Providentiel canif

Ce jour-là, après avoir remonté la Rivière Noire, sur une bonne longueur, à la hauteur proche de Son La, le bon piton fut identifié. Le camp, prévenu de l'arrivée de l'avion, avait allumé des fumigènes qui servaient à apprécier le vent en force et direction.

La réussite du largage dépendait beaucoup du savoir-faire du pilote : ni trop bas, ni trop haut, passage à vitesse réduite, intégration du facteur vent et correction à effectuer pour le second lâcher.

Au signal du Commandant de bord, Frantz donna une bourrade dans le dos du largueur, un solide gaillard légionnaire qui comprenait mieux qu'il ne parlait. Placé à l'embrasure de la porte, c'est lui qui déclenchait l'envoi.

Puis, ce fut le tour d'une volumineuse et lourde caisse, laquelle fut placée en débordement du seuil de porte. Au signal, elle partit dans le vide. Aussitôt, l'arrière de l'avion fut balancé de droite et de gauche, le tout étant resté accroché à la queue ! Tandis que le largueur tenait solidement Frantz à la ceinture, en se penchant vers l'extérieur, il vit la caisse animée d'un mouvement de balancier, l'une des suspentes du parachute était restée accrochée à la poignée extérieure de la porte. Il fallait couper la sangle avec un couteau, que personne à bord ne possédait !

C'est alors que devant la gravité du danger, le largueur extirpa d'une des poches de son treillis un innocent canif, dont Frantz s'empara pour, au grand air, inciser le cordage. La traction aidant, la rupture fut rapide et, d'un seul coup, la caisse et la torche du parachute volèrent dans la nature, tandis que l'avion, libéré, amorçait un cabré, vite corrigé.

Canif

Sans le providentiel canif, que serait-il advenu de cet avion ?


Jean BELOTTI

Extrait de "Une passion du ciel" (Éd. Nouvelles éditions latines)

Date de dernière mise à jour : 05/04/2020

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