 25, virage à droite, cap 017, vers l'entrée de la BA. »
- « Marsan Approche de Calcaire 354, nous sommes en virage vers le point d'entrée de la R46-AS1, entrée prévue à 21 h 25 zoulou. »

L'approche nous a suivi sur son radar et le contrôleur connaît notre trajet qui est identique à celui de tous les avions qui viennent s'entraîner à la navigation base altitude dans ce couloir du sud de la France. Cette semaine tous les avions suivent le circuit R46 avec entrée par le Nord.

- « Calcaire 354 de Marsan Approche, rappelez-moi sur la même fréquence en fin de mission R46. Passez votre IFF sur A1300. Je vous rappelle le QNH régional 1.005. »
- « Bien reçu Marsan, retour sur la fréquence dans 45 minutes. »

Nous sommes à 2 mn de l'entrée de la basse altitude. Il est 21 h 22 et 30 sec. Je le signale au pilote. Mais nous gardons nos 30 secondes d'avance. Le précédent Mirage IV est passé 5 mn avant nous. Pas de problème. Nous avons droit à + ou – 1 mn de décalage par rapport à l'heure prévue d'entrée.

J'annonce au pilote :

- « IFF A1300 affiché derrière ».

À 10 NM de NE, je passe le calculateur sur "AFFICHAGE" et affiche les coordonnées de N1 44°25'50N et 000°22'50E, prochain point de la navigation.

Le calculateur continue à faire la navigation vers NE. À DBI 0, je le repasse sur AUTO en disant au pilote :

- « Passage Novembre Echo, il est 21 h 24' et 35'', cap 51 sur Novembre 1, distance 16 nautiques, 1 mn 30, descente à 1.600 pieds dès maintenant. »

Le pilote fait virer le IV de quelques degrés vers la droite pour rejoindre la route calculée et m'annonce :

- « Stable 1.600 pieds, cap 51 »
- « À DBI 5, on montera de 200 pieds, à 1.800 pieds »

Le point N1 est un pont sur le Lot. Mais aujourd'hui, nous sommes dans les nuages et je doute que le pilote puisse voir les lueurs de la ville de Tonneins, légèrement sur la gauche de N1.

À DBI 10 de N1, je recommence ma procédure d'avant virage :

- calculateur sur "AFFICHAGE",
- affichage des coordonnées de N2,
- et indique au pilote les éléments de route, distance et altitude à venir.

Pas le temps de chômer. Le calculateur était excellent en HA, pas de raison de ne pas lui faire confiance en basse altitude même à 300 m/sol, à 450 kt (810 km/h) et dans les nuages. Je le contrôlerai dans la prochaine branche de navigation avec un recalage radar.

NAV : - « DBI 5, on monte à 1.800 pieds »

Le pilote n'a pas besoin de me répondre à la voix. Je sens qu'il tire sur le manche et m'annonce :

- « Stable 1.800 pieds ».
- « DBI 0, on passe Novembre 1, cap 106 sur Novembre 2, DBI 49, toujours 1.800 pieds »

Après avoir fait virer l'avion, le pilote me confirme :

- « Stable au cap, 1.800 pieds, 450 kt, la sonde indique 1.100 pieds, oxygène OK devant »

Je vérifie également mon oxygène place arrière : l'apparition des volets blancs sur l'indicateur oxygène, situé au-dessus du calculateur est normale.

- « Oxygène OK derrière »

NAV : - « As-tu vu les lumières de Tonneins sur ta gauche avant le virage ? »
PIL : - « Non. Pour le moment, nous sommes dans les nuages et je ne vois rien en bas »

Je prépare mon recalage radar. Le calculateur a trois informations de coordonnées :

- celle de la position actuelle en vol,
- celle du point de navigation ou de l'objectif,
- celle du point de recalage.

Avec mes 1.500 h de vol sur IV, mes réflexes sont automatiques mais doivent rester concentrés sur l'action que j'entreprends.

Pour ce recalage en basse altitude, recalage du système de navigation pour être sur le trait de vol et non pas 1 km à côté, j'ai choisi au cours de la préparation de la mission un écho radar dont j'ai calculé d'une manière précise les coordonnées. J'ai étudié sa réponse radar et j'ai réalisé un calque transparent. Comme un nombre important d'autres calques qui font partie de ma bibliothèque perso de points de recalage pour les vols d'entraînement en France.

Voici ma procédure de recalage radar :
- affichage des coordonnées du point de recalage,
- orientation du radar vers le repère radar pour identification,
- passage sur la fonction LOOP : le radar donne une image centrée sur une croix, sur les coordonnées du repère à l'échelle 1/125.000,
- si décalage entre croix et écho radar de recalage, j'annule l'écart en transportant la croix sur l'écho : Le pilote n'hésite pas une seconde, comme s'il attendait mon ordre, pour faire passer l'avion de 2.700 à l'altitude demandée.

PIL : - « Stable 3.500 pieds. » 

Mon altimètre indique également cette valeur.

Après N3, qui se trouve à l'est de Carmaux pour 15 nautiques, nous mettrons le cap vers Narbonne en le laissant à 9 h pour 5 nautiques.

Nous sommes toujours à 3.500 pieds, mais rapidement nous allons monter vers 5.200 pieds puis, après le passage des Monts de Lacaune, nous commencerons à descendre vers 2.200 pieds en surveillant les taux de montée et de descente préconisés par les procédures. Mais ce soir dans les nuages et la pluie, mon pilote appliquera la formule : « pas trop rapidement pour descendre – pas trop lentement pour monter »

À DBI 35, j'envoie un petit coup d'émission radar sur le Pic de Nore pour vérification de notre position : l'écart est de quelques millimètres sur le scoop soit moins d'un km en réalité. Je recale le système.

Dès la descente vers N4 (près de Narbonne), le pilote m'annonce qu'il commence à voir les lumières des villages sous l'avion. Les basses couches du front nuageux de Marsan ne sont pas encore arrivées au bord de la grande Bleue. Ce sont les nuages du même front mais en altitude qui nous avaient accompagnés lors de la rejointe avec le C-135F.

Le pilote peut, maintenant qu'il voit le sol, se repérer et constater que nous sommes bien sur le trait de la navigation prévue. Cependant, il ne me dit rien et tout en surveillant son tableau de  bord, éclairé en rouge, je sais qu'il apprécie la vue sur les plans de feux des lumières le long de la côte et des grandes villes.

Avant l'arrivée à N4, je reprends ma procédure pour préparer la prochaine branche de navigation.

Je fais également mon point pétrole. Je note mes débitmètres gauche et droit, je les additionne ce qui me donne le carburant consommé depuis le décollage.

Total restant = (total plein au D/L + total RVT) - total consommé.

À 150 kg près en moins, notre consommation est correcte. Je l'indique au pilote qui me confirme que lui aussi a une consommation légèrement supérieure à sa préparation.

Je ferai mon prochain contrôle pétrole avant de remonter en altitude pour rentrer sur Luxeuil. En hiver, dans l'est de la France, la météo peut changer vite et il vaut mieux prendre ses précautions afin de ne pas se mettre dans une impasse pour cause de terrains rouges, c'est-à-dire sur lesquels il est impossible de se poser. Le carburant dans un avion n'est pas inépuisable.

Nous laissons Narbonne derrière nous ainsi que la Méditerranée. À 450 kt, nous en avons pour à peine 20 mn pour rejoindre le point de sortie près de Marsan.

Pilote et Nav, nous serons toujours rigoureux dans nos procédures, dans nos échanges pour contrôler notre avion. Nous n'avons pas envie d'engager une "conservation de salon" ou de tailler un costard à nos copains qui sont bien au chaud chez eux.

Nous rejoindrons ainsi NS, situé à 35 nautiques du terrain de Mont-de-Marsan.

À DBI 10 de NS, nous montons de 2.000 pieds à 2.800 pieds pour appeler l'approche du terrain sur sa fréquence :

PIL :   - « Marsan App de Calcaire 354. »
APP : - « Calcaire 354, je vous reçois 5 sur 5. »
PIL :  - « Marsan Approche de Calcaire 354, passons Novembre Sierra en sortie de R46, demande l'autorisation de monter et de mettre le cap sur Delta ».
APP : - « Calcaire 354, j'ai un contact radar et IFF avec vous, vous êtes autorisés dès maintenant à mettre le cap sur le point Delta et à monter au niveau 180. »
PIL :  - « Calcaire 354, bien reçu Marsan. »  

NAV :  - « J'ai affiché delta, tu peux prendre le cap. »

Le pilote a mis les manettes plein avant mais n'a pas passé le cran des PC. Après notre BA, l'avion est léger et répond bien aux sollicitations. Le niveau prévu est le 180 dans un premier temps sous le contrôle de l'approche de Marsan.

NAV : - « j'affiche 1013 à l'alti. »
PIL :   - « c'est fait devant également. »

Nos voix se répondent quasi instantanément.

- « Calcaire 354 de Marsan approche, vous contactez Marina sur la fréquence 317.5. »
- « Approche de Calcaire 354, bien reçu. »

L'avion passe le niveau 160, toujours en montée et le pilote affiche la fréquence de Marina sur son poste UHF.

- « Marina contrôle de Calcaire 354. »
- « Calcaire 354 de Marina contrôle, je vous reçois 5/5 »
- « Marina de 354, nous arrivons au niveau 180 et à Delta Marsan. Nous demandons le niveau 245 et l'autorisation de mettre le cap dès maintenant sur le point Kilo de Luxeuil. »
- « Calcaire 354 de Marina, vous êtes autorisé à mettre le cap sur votre prochain point de navigation. Vous rappellerez stable au niveau 245. »

Nous profitons pour vérifier ensemble nos oxygènes et l'alti cabine.

« Marina de 354, nous sommes stables au 245. »
« Bien reçu calcaire 354. »

Le pilote me signale que depuis le niveau 150, nous avons rejoint un ciel clair. Effectivement, à travers ma verrière, j'aperçois des étoiles brillantes par-dessus les nuages.

Malgré nos casques, nous entendons le ronronnement régulier des réacteurs. Il va nous accompagner jusqu'à notre terrain.

Il n'y a plus grand monde en l'air ce soir. Notre C-135 du ravitaillement doit déjà être posé à moins que sa mission ne comporte une navigation de nuit jusqu'au large des côtes marocaines.

En fin de montée, j'ai fait un point pétrole. Je signale au pilote que nous avons consommé un peu plus que prévu et que nous nous présenterons au point Kilo de Luxeuil avec 2.800 kilo restant et non pas 3.000 comme calculé lors de la préparation au sol.

Je lui suggère de demander au COFAS (centre opérationnel des FAS) les dernières couleurs des terrains de l'est de la France.

- « Capitole de Calcaire 354 »
- « Calcaire 354 de Capitole, je vous écoute »
- « Pouvez-vous nous donner les couleurs des terrains Luxeuil, Saint-Dizier et Avord. »
- « Calcaire 354 de Capitole, les 3 terrains sont jaunes. Pas d'aggravation prévue dans les heures qui suivent ».

Le COFAS, situé dans le "Trou" à Taverny, est le centre opérationnel de la Force de Dissuasion. Il suit de près tous les avions Mirage IV et C-135 qu'ils soient au sol ou en vol.

Les 2,8 t de pétrole restant à Kilo Luxeuil nous permettront de rejoindre un terrain de déroutement comme Saint-Dizier et Avord sans problème carburant.

En place NAV tout est correct. Il nous reste 25 mn pour rejoindre Luxeuil, faire une percée autonome comme prévue dans les ordres de vol c'est-à-dire que nous exécuterons la descente sous notre responsabilité jusqu'à 1.500 pieds dans l'axe de la piste, puis je guiderai le pilote jusqu'à l'entrée de piste et jusqu'à 500 pied/sol dans l'axe de l'atterrissage.

Je sais d'avance qu'il remettra les gaz pour se poser sur GCA c'est-à-dire guidé par un contrôleur au sol.

- « Si tu peux regarder à 1 h, la lune est en train de disparaître sous les Alpes. » m'annonce le monsieur de la place avant.

En tirant un peu sur mes bretelles de parachute-siège éjectable, je regarde l'immense boule blanche se perdre dans le noir de la montagne : un couché de lune, vu depuis 8.000 m d'altitude et qui s'enfonce dans les Alpes. Je ne perds pas une miette de ce spectacle et nous partageons, pilote et navigateur, cette vue unique et grandiose. Nous regretterions presque de n'être que deux…

Nous allons ainsi rejoindre notre terrain de stationnement. Nous l'avons quitté sous les nuages bas, nous allons le retrouver dans les mêmes conditions météo.

Nous changerons trois fois de radar de contrôle en vol : après "Marina", nous serons suivis par "Rambert" puis par "Menthol" avant de passer avec l'approche du terrain de Luxeuil.

- « Luxeuil approche de Calcaire 354. »
- « Calcaire 354 de Luxeuil Approche, je vous écoute »
- « Luxeuil App de 354, nous venons de passer le point Kilo. Nous sommes au cap sur le terrain pour une percée autonome avec remise de gaz et un GCA avec atterrissage final. »
- « Calcaire 354 de Luxeuil App, bien reçu, percée autonome suivi d'un GCA avec atterrissage final. Voici la météo sur le terrain : Piste 29 en service, vent de secteur nord pour 3 kt, température 1°, humidité 93 % QFE 998 hectopascal, visibilité horizontale 3.100 m, ciel couvert à une hauteur de 700 pieds, faible neige et brume. Vous commencerez votre descente à votre convenance. »
- « Bien reçu Approche de 354, je confirme FE 998 et piste 29 en service. »

Il est sympa mon pilote, il sait que je suis un fana de la percée et de la finale auto et comme nous sommes dans les conditions météo de cet exercice, on y va.  

À l'approche, la voix est féminine et je pense que c'est la même qui était au micro lors de notre départ de mission. C'est toujours plus agréable en fin de vol d'être accueilli par une voix sympa ; ce jeune contrôleur doit certainement être parrainé par un ancien plus expérimenté et qui est assis pas trop loin du scope.

Vertical Kilo, j'avais demandé au pilote de prendre le cap sur l'entrée de piste. Il avait laissé le pilote automatique faire le virage tout en accusant réception de mon message. Avant la descente il le débranchera.

PIL :   - « Pression 998, affichée devant. »
NAV : - « Affichée derrière également. »

Nous ne volons plus à la pression standard mais à celle du terrain, c'est-à-dire que notre altimètre devra indiquer 0 m lorsque nous toucherons des roues. C'est bien plus sympa lorsqu'on se pose d'avoir 0 m à l'alti que d'avoir la hauteur du terrain, ici 912 pieds.

- « Pilote, TOP début descente vers 1.500 pieds ».
- « Bien reçu, descente 1.500 pieds au FE de 998 »

L'approche nous suit sur son radar mais n'interviendra que si nécessaire. Le tacan, dont le code a été affiché par  le pilote, nous confirme que nous sommes bien sur le trait prévu. Et sur mon scope radar, j'ai repéré le terrain. Le boulot du navigateur est de présenter l'avion sur l'axe d'atterrissage, de le faire descendre jusqu'à 500 pieds, hauteur minima de la percée auto. Si le pilote a le visuel sur la piste, il prend l'atterrissage à son compte, sinon il remet les gaz.

La météo est un peu plus dégradée que lors de notre départ : nous allons retrouver le froid et le ciel bas que nous avions quittés il y a maintenant plus de 3 heures. Encore quelques minutes au chaud de l'avion et ensuite nous redescendrons dans l'hiver de l'est.

NAV : - « distance entrée de piste 25 NM, on passe 12.000 pieds »
PIL :   - « 12.000 pieds également devant »
NAV : - « TOP 8.000 pieds au FE 998 »
PIL :   - « 8.000 pieds au FE 998. On commence à pénétrer dans les nuages »
NAV : - « TOP 5.000 pieds. Tu stabilises à 1500 pieds.

Tout en contrôlant la descente, je calcule les éléments d'atterrissage : poids à l'atterrissage 17,6 tonnes, Vi 185 kt que je transmets au pilote. En principe, il n'en aura pas besoin puisqu'il doit remettre les gaz mais s'il doit se poser lors de la première présentation autant qu'il les connaisse.

PIL : - « On arrive à 1.500 pieds, je stabilise. Nous sommes dans les stratus. »

Pendant la descente, j'ai réglé mon radar et à 1.500 pieds, je suis passé sur l'échelle 1/125000. L'entrée de la piste n'est pas visible dans les échos radar mais j'utilise un calque que je positionne en fonction des échos que je connais et sur lequel la piste est dessinée, ainsi que l'axe sur lequel nous devons nous trouver et les hauteurs à respecter en descente.

PIL : « Je sors le train »

Pour cette sortie, il a réduit la vitesse indiquée de l'avion en dessous de 240 kt et il a testé les lampes témoins de sortie. Nous ressentons "aux fesses" l'ouverture des trappes, la descente des trois jambes de train.

PIL : « Train sorti : trois vertes. » En même temps, il transmet sur la fréquence de l'approche un bip qui confirme au contrôleur que notre train est en position d'atterrissage.

NAV : - « cap 292 sur l'entrée de piste. Attention pour le début de descente … Top début de descente toujours cap 292. 2° droite cap 294. TOP 1.200 pieds. »
PIL :   - « cap 294, 1.200 pieds. »
NAV : - « tu reviens sur le 292 Top 1.000 pieds, piste dans l'axe »
NAV :  - « Toujours 292, tu dois passer 800 pieds. »
NAV :  - « cap 292, piste toujours dans l'axe, 700 pieds. »
PIL :    - « visuel sur piste dans l'axe » 
NAV :  - « bien reçu, toujours 292, 500 pieds. »

Le pilote a pris la finale en main et laisse l'avion descendre jusqu'à 350 pieds.

PIL : « Approche de 354, remise de gaz après percée autonome. ».

En même temps, il remet les gaz et rentre le train. Il m'annonce : « train rentré, 3 lampes éteintes ».

- « Calcaire 354 de Luxeuil Approche, vous montez à 2.200 pieds dans l'axe et lorsque vous aurez atteint 2.200 pieds, vous virerez par la gauche vers le cap 292 »
- « Bien reçu Calcaire 354, je monte à 2.200 pieds dans l'axe et ensuite je vire par la gauche vers le cap 292. »

L'avion est maintenant pris en compte par l'approche : elle va nous amener à la porte GCA et nous allons nous poser, guidés par le radar sol en direction et en hauteur. Les moyens techniques sont plus précis que ce que j'utilise dans l'avion et de ce fait les minima sont plus faibles : 500 m de visi et 350 pieds de plafond.

Derrière, je vérifie que la procédure est suivie correctement que ce soit par l'approche ou le pilote et le SNB reste en fonctionnement jusqu'au toucher des roues sur la piste.

Je recalcule les éléments d'atterrissage que je donne au pilote. Il nous reste 2.200 kilos de pétrole au lieu des 2.500 prévus.

La remise de gaz a été faite sans mettre les PC. À Luxeuil, un Mirage IV qui remet les gaz à 22 h 50 au-dessus du terrain signale son arrivée - bruyante - à toute la ville. Nos familles savent donc que ce soir nous dormirons chez nous et que la météo ou une panne avion ne nous aura pas obligés à nous dérouter sur un terrain extérieur.

Le pilote répète à voix haute toutes ses actions en suivant les directives de l'Approche. Vitesse, cap, sortie du train, début de descente, piste en vue, légère réduction des gaz en entrée de piste, arrondi bien cabré en évitant de râper le croupion de l'avion, sortie du parachute frein, parachute sorti, roulette de nez au sol, frein à 115 kt,  parachute largué en bordure de la piste près de la bretelle pour que les mécanos le récupèrent rapidement, roulage vers le parking, repérer les bâtons lumineux du parqueur en ZTO ( Zone Technique Opérationnelle),  bonsoir sur la radio au contrôleur de l'approche, bonsoir du mécano chef avion qui branche son téléphone sous l'avion, nous souhaite la bienvenue et indique au pilote qu'il peut couper ses réacteurs. Et dans la foulée, il nous demande si l'avion est opérationnel car si nous lui ramenons un avion en panne, toute l'équipe va travailler de nuit pour le rendre DO (disponible opérationnel).

Les échelles sont accrochées au flanc du IV, les mécanos viennent ouvrir les verrières et mettre les sécurités aux sièges. Nous dégrafons nos masques et tout de suite, nous ressentons la froidure de l'air. Après 3 h 20 attachés sur les sièges éjectables, nous descendons l'échelle en tenant bien la rampe. Nous ne nous attardons pas sur le parking et regagnons le bureau chauffé des mécanos. Nous remplissons et signons les formes techniques – chacun la sienne – et rejoignons la salle d'opérations de l'escadron.

L'OPO (Officier de Permanence Opérationnelle) est content de nous voir. Nous étions le dernier Mirage IV en vol et après notre atterrissage, le COFAS a autorisé la fermeture de tous les terrains FAS : contrôleurs, pompiers, personnel des salles d'opération, tout le monde va rejoindre son lit.

Nous terminons de remplir le cahier d'ordres et le chauffeur qui nous raccompagne à nos domiciles arrive, prêt à nous conduire dans la 4L de l'escadron.

Après ce vol de nuit d'entraînement, qui n'est qu'un parmi les centaines que j'ai réalisés en 13 ans des FAS, je vais mettre un certain temps pour trouver le sommeil. Je vais mettre quelques heures à redevenir un terrien.


Jacques PENSEC

Pensec 1 
Le Cne Pensec à l'issue d'un vol (Coll. Pensec)

 

 

Le cockpit du navigateur sur Mirage IV (Coll. Puisné)

Nav m iv face

Nav m iv droit

Nav m iv gauche

Place nav expl

 

Date de dernière mise à jour : 12/04/2020

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