Le pipi-room du Mirage IV

[...] Si le Mirage IV est équipé d'un urinoir ce n'est pas dû à la prévoyance des ingénieurs de Dassault, par ailleurs toujours remarquables dans leurs travaux, mais au souci du bien-être des équipages manifesté par votre serviteur, Officier de Marque Mirage IV.

Apprenant qu'un Mirage IV pouvait rester près de 15 heures en vol avec ravitaillement, j'ai pensé qu'un urinoir était indispensable pour le confort des futurs équipages. J'ai donc demandé au BPM d'en prévoir un à bord du Mirage IV. Cela fut discuté au cours d'une réunion de définition de l'avion, entre la DCAé, l'État-Major, et la marque Mirage IV.

La première solution venant à l'esprit était un entonnoir et un tuyau conduisant l'urine hors de l'avion. Les ingénieurs de Dassault objectèrent que l'équipage était assis sur l'antenne radar qui ne souffrait pas cette pollution. Nous avons demandé de faire sortir le tuyau derrière l'antenne mais il y a le radar altimétrique de la bombe qui s'y trouve et ne supporte pas mieux la pollution. Alors avons-nous demandé : faites sortir le tuyau derrière la bombe, mais il nous fut objecté qu'en subsonique par -56° l'urine gelait et qu'il fallait réchauffer le tuyau ce qui conduisait à un prix prohibitif pour cet équipement.

L'équipe de Dassault a fait remarquer à cette occasion qu'ils n'avaient pas de spécialistes des urinoirs à bord des avions et que le problème était plus ardu qu'il n'y paraissait car, suivant le sexe du pilote, le problème ne se posait pas de la même façon. J'ai répliqué qu'ils pouvaient recruter du personnel compétent chaque fois que c'était nécessaire et que ma demande ne concernait que le sexe masculin. Ils ont répliqué que si madame Jacqueline Auriol demandait un Mirage pour battre un record elle avait toutes les chances que celui-ci lui fut accordé et que le problème restait entier.

Le représentant de l'État-major a coupé court à ces élucubrations, en disant que la présence éventuelle d'une femme aux commandes du Mirage IV serait un cas particulier qui serait traité en son temps.

La solution actuelle n'a pas été simple à concevoir car pour faire entrer un liquide dans une bouteille il faut prévoir une mise à l'air libre, donc un trou sur le dessus de la bouteille. Mais une norme des avions de combat interdit tout dispositif ne permettant pas le vol sur le dos ce qui condamne une ouverture sur le dessus de la bouteille. Nous sommes donc tombés d'accord pour une bouteille en acier inox avec une mise à air libre commandée par robinet à la disposition du pilote et du navigateur.

J'espère que je ne vous ai pas ennuyé avec mes souvenirs datant de plus de 45 ans, mais je peux vous assurer que je n'invente rien et que la présence d'un équipement sur un avion ne va pas de soi et nécessite de nombreux échanges de vue entre les techniciens et les utilisateurs.

Bernard JEANJEAN


Extrait d' "ANFAS Contact" n° 62 de juin 2009

Date de dernière mise à jour : 16/04/2020

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