Opération Lamantin

Novembre 1977 - Mai 1980
Jean FRANÇOIS dit Le Barbu - 2017

 

Carcasse 1

 

L'ouvrage écrit par le lieutenant-colonel Jean FRANÇOIS est beaucoup plus un reportage personnel, rédigé quarante ans après l’événement, qu’un résumé à caractère historique de l'opération « Lamantin ». L'auteur en effet centre son propos sur ce qu'il a vécu lui-même pendant cette opération. Il raconte sa guerre, ses réactions personnelles ainsi que l’ambiance qui régnait dans les équipages de Jaguar dont il faisait partie ainsi que les conditions d’engagement de ces derniers. « Le barbu » a aussi le sens des anecdotes qu'il nous distille au fil des pages, anecdotes reposant sur des faits certes réels mais aussi, ici et là, parfois un peu « arrangés ». Il nous fait parvenir aussi l'écho des conversations souvent passionnées tenues dans les unités ou dans les mess où sont prêtés aux uns et aux autres et de préférence aux chefs des propos souvent flatteurs... que ceux-ci n'ont jamais tenus. C'est ainsi que naissent les légendes. À lire le « barbu », d’évidence Lamantin n'a pas échappé à la règle. Bref, ce petit livre fera revivre aux anciens de cette belle opération bien des épisodes qu'ils auront eux-mêmes vécus.

Ce qui ressort surtout de ce petit ouvrage est la fierté de l'auteur d’avoir enfin participé à une opération réelle et ce, après des années passées à monter une garde vigilante face à l'Est, le doigt sur la gâchette pour ne pas avoir à déclencher le feu, si ce n'est sur des champs de tir. Avec Lamantin, c'est une nouvelle génération d'aviateurs qui a reçu le baptême du feu. Ce baptême, ceux de la génération en cause l'ont reçu au cours de cette opération originale, purement aérienne - Lamantin - qui a démontré les nouvelles capacités de projection rapide et lointaine de forces et de puissance de l'aviation militaire moderne, capacités essentielles pour conduire des opérations extérieures et ce, avec l'engagement de moyens réduits en nombre mais à hautes performances. Avec Lamantin, une nouvelle ère s'est ainsi ouverte dans l'histoire de nos forces aériennes. On comprend que l'auteur soit hanté par le souvenir de son engagement dans une telle opération. On peut comprendre aussi son amertume devant le voile de l'oubli qui tend à en estomper le souvenir.

Général Michel Forget
Ancien commandant de l'opération Lamantin
(Novembre 1977 - Février 1978)

*****


À mes chefs vénérés car ils m’ont fait confiance :

  • Le général Michel Forget,

  • Le général Hector Pissochet,

  • Le général Jean Menu.

 

Alors que nous approchons du quarantième anniversaire de l’opération Lamantin qui a marqué le début d’une série ininterrompue, depuis, d’opérations extérieures mises en œuvre par l’Armée de l’Air suivant les principes « inventés » à cette occasion, j’ai souhaité écrire ce que ma mémoire en retient encore. Ce texte permettra aux autres acteurs de corriger et compléter ce récit car je m’aperçois que d’un individu à un autre plongés dans une même situation, les images qui restent et celles qui s’envolent ne sont pas du tout les mêmes.

Néanmoins je ne laisserai ma mémoire s’exprimer que pour les sensations et les anecdotes et, pour le factuel, je m’appuierai sur les éléments suivants, bien plus rigoureux :

• Les Journaux de Marche et d’Opérations (JMO) établis par COMFOR Nouakchott du 28/10/1977 au 14/02/1978 et tous signés du GDA Forget ;

• Du texte de l’exposé de ce dernier, le 7 juin 1978, devant le Congrès de la Chasse à Cazaux ;

• D’échanges épistolaires avec le général Jean Menu datés de 2007 ;

• De souvenir du général Rolland, précurseur des précurseurs sur place ;

• De témoignages d’anciens de la 21F et des C-135F.

Pour commencer par le tout début, je laisse la parole au général Rolland, à l’époque commandant et Chef des Services Techniques de la 11ème EC, qui grâce à sa double casquette de mécano et PN (ingénieur mécanicien d’essai et pilote à ses heures…) était à même de donner l’avis technico opérationnel nécessaire pour éclairer le CEMA.

Préparation de l’opération Lamantin

Dans la nuit du 31 au 1er mai 1977 (nuit de pleine lune) le Polisario, en guerre contre le pouvoir mauritanien, attaque les installations des mines de Zouerate, lesquels représentent l’essentiel de l’économie nationale.

Deux techniciens français sont tués et six autres pris en otage.

La Mauritanie étant un pays ami, le gouvernement français décide de rapatrier les familles et d’étudier les différentes possibilités d’assister ce pays dans sa lutte contre les rebelles.

A la fin de l’été, une intervention militaire est envisagée et le Ministre de la Défense décide d’envoyer discrètement sur place une petite délégation afin de contacter les autorités devant rétablir l’ordre dans le pays et de déterminer les points d’appui nécessaires à l’opération.

La mission s’est déroulée du 18 au 24 octobre 1977.

Nous étions deux militaires : un colonel parachutiste et moi-même.

Notre déplacement (Nord 2501 du Gamom), incognito, avait pour but, en dehors des palabres habituelles sous la tente dans le désert, de définir les points favorables d’implantation d’un détachement « air ».

Nouakchott : terrain civil peu discret à proximité de l’agglomération.

Présence de l’ambassade de France, avec un ambassadeur plus inquiet pour sa piscine que pour la suite des événements !

Nouadhibou : superbe plateforme aéronautique en extrémité d’une bande de sable, mais avec :

- une présence russe importante (chalutiers avec de superbes antennes et avions Antonov pour les relèves d’équipages de bateaux atelier),

- un risque d’alimentation en eau, les rares puits étant régulièrement attaqués par le Polisario.

Zouerate et Atar : inadaptés pour un détachement mais utilisables en déroutement.

Mission accomplie, je suis revenu à Paris pour informer le Ministère de la Défense, le CEMA et le CEMAA, avant de rejoindre Metz pour rendre compte.

Finalement, sans que rien ne le laisse prévoir, l’opération a été déclenchée rapidement et le 29 octobre une petite équipe de la 11, du 11ème RDP de Dieuze et du 2ème CATac prenait la direction du DA 160 de Dakar afin de préparer les interventions futures.

Notre installation dans une Fillod au milieu d’une base type « Club Med » a notablement intrigué le personnel local vivant tranquillement entre la sieste et la plage.

Le détachement est progressivement monté en puissance jusqu’à la mise en place du chef de l’opération (le général Forget), d’un Atlantic II, et finalement des quatre premiers Jaguar.

Mais revenons à la 11ème EC, à Toul-Rosières, qui a la charge, au début des années 1970 de la CAFI (Composante Air des Forces d’Intervention), avec ses F-100 Super Sabre, seule monture de l’Armée de l’Air alors capable de ravitaillement en vol (à l’exception des Mirage IV pour leur mission nucléaire stratégique).

Le 3/11 Corse est en charge de cette mission en assurant l’entraînement de ses personnels ainsi que celui du renfort parmi les chefs de patrouille du 1/11 Roussillon, du 2/11 Vosges et de l’état-major de l’Escadre. En 1977, alors que les 3 escadrons sont transformés sur la nouvelle monture franco-britannique, 23 pilotes sont alors aptes ravitaillement sur Jaguar.

Le Corse participe une fois ou deux par an à des exercices en Afrique dans le cadre des accords de défense qui nous lient à une majorité des états de l’ex-Empire. Nos bases de Dakar et Djibouti permettent de rayonner en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Tchad et jusqu’à la Réunion.

Depuis près d’un mois, la CAFI est en alerte pour une destination inconnue des peintres mais, a priori, également du commandement de l’Escadre et de la Base. On compte et recompte ce qui est prévu pour mettre en œuvre la cellule prévue de 4 avions à déployer. Il était même prévu des bidets de campagne dans le lot que le MVC (Matériel Volant du Commissariat) avait mis sur palettes aérotransportables, auxquels s’ajoutait une partie plus sérieuse avec les obus de nos canons de 30 mm, des roquettes et des bombes, le moteur Adour de rechange ainsi que les Francs CFA dans une mallette que ne quittait pas Charles Ricour qui en avait la charge.

Une réfection de la piste de Toul n’arrangeait rien et l’alerte était prise de Saint-Dizier et surtout à Istres avec les 4 Jaguar et les 2 Transall pleins à craquer. Pour ne rien arranger, les fins limiers du 2ème CATac avaient décidé de faire une inspection de toute la chaîne CAFI, non pas pour nous embêter mais … parce que c’était prévu à cette date-là.

La liste des pilotes d’astreinte changeait pour le week-end et s’appuyait sur le petit personnel pour laisser aux cadors du 3/11 le temps de repos nécessaire à leur métabolisme très sollicité. De plus, le 3/11 étant parti pour une mission tourisme et culture en Afrique pour faire sa moisson de médailles exotiques.

Nous sommes d’alerte pour 10 jours. J’ai noté 4 allers-retours Toul-Istres en 19 jours…

C’est ainsi que le mardi 22 novembre 1977 nous rejoignons Istres sous les ordres du Cdt Menu, récent chef ops de la 11. Dès notre arrivée nous apprenons que nous décollons le lendemain matin pour Dakar.

Briefing à l’ERV (Escadre de Ravitaillement en Vol) dont l’accès est des plus compliqués car c’est une unité des Forces Aériennes Stratégiques.

Le matériel, arrivé en Transall depuis longtemps à l’Escale, doit être trié, car l’EMAA ne nous accorde que 3 machines sur les 5 prévues par la cellule Rapace. Les choix sont laissés à l’appréciation du chef de détachement qui passe la nuit à faire et refaire les palettes et le chargement des appareils arrivés d’Orléans.

La nuit est courte et dès l’aube nous rejoignons l’enceinte des FAS pour une mise en route rapide pour permettre aux pistards de monter dans le ravitailleur qui roule lourdement avec ses vieux réacteurs J57 à injection d’eau et décolle alors que le jour se lève à peine. À bord ont pris place 34 commandos de l’Air qui sécuriseront l’enceinte militaire à Dakar et seront systématiquement dans le C-160 PC volant. Les 4 Jaguar enchaînent à 7 h 10 et rassemblent facilement pendant la montée en direction de la Méditerranée.

À l’époque il y avait un chef de dispositif dans le ravitailleur qui, en liaison avec le leader des Jaguar et le commandant de bord du C-135 avait la responsabilité du dispositif si un grain de sable devait modifier la mission initialement prévue (demi-tour, déroutement, percée à l’arrivée…).

Et il avait fallu que ça me tombe dessus, alors que, évidement, j’aurais préféré être dans un des Jaguar.

Sur mon carnet de vol, à ce titre, je note 17 h de C-135F en novembre et autant en décembre.

Mais j’ai aussi noté 7 heures de Breguet, 5 heures de C-160 et 50 minutes de Noratlas.

Je l’ai dit, l’équipe était l’équipe B que personne n’avait imaginé devoir décoller pendant cette semaine et qui ne connaissait du ravitaillement que les axes métropolitains.

Comme moi, l’Adc René Legall, avait juste fini son année de ravito en biplace et n’avait dans sa besace qu’un seul vol en monoplace. Le leader, le Ltt Charles Bezat, n° 2 René Legall, n° 3 Ltt Vergnières et le Cdt Menu en place arrière qui n’a pas dormi de la nuit, n° 4 Jacques Deltrieu.

Après la rejointe et 50 minutes en pleine patouille commence le premier ravitaillement et quand arrive le tour de René, on rentre dans une zone bien turbulente et mon René (nous sommes de la même promo, la 69/6) n’y arrive pas et fait fausse queue sur fausse queue. Dans le ravitailleur, je suis allongé à côté du boomer et je transpire autant que René et le dialogue s’installe avec le commandant de bord pour savoir dans combien de minutes on décide du demi-tour encore possible vers Istres ou si l’on tente de poursuivre pour trouver une zone moins turbulente, mais ce qui aurait comme conséquence un déroutement en Espagne ou au Maroc en cas de poursuite du problème.

Le leader, toujours pince sans rire lui lance « alors mon René on te les met par bidon de 2 litres ou quoi ? » et le miracle se produit. René, piqué au vif prend le panier par surprise et semble bien décidé à ne pas se faire éjecter.

2 des 4 pompes du tanker sont en route et le pétrole transfère à 600 kg par minute et en 5 ou 6 minutes la bête a fait le plein à 4.200 kilos dans la configuration 6F (1 bidon ventral de 1000 kg) qui est celle retenue pour les convoyages car étant le meilleur rapport capacité carburant / traînée.

Ravitaillement

Quand Deltrier enchaîne, on se retrouve enfin dans de l’air parfaitement calme et l’on peut poursuivre en passant par Gibraltar et descendre le long du Maroc en survol maritime jusqu’aux côtes mauritaniennes et attaquer le 2ème ravitaillement qui doit nous permettre d’aller jusqu’à Dakar.

Et sur la carte, nous suivons les noms des étapes des héros de l’Aéropostale : Cap Juby, Villa Cisneros, Port Étienne (Nouadhibou) et Saint-Louis-du-Sénégal. Quel vol pour l’équipe amateur des spares du 1/11 et du 2/11 !

Arrivé au parking militaire sur l’aéroport de Dakar-Yoff, nous sommes un peu surpris de trouver des têtes connues comme le Cdt Rolland chef des services techniques de la 11ème EC. En effet, nous découvrons que la FATac a mis en place un état-major sur place pour préparer notre arrivée.

Transmissions
Les transmissions ont été un élément clef de la réussite

La mission des touristes (exercice Estuaire au Gabon) a été arrêtée à Dakar où leur détachement était arrivé la veille de notre mise en place et a été mis en alerte, mais il n’y a pas d’opportunité d’intervention. Nous voyant arrivés, leurs chefs considèrent parfaitement légitime de prendre nos places et de nous renvoyer à Toul.

Mais le Cdt Menu ne l’entend pas de cette oreille et comme le courant passe parfaitement entre lui et le Gal Forget, à part quelques ajustements et le fait qu’on garde 2 de leur avions, l’équipe de la mise en place reste et même le patron d’escadre, le Lcl Pissochet, part pour la mission planifiée de longue date avec le 3/11.

L’équipe de départ : Menu - Bezat - Vergnières - François - Tani - Legall - Debernardi - Dechavanne - Huet - Deltrieu est renforcée par Jantet - Longuet - Hartweck - Guérin - Dehaeze - Lissonde. Seuls Lareida et Deltrieu partent avec les touristes.

Répartis entre l’ambassade de France à Nouakchott, en Mauritanie, et Dakar, les 25 précurseurs sont sous les ordres du général Michel Forget qui leur en fait voir de toutes les couleurs et l’arrivée des avions est pour eux un soulagement, sachant que cela va calmer le grand Yaka.

C’est le général Maffre, commandant du 2ème CATAC, qui aurait dû assurer le commandement de l’opération, mais les mauvaises langues prétendent que le CEMA a désigné le général Forget suivant les recommandations du CEMAA, afin qu’il se prenne les pieds dans tapis.

La réalité est en fait que le général Saint-Cricq était très exigeant et pointilleux et tenait absolument que cette opération réussisse. Alors, suivant sa méthode, il n'a pas hésité à mettre le paquet et à faire monter l'affaire au niveau du commandement de la FATac. D'où la désignation du général Forget totalement approuvée par le général Mery (CEMA) qui le connaissait bien puisque quelques mois avant, il était chef du cabinet militaire du Mindef.

Il faut dire qu’il était craint de tous ses subordonnés, mais également de ses supérieurs alors qu’il n’est encore que le second de la FATac.

On peut rappeler, par exemple, la légende suivant laquelle, quand il quitta son commandement du 1/4 « Dauphiné », à Bremgarten, son cadeau de départ fut un abonnement au Dauphiné Libéré…
Mais si l’intéressé confirme qu'il s'agit là d'une plaisanterie sans aucun fondement, le fait qu'une large majorité de ceux qu'y l'on propagée y croyaient mordicus, moi le premier, démontre que les durables légendes ne surgissent pas du néant.

Ce dernier arrive avec son Noratlas ou son Transall depuis Nouakchott et nous découvrons notre mission : 8 techniciens coopérants français travaillant pour la SNIM (Société industrielle et minière de Mauritanie) sont les otages du Front du Polisario qui les a enlevés dans le train transmauritanien (à l’époque le plus grand train du monde : 200 wagons ; 5 locos : 3 à l’avant, 2 à l’arrière) qu’ils conduisent entre Zouerate, mine à ciel ouvert gigantesque où l’on découpe le minerai au chalumeau tellement il est riche, et le port de Nouadhibou où les bateaux minéraliers sont chargés.

Le Polisario s’oppose à la politique de Moktar Ould Dada, premier président de la République de Mauritanie indépendante, et a des revendications sur le Sahara Occidental partiellement aux mains du Maroc. Son siège est à Alger où il est financé et assisté par des conseillers soviétiques. Sa base principale est Tindouf, en Algérie, d’où il fait partir des katibas avec des pick-up Toyota et Land Rover armés d’anti-aérien SZU 23/2 (calibre de 23 mm) et fonce vers la voie ferrée qu’il fait sauter avant l’arrivée du train qui déraille, bloquant le poumon économique du pays pour plusieurs jours. Il faut, en effet, construire une voie ferrée devant les locomotives qui sont dans le sable, les soulever pour les mettre sur rail et raccorder cette voie ferrée à la ligne normale : sont perdus sur place 10 à 30 wagons, mais ceux qui sont restés sur la voie ferrée repartent.

Motrices incendiees
Motrices incendiées

Le général Forget se voit attribuer pour emploi, par le CEMA, les deux Breguet Atlantic, basés à Dakar dans le cadre des missions de SaMar (Sauvetage Maritime) au profit de l’Afrique de l’Ouest et de lutte anti-sous-marine, et leur fait pister les éléments du Polisario entre Nouadhibou et Tindouf.

Le système est tellement efficace qu’il obtiendra très vite l’arrivée de 2 autres Breguet afin de pouvoir ne pas les lâcher quand l’autonomie, pourtant d’une dizaine d’heures sera épuisée. Certaines missions permettront même la traque de nuit quand la lune sera favorable. Il y aura jusqu’à 5 Breguet à Yoff. Nous apprendrons des années plus tard que le patron du détachement Marine, le Cne de Frégate Janin, s’est vu reproché par sa hiérarchie cette coopération jugée trop étroite avec le Détachement Air de Lamantin.

Je laisse la parole CV Alain Guillard, ancien de l’École des Pupilles de l’Air (son père est mort en SAC début 45) puis du Prytanée militaire pour faire l’École Navale et 24 ans de Marine dont la 21 F pendant Lamantin :

Pour moi tout a commencé en novembre 77.

En préambule, le porte-avions était désigné pour intervenir devant la Mauritanie, mais alors encore équipé d’Étendard IV, ceux-ci ne pouvaient être utilisés de par des consommations d’huile prohibitives et ce malgré des possibilités de ravitaillement entre avions (nounous). Notons que la Marine ne pouvait se ravitailler sur les C-135 français (pour incompatibilité du gland de la perche). Le Super Étendard était en essais après l’inaptitude du Jaguar qui ne pouvait supporter un catapultage à pleine charge avec panne d’un moteur. Les flottilles d’Atlantic étaient habituées à séjourner à Dakar où elles assuraient à tour de rôle pour un mois le Search and Rescue en Atlantique Sud.

Devant les exactions du Polisario, les grands chefs ont alors été amenés à prendre contact avec les marocains qui déjà avaient des visées expansionnistes sur le territoire de l’ex Rio de Oro.

D’où comme l’on peut le constater sur mes vols de novembre 77, un aller et retour à Dakhla avec le CC Jehannin, où nous avons été reçus chez le gouverneur de la province annexée par le Maroc, avec un méchoui royal mais …avec du jus de fruit au lieu du Boulaouane !!  Il s’agissait de mettre au point la coopération avec les Mirage V de l’armée de l’air marocaine selon nos procédures habituelles avec les Étendard. Malheureusement, les pilotes marocains, depuis l’attentat contre le roi du Maroc ne volaient que très peu et ne tiraient jamais !! Une attaque contre le Polisario se conclut par la mort de deux pilotes marocains sur trois. Seul un vieil adjudant réussit à s’en sortir… Le retour de Dakhla commença par un abominable orage comme je n’en avais jamais vu, avec un décollage sans visibilité pour rejoindre Dakar.

Pour info, je revenais de Moscou où j’avais été attaché naval adjoint pendant 2 ans et affecté à la flottille 21F dont le commandant était le Capitaine de Corvette Jehannin, j’étais à la fois commandant d’aéronef et chef du service technique de la flottille, mais avais dû repasser toutes mes qualifications avion et VSV entre septembre et octobre. Le départ de Nîmes-Garons se fit du jour au lendemain sans préavis et pratiquement toute la flottille s’embarqua sauf les « premières années » équipages en cours d’instruction.

Les vols de reconnaissance commencèrent. Les Jaguar étaient là, mais il nous a fallu de la persuasion auprès du commandement air local de Ouakam pour faire valoir les procédures que nous avions avec les Étendard.

Fx guedet nouadhibou 21 juin 1978
Les marins dans le désert

La première affaire qui déclencha un peu tout fut celle de Bou-Lanouar en Mauritanie lors d’un long vol de jour. Nous étions en patrouille et nous sommes tombés par hasard sur une attaque du Polisario, du style attaque des apaches sur un fortin, avec des Land Rover équipées de 12 .7 tournant en rond autour du village et tirant à qui mieux mieux. Nous volions vers 14 / 15.000 ft mais le Polisario nous alluma alors avec des SAM 7 qui explosaient plus haut que nous !!! d’où une nécessaire remontée de santé en altitude vers 16 / 18.000 ft, tout en larguant des flares (éclairants). On assistait impuissants à cette attaque, aussi on largua tout ce que l’on pouvait : détritus, marqueurs colorants, rétro marqueurs en essayant de viser le camion de ravitaillement. Bien sûr, notre fièvre n’eut aucun résultat probant, mais quelques jours plus tard un entrefilet du journal « Le Monde » indiquait que la Marine française avait attaqué le Polisario avec des bombes au phosphore !! En effet les rétro marqueurs qui en mer matérialisent la position d’un contact sous-marin et sont éjectés à une vitesse inverse de celle de l’avion sont constitués avec du phosphore.

Ensuite, au briefing précédent un vol de nuit, je demandai à l’officier du briefing comment suivre une colonne du Polisario de nuit tous feux éteints avec une légère ironie ! Heureusement un commando de l’air assistait au briefing et dévoila la possession de lunettes infrarouge des commandos (chose tout à fait innovante à l’époque alors que maintenant tous les avions se pilotent en JVN - ndlr). Je l’ai donc embarqué dans mon avion et nous pûmes ainsi suivre toute la nuit la colonne. Je fus relevé au petit matin et la relève pu ainsi guider les Jaguar qui, autant que je me souvienne, après autorisation du Président de la République (Giscard) détruisirent la colonne. Je me souviens des photos saisissantes des résultats prises par les troupes à terre.

Entre temps, on avait estimé que le Polisario pouvait être ravitaillé par voie maritime de nuit et on exécuta des vols côtiers de nuit à basse altitude avec des caméras spécialisées sans résultats.

Chasse chalutiersChasse aux chalutiers (Jacky Experton)

Comme la patrouille en mer n’est pas très différente de celle dans les déserts, on essaya selon l’idée d’un polytechnicien pilote lieutenant de vaisseau, de faire enterrer des bouées sonores passives en barrage pour détecter le passage des colonnes du Polisario. Les résultats ne furent pas probants de par la bande passante des bouées qu’il aurait fallu modifier (d’où un passage par des commissions d’essai etc. … hors de propos !).

Au-delà de l’excellente ambiance avec les aviateurs, grâce je pense au général Forget qui avait bien compris l’intérêt d’une coordination Air-Mer, des soirées festives en chansons. Ma dernière anecdote est celle du retour vers Nîmes-Garons car c’est quasiment exactement ce qui est arrivé au vol Air France Rio-Paris. Au-dessus de la Mauritanie, niveau 270 dans la couche sans turbulences, le badin a dégringolé tout d’un coup et nous avons été pris dans des tonnes de glace. Bien sûr nous avons piqué immédiatement (on avait de quoi détecter le trafic aérien) et mis en route tous les dégivrages que nous avions (électriques, pneumatiques...). À l’arrivée à Nîmes 6 heures plus tard on avait encore les ailes couvertes de glace. 

Concernant l’ambiance locale à Dakar avant l’arrivée des Jag, les marins étaient tout juste tolérés par l’administration Air de Ouakam, qui à part le revenu que leur procurait la location des chambrées et compte tenu du fait qu’ils étaient affectés outre-mer ne cherchaient pas à établir de relations avec leurs locataires temporaires, d’autant que l’état-major du Cap Vert était géographiquement stationné à la station radio de Yeumbeul, hors de Dakar et donc que le colonel de Ouakam était une sorte de grand vizir dans sa zone. Malheureusement, après cette période faste avec les Jag, l’ambiance est retombée dans ses prémisses, les opérations véritables s’étant déplacées vers l’ouest et le sud (Tchad, RCA), Dakar ne jouant plus alors que le rôle d’escale. La nature a repris ses droits… et ses jalousies immatures et ses privilèges particuliers. En un mot l’arrivée des Jag a redonné vie à la base à travers le duo Air / Marine, mais le soufflé est vite retombé après la fièvre. Je me permets d’en parler d’autant que quelques années après j’ai été affecté comme chef ops à COMFOR Dakar et que j’ai assisté impuissant aux jalousies interarmées dues, à mon sens, à la dispersion géographique des éléments terre-air-mer. Les choses ont changé, puisque maintenant COMFOR est stationné à Ouakam.

MauritanieDu haut en bas : 1.500 km

Pour ce qui est du Détam Jaguar, nous sommes très bien installés sur le Détachement Aérien 160 de Dakar Ouakam qui est rapidement plein à craquer avec notre cellule Jaguar, l’état-major et les détachements des commandos de l’air, des transmissions, de la Marine et ses 4 Breguet, des C-135F et autres transporteurs, soit un total de 309 personnes.

Vers 20 heures, à peine installé, je suis convoqué à Yoff auprès du Cdt Menu. Il s’agit de préparer la mission du lendemain aux aurores. A défaut d’avoir fait le convoyage, je ferai la F001, première d’une série qui fera du Jaguar l’avion de combat ayant le plus de missions de guerre de l’Armée de l’Air. C’était le 24/11/1977.

Nous allons faire du « Show of Presence » avant l’heure puisque ce terme n’existe pas encore dans la panoplie des missions de l’AA. Il nous est demandé de survoler Atar puis Zouerate et de faire un maximum de bruit pour signaler aux Mauritaniens que les Jaguar sont arrivés, à la fois pour rassurer les coopérants et, surtout, pour « calmer » le Polisario.

Le C-135F décolle et nous le rassemblons en montée et ravitaillons après 45 minutes et plongeons vers l’inconnu du désert. Je suis en monoplace et suis sensé assurer la navigation, grâce au calculateur dont seuls les Jaguar monoplaces sont équipés, puisque le Cdt Menu fraîchement transformé ravito, même si quelques années passées sur Mirage IV en faisaient un vieux briscard du ravito, était tenu de faire une année de biplace avant le monoplace comme tout le monde. Mais les textes étant ce qu’ils étaient, il n’avait pas droit au monoplace. (Il se lâchera néanmoins le lendemain en mono sur le désert).  Le Gal Forget a souhaité que le chef des Services Techniques, le Cdt Rolland, soit en place arrière. Comme naviguant d’essai avec une très bonne expérience sur Jaguar et il aurait, mieux que nous tous, maîtrisé une panne transfert carburant à 400 km d’un terrain de déroutement et, de plus, il connaissait cet environnement suite à sa mission exploratoire.

Mais quand je regarde un peu ce que donne le calculateur, je le vois dans les choux de plusieurs dizaines de nautiques et il faudra nous habituer au fait qu’en altitude, comme en basse altitude, le Doppler est totalement perturbé par les dunes, comme par les vagues en survol maritime. Ce calculateur ne savait qu’assurer de trouver le champ de tir de Suippes en décollant de Saint-Dizier par mauvais temps avec de nombreux recalages non réalistes, pour assurer les missions nucléaires tactiques.

Nous naviguons donc à l’ancienne au cap et à la montre même si ici la méthode dite « à la mousse des arbres » est plus qu'aléatoire. Mais en montant de quelques centaines de pieds, on ne peut manquer Atar, une tache dans le désert tout jaune.

Nous sommes en formation défensive et le leader annonce « PC Top ». Évidemment, je mets les manettes dans le tableau de bord et, comme le leader, respectant strictement le règlement de chasse, m’a laissé un peu de marge, je commence à passer très légèrement devant et j’ai droit à un « 2 en place ! » qui sonne faux dans cet environnement bien éloigné de nos habitudes de guerre froide en Centre Europe. 10 ans après, avec le Gal Menu, nous en rigolerons encore.

Par contre en dessous ça ne doit pas rigoler car nous faisons 2 passages sur la ville en « radada » intégral avec les réchauffes aux fesses. On dégage vers le Nord et trouvons vite la voie ferrée qui nous mène à Zouerate et là, même scénario en incluant la ville et la mine. Le téléphone arabe va vite fonctionner et à Tindouf personne n’ignorera notre arrivée en Mauritanie. Mon Omera 40 a bien fonctionné et les officiers de renseignements auront du grain à moudre.

Labo photo
Le labo photo partagé avec la Marine

Comme prévu au briefing, nous nous mettons en montée vers l’ouest où nous devons retrouver le ravitailleur au cap sud près de la côte. J’annonce « leader, le tanker à 11 heures, haut ».

Il me confirme le visuel et nous faisons un virage relatif comme dans le livre qui nous amène dans ses 6 heures pour 500 mètres par-dessous et, oh surprise, nous voyons une belle dérive blanche avec la croix rouge du drapeau Suisse. On dégage le plus discrètement possible de ce liner pas prévu au programme pour trouver le C-135F 2000 pieds juste au-dessus.

Pendant 7 ans où j’ai pratiqué des rejointes sur le ravitailleur en Afrique, je n’ai jamais connu ce type d’incident pas plus que mes petits camarades. Il a fallu que ça se produise lors de notre première mission ce qui était tout à fait incroyable.

Le général Menu rencontrera, des années plus tard, le commandant de bord de cet avion suisse, qui se souvenait très bien d’avoir été intercepté par 2 chasseurs et qui était admiratif des capacités de l’Armée de l’Air mauritanienne… De même, il rencontrera des officiers du Polisario lors de rencontres internationales quand il était chef de cabinet militaire du premier ministre. « Je leur ai annoncé clairement que j’avais été le chef de détachement Jaguar qui les avait matraqués, tout en mettant l’accent sur leur courage et leurs qualités de combattants. Ils m’ont avoué qu’ils avaient eu très peur des Jaguar et de leur efficacité qui les avaient contraints à modifier leurs modes d’attaques, par petits groupes et de nuit ». Là aussi cela relève de l’incroyable, mais vrai, entre le chasseur et le chassé.

Le retour, une fois le plein fait, se fait sur la côte de Nouakchott jusqu’à Dakar. A côté, la côte de Cazaux jusqu’à Bayonne fait figure de mare à canards. 45 minutes de plage ininterrompue à 450 kt et avec la sonde calée à 50 pieds, ça vous change de la FATac…

Mauritanie radada

Le lendemain le Gal Forget nous confirmera que le message est très bien passé auprès des populations.

Et 3 jours après, il y avait sur les marchés mauritaniens des grigris Jaguar, du tissu Jaguar, etc…

ForgetLe général Forget accueilli par le Cdt de l'Aviation Militaire mauritanienne

R16 nouakchotLa R16 très FATac trahit un peu la villa du général à Nouakchott gardée par nos cocoyes

Les jours qui suivent sont du domaine de la répétition générale : décollage sur alerte et rejointe du Breguet qui nous décrit l’objectif que l’on va arroser à l’OPIT. La dispersion des tirs de roquettes de 2.75 pouces a rapidement convaincu le COMFOR que nous retiendrions uniquement la configuration canons.
Le problème était de trouver un objectif d’entraînement, ce qui est très rare dans ce parfait désert. Mais pas loin de Tindouf, il y avait un kéké et je dis bien il y avait car quand la patrouille a plongé dessus, il n’en est pas resté grand-chose. Sur mon carnet de vol : 4 h 00 – 3 Rvt - 190 OPIT (Menu - Dechavanne - Vergnières).
Il faut dire que les considérations écologiques n’étaient pas ce qu’elles sont actuellement et nous avons donc massacré le seul arbre à 100 kilomètres à la ronde.

Pendant ces journées d’échauffement, le Cdt Menu, qui a … au moins 70 heures de vol sur Jaguar, largue son bidon ventral suite à une fausse manip (quand on ne connaît pas on ne touche pas !) et le Polisario en profite pour annoncer avoir abattu un Jaguar. La France dément et affirme qu’aucun Jaguar ne survole la Mauritanie. A qui mentira le plus fort…

Le 26, vent de sable qui nous cloue au sol.

On nous a également fait tester le tir de nuit à 2 avions dont le premier commençait par tirer une salve de roquettes éclairantes et ensuite on devait enchaîner au canon pendant que les lucioles descendaient.
Un truc de fou abandonné dès la première passe. J’ai tenté cela avec Vergnières qui a tiré ses roquettes éclairantes, mais je ne suis pas descendu dans ce trou noir et Jean-Claude était tout à fait d’accord.
Nous aurions suivi notre général les yeux fermés, mais tirer de nuit aux canons les yeux fermés : non.

Il nous a bien compris.

Quelques mois plus tard, après une étude du CEAM, Sayouz est venu à Toul et, toujours avec Vergnières, nous avons recommencé la manip à Suippes. Dans le back-seat, le vénérable ancien a bien compris aussi qu’il fallait définitivement abandonner le tir de nuit aux canons.

Nos journées se passaient à Yoff dans une minuscule salle d’ops ou crépitait en continu un Télex de l’AFP qui nous reliait au monde. Mais aucune nouvelle de nos proches qui n’ont d’ailleurs pas su où nous étions précisément pendant 8 jours. Black-out complet.

Standard Lamentin
La liaison 16 des années 70…

Nous étions partis avec la brosse à dents pour tenir l’alerte à Istres et l’Escadre a dû envoyer chercher des affaires de rechange auprès de nos femmes qui n’ont pas reçu d’explications en retour et certaines se sont sérieusement inquiétées. Il y eut d’ailleurs à « la 11 » deux mutations pour des pilotes dont les épouses ne supportaient pas qu’ils fassent le métier pour lequel ils s’entraînaient depuis plusieurs années. De même plus tard, à la 7ème EC, on transforma un chef de patrouille d’un escadron nucléaire en adjoint du simulateur à Avord...

Le midi, petit retour à Ouakam avec un 6/6 de la dernière guerre déstocké sur la réserve de guerre des biffins et qui avalait allègrement ses 40 litres à l’heure. Mais il a vite rendu l’âme. Dommage car ça faisait son petit effet.

6x6 yoff
Le 6 x 6 et une « grise » … toute une époque. La tour de Yoff en fond

Au mess, les serveurs sénégalais, Diallo et Jean nous bichonnaient. Ils étaient tellement attachants et efficaces que Diallo a fait un aller-retour Dakar / Istres / Dakar en C-135 lors d’une relève. C’est dire si ces événements ont transformé l’esprit des FAS, au point de les faire s’asseoir sur les textes.

Mais la Base vit toujours à son rythme africain et voulant changer mes gants de vol tout pourris, je me suis fait sortir par un Sgc magasinier au prétexte qu’il s’agissait de son « stock de guerre ». Rien n’y a fait de ma persuasion.

Je fais remonter et, le soir, le général, au bar, me dit « pour vos gants, ils vous attendent ». Le lendemain contre 25 signatures j’avais mes gants tout neufs et j’avais fait un magasinier tout triste d’avoir un trou sur son étagère. Mais sinon, le personnel de la Base a bien suivi, à l’exception des troubades de luxe, les aspirants du contingent, à qui on volait leur mess.

Mess off
Jean le maître d’hôtel, adjoint de Diallo

Les mécanos ne sont pas comme nous en chambre de 4 et le mess sous/off ne vaut pas nos trois étoiles, mais l’ambiance, surtout en soirée, est chaude… surtout pour les premiers qui vont explorer la ville en 4L ou autre Tube Citroën ou en taxi (extrêmement dangereux car, pour ne pas se faire prendre à griller les feux rouges, ils éteignent les phares en arrivant aux carrefours…mais si.)

Taxi Dakar
Les taxis fous de Dakar

Bougnoulette
Les fameuses « bougnoullettes »

Sousoff
Logement de la mécanique : un peu à l’étroit.
Cela n’empêche pas la dispo des 6 machines tous les matins à 5 h 30.

Logement cochers
Les chambres pilotes

Dans presque chaque avion civil qui vient de France il y a du matériel pour Lamantin qu’il faut dédouaner au tarif fort (100 %). Et quand on débarque un moteur, il faut une intervention de l’ambassadeur pour calmer les douaniers. Le gouvernement sénégalais met un peu d’eau dans son vin et tout s’arrange.

En échange nous promettons à l’ambassadeur de ne plus passer en « radada » sur les pirogues qui pêchent sur une bande de 15 km le long de la côte. Il a en effet dû en parler au Gal Forget car il y a du dégât, les pêcheurs sénégalais ne sachant pas nager.

Le 2 décembre, à peine posés d’une petite mission haut-bas-haut dans la région de Nouakchott de 1 h 30 sans ravito, c’est l’alerte et 2 patrouilles de 5 avions au total décollent car une katiba de 43 véhicules vient d’être repérée alors qu’elle vient d’attaquer le poste de Boulanouar. 1ère patrouille : Menu et Legall (Lissonde en place arrière). 2ème patrouille : Vergnières - François (Tani en back-seat) - Jantet (Dechavanne en place arrière). Deux C-135 avec Cne Thiriot et Lcl Maurer. Deux Breguet Atlantic avec les LV Guillard et Devos. Le PC volant C‑160 avec le général dont le pilote est le Ltt Genre. Est également de la partie un Defender mauritanien armé de roquettes.

Le Breguet étant à 15.000 pieds, nous faisons la rejointe à 20.000 pieds et il nous décrit la situation alors que le Gal Forget tourne vers les 12.000 pieds avec son C-160 Transall PC volant.

Pc volant
Le COMFOR dans le PC volant

Cela dure 2 heures et nous asséchons, à cinq, 2 ravitailleurs et le général en liaison HF avec le CEMA (Gal Mery) n'obtient pas du Président de la République le feu Bingo vert car il a été informé de la position de la colonne qui n'est plus en territoire mauritanien mais sur celui du Rio de Oro.
S’en suit une conversation étonnante entre le Gal Forget et le pilote du Defender mauritanien qui tire quelques roquettes avec une dispersion lamentable et le général de le féliciter de ce coup au but… et dans la foulée, il nous donne l’ordre de procéder à un tir de semonce et ajoute  « Vous tirez au plus juste. Vous comprenez ce que je veux dire : au plus juste ».

De là à penser qu’il souhaitait que nous déglinguions des véhicules, en les attribuant à l’avion mauritanien, il n’y avait qu’un pas.

Nous sommes à 58 nautiques dans le 040 de Nouadhibou et ce coup-ci nous faisons du « Show of Force » avant l’heure. Premier passage uniquement avec des photos et on remonte en perche.

Les 2 patrouilles dégringolent de 15.000 pieds et le badin est joufflu au moment du premier tir (550 kt).
Sinon, on s’en donne à cœur joie et j’ai la chance que mon Omera 130 (cinémitrailleuse) soit décalée vers le bas ce qui permet de voir le tir mais aussi le dégagement. La photo du gars qui a quitté son camion et s’en va en courant avec une gerbe d’obus aux fesses du camion vaut son pesant de cacahuètes.

Polisario
Le sélectionné du Polisario aux prochains JO pour le 100 mètres…

Mais tout a une fin et, il faut décrocher et on les laisse au Breguet. Cela fait quand même 5 h 20 en 2 missions pour ce 2 décembre. Et pendant ce temps-là, elles croient qu’on s’amuse… (et elles ont raison).

J’ai noté 61 OMEI (Obus Mine Explosif Incendiaire) et ne sais pas pourquoi nous avions ces munitions dévolues aux missions air-air.

Les enseignements sont assez limpides : il faut plus d’espace entre les avions de la noria car sinon, au moment de tirer, on voit son objectif traité par celui qui est devant. La raison est simple, on va au plus visible et dans le désert, en vent arrière, il n’est pas facile de distinguer les véhicules des gros rochers, surtout que le convoi a éclaté très rapidement tous azimuts. Pour une vingtaine de véhicules le champ de tir fait près de 10 kilomètres de long sur 5 de large. C’est ainsi qu’un ZSU 23/2, armement de 600 kilos, monté sur un camion type Mercedes ou Berliet accroche mieux le regard qu’une Land Rover. Et le Cdt Menu a, évidemment, étant leader, visé cet objectif le plus visible dans le lot et il a bien fait car cela représentait un danger très important. Le suivant, j’ai dû changer d’objectif après mon « In ».

Semonce
Il a de bons freins le gars…

Les tirs sont tous à 500 kt avec un angle de bien moins de 5 degrés ce qui était une protection aux coups adverses, mais surtout une facilité lors du « OUT », nos avions étant pleins en quittant le ravitailleur. Le point bas est donc vraiment bas et avec Ernest on a eu la nette impression de rebondir et de ne pas avoir à cabrer au dégagement, ce que d’ailleurs nous ne voulions pas faire. Nous restions en radada au moins 10 à 15 secondes avant de dégager en virage.
Technique à comparer à celle des F-5 marocains qui interviendront dans les mois suivants, au canon en semi-piqué avec point bas à 4.500 pieds. Résultat Zéro pointé. Mais on ne sentait pas en eux une vraie étoffe de chasseur avec la part de risque induite.

Le soir, au mess, l’apéro était vraiment bien agréable et animé. Le Gal Forget rentre dans le mess, tombe ses épaulettes, les mets dans la poche et nous rejoint. Une telle attitude était pour nous la meilleure preuve qu’il était content de nous.

Notre conversation tournait surtout autour du tir de semonce « au plus juste ». Le général n’a pas voulu nous dire s’il aurait aimé qu’on les abîme un peu.

Les plus heureux étaient sûrement son staff, le colonel Hure en tête. Ils n’avaient pas travaillé comme des fous pendant un mois pour rien.

Même le capitaine Bedrignans, trésorier, se laissait aller. Il avait des francs CFA dans une poche et des Ouguiya (monnaie mauritanienne) dans l’autre et distribuait à qui lui en demandait et marquait tout ça sur son paquet de Gitanes. Quand il est rentré en métropole, il n’y avait pas un franc d’erreur dans ses comptes et pourtant il faisait vivre un Détam de 355 personnes entre Dakar et Nouakchott. Il en sera justement récompensé et nous avons tous été très heureux de le revoir quand nous avons fait une petite fête pour les 10 et les 15 ans de Lamantin.

Quant au capitaine cocoye (je ne retrouve pas son nom), il promet de prêter son monoculaire de vision de nuit, normalement utilisé sur leurs fusils FRF1 car il a bien compris que la poursuite de nuit par les Atlantic est difficile. C’est un équipement alors très nouveau. C’est dire à quel point chacun se sent concerné et que l’équipe est très soudée autour de son chef.

Je ne résiste pas, pour les participants de l’époque, de rappeler les noms des équipages des C‑135F : Thiriot, Belloir, Maurer, Berge, Raffin (le fabuleux) et des Breguet Atlantic : Jehannin, Delatour, Devos, Le Carpentier, Lambert, Bertrand.

Le 11 décembre, je vais à Saint-Louis-du-Sénégal en Grise pour y récupérer un avion dérouté la veille suite à une panne. Le décollage est « intéressant » : il y a tellement de crottes de chameau sur la piste que l’on croit décoller sur de la tôle ondulée. Et il faut choisir son créneau car les chiens errants coupent la piste en permanence.

Le 12 décembre, le Polisario attaque le train minéralier et à 9 h 20 le général décolle en Transall avec l’Adj Frappas chef de bord (vous noterez que le général qui rédige les JMO parle de chef de bord car, vous l’aviez compris, le commandant de bord, c’est lui).

L’Atlantic arrive sur place en même temps que le général, vers 11 heures, car les marins décollent de Dakar alors que le Transall décolle de Nouakchott. Il y a 43 véhicules qui s’enfuient vers leur base de repli.
Le COA donne l’autorisation d’intervention à 12 heures et le COMFOR ordonne le décollage des 2 patrouilles Jaguar et des 2 ravitailleurs.

La 1ère patrouille intervient de 13 h 15 à 13 h 35 (Vecteur Alpha Cdt Menu - Cne Dehaeze - Slt François - Slt Guérin en place arrière).

Le Cdt Menu, leader de la 1ère patrouille, ne tire pas : il s’est fait avoir comme jeune pilote de Jaguar qu’il est et n’a pas ôté la sécurité de gâchette. Le soir même il obtiendra facilement l’autorisation du général d’arracher ces foutues sécurités de queue de détente sur tous les avions, chose qui aurait normalement mis au moins 3 ans pour aboutir.
J’ai donc le privilège d’être le premier à tirer.

La 2ème patrouille intervient de 14 h 25 à 14 h 35 (Vecteur Bravo Cne Jantet, Adj Dechavanne en place arrière – Ltt Hartweck, Adj Debernardi en place arrière).

Ce coup-ci, c’est de coups au but qu’il s’agit. Sur le terrain on trouvera 30 cadavres et 10 « probables » dont un chef de katiba - 9 véhicules détruits et 1 endommagé et récupéré par les Mauritaniens (arrivés sur place dans la soirée). 1 canon de 75 sans recul, 1 canon B10 détruits. Beaucoup d’armement individuel récupéré par les Mauritaniens.

13 militaires et 4 civils mauritaniens récupérés dont 4 blessés. Ils avaient été faits prisonnier lors de l’attaque du train le matin.

2 Jaguar très légèrement endommagés par du calibre 7.5. Deux tirs de SA-7 observés.

Sur mon carnet de vol j’ai noté « 4 + 1 véhicules ». En effet le 5ème a été rajouté après le débriefing des Omera 40 car un Toyota était caché derrière le camion que j’ai un peu tout cassé et qui transportait des prisonniers mauritaniens. On ne parlait pas encore de dégâts collatéraux…

Cine mitrailleuse
Dommage pour le Polisario…et leurs prisonniers

Portiere

Et sur l’Omera 130, lors d’une autre passe, on voit la portière du camion passer juste au‑dessus de l’aile droite du Jaguar. L’ami Guérin, qui subissait la mission dans le cargo, en était encore tout blême le soir au mess.

La notion de risque et de peur a été ressentie d’une manière très disparate par chacun d’entre nous, alors que la notion de « tuer » nous a semblé lointaine, mais c’est le propre de l’arme aérienne où le corps à corps n’existe pas.

Pour ma part j’ai eu la chance d’être parfaitement imperméable à ces deux problèmes.

Quant à Hartweck, ses canons de 30 s’enrayent à chaque passe et il remonte en perche à 10.000 pieds, fait un essai qui s’avère bon, redescend et… ça ne marche plus. Cela me vaudra de faire un vol de contrôle canon : et 300 OPIT tirés en pleine mer juste au large de l’île de Gorée.

Les Breguet sont restés au-dessus de la colonne du Polisario de 11 heures du matin jusqu’au lendemain où elle a été renforcée par 10 nouveaux véhicules et leur raid s’arrête de 5 à 12 heures.

Le 13 décembre, à 6 h 30, le PC volant a rejoint la zone avec toujours le même adjudant « chef de bord ».

2 patrouilles (4 + 3 Jaguar) sont scramblées à 8 h 55 et 9 h 35. Je suis dans la 2ème et devons faire demi-tour après 30 minutes, l’ordre d’ouverture du feu n'étant pas obtenu.
En effet, il est impossible de trouver le Président et toutes les hypothèses, même les plus scabreuses sont émises sur les raisons de cette absence. La première patrouille est au-dessus de la colonne et doit aussi faire demi-tour.

Tout le dispositif est remis en alerte sur sa base de départ à Ouakam (à 1.200 km de la katiba toujours pistée par le Breguet).

 

Yoff
La partie militaire de l’aéroport international de Dakar-Yoff.
10 Jaguar, un Noratlas et un Puma (ALAT)

Parking Yoff
Parking Jaguar

Garde jaguar
Garde au parking Jaguar (Jacky Experton)

Parking yoff 1
Parking C-135 et DC-8 (Jacky Experton)

Noratlas vers Nouadhibou
Liaison en Noratlas vers Nouadhibou

À 15 h 05 l’ordre d’intervention arrive brutalement (on a retrouvé le Président...) et seuls 6 Jaguar décolleront car, crevard comme je suis, j’avais demandé au Cdt Menu de partir en Breguet, ce qu’il accepta car il nous semblait impossible d’avoir à décoller à cette heure alors que la nuit tombe à 18 heures.
1ère patrouille : Menu - Hartweck (+ Guérin) - Jantet - Dechavanne (+ Peron).
2ème patrouille : Dehaeze et Longuet.

La relève du Breguet Atlantic, l’arrivée du PC volant et de la première patrouille se font à 17 h 10.

20 véhicules sont pris à partie à 1.300 km de Dakar de 17 h 25 à 18 h 05. Le premier terrain de secours est à 400 km. Je cite le général : « Le scénario est tel que tout pilote contraint de s’éjecter était un pilote perdu ».

Tout le monde rejoint les 2 Boeing, mais les derniers à ravitailler le feront de nuit et il faudra attendre 3 ans pour que nous soyons équipés de phare de ravito (sauf celui que j’ai testé, mais qui grillait la vitre latérale droite derrière laquelle il était collé).

Le résultat est de 15 véhicules détruits et 2 ou 3 endommagés (traces de remorquage) et les Jaguar ne sont pas touchés. Il faut dire que le soleil en rase-motte et dans le dos rendait la tâche des défenseurs pas facile.

Même leur ZSU a été détruit. Le général Menu raconte :

Je ne l’avais pas vu directement, je n’avais aperçu que des étincelles qui sortaient d’un kéké ainsi que les traçantes qui entouraient un Jaguar (je crois que c’était celui de Dechavanne). J’ai tiré et je suis passé dans la boule de feu…

Vehicules en feuLes troupes mauritaniennes ne se sont pas rendues sur place et donc le bilan humain n’a pu être fait.

Pour ma part, dans le Breguet, même si j’enrageais de ne pas tenir ma place dans les patrouilles, je dois dire que le LV Delatour, le commandant de bord, m’a intégré à l’équipe de 13 personnes en me mettant dans la bulle. Chaque paire d’yeux compte et le spectacle est grandiose pendant la noria avec les colonnes de fumée noire qui montent l’une après l’autre.

Un SA-7 part, fait demi-tour et explose tout près du tireur.

Vehicule en feu

J’utilise en fin de mission les JVN du cocoye et le désert grouille de monde la nuit. Nous sommes tous témoins pendant le retour de la présence d’un OVNI qui nous suit avec une vitesse vertigineuse entre nos 6 et 9 heures. Était-ce un Bear soviétique ? Nous n’en saurons jamais rien.
Ça me fait quand même 7 h 20 de vol dans les baskets et il ne faut pas me bercer.

Le 14 décembre le Polisario annonce la libération des 8 otages français de la SNIM.

Quand, 2 jours plus tard, nous recevrons les journaux français et que nous verrons en première page la photo de Georges Marchais, premier secrétaire du PCF, accueillant les otages à l’Isba d’Orly et déclarer que c’était « grâce aux démarches d’amitié entre partis frères, français et algériens », qu’il avait obtenu cette libération, je dois dire que ça a eu du mal à passer.

Nous seuls et quelques autorités de l’État savions que cette « amitié » sentait très fort la poudre de nos obus de 30.

Et voilà ces journées vues côté Marine avec le témoignage de Michel Carpentier :

J’ai effectivement fait la première mission feu du 12 décembre 1977. Arrivé le 9 de France, je n’ai fait qu’un tour en double le 10 pour tâter le terrain. C’est vrai que se retrouver sur l’objectif, en même temps que le Transall-général, c’est à dire jouer la pièce en réel, sans avoir jamais répété, ça pique un peu les yeux ! Sur mon carnet de vol, j’ai 8 véhicules détruits.

Trois jours plus tard, j’ai fait une reco des lieux, pour mieux habituer les yeux : à 12.000 pieds, ce n’est pas évident de lire le numéro des locomotives !

Encore 3 jours plus tard, le 18, je me fais la deuxième mission feu, et mon carnet double la mise : 17 véhicules détruits, et mon souvenir est que j’étais un peu plus à l’aise, et ayant de meilleurs moyens de guidage que le Transall, nous avons bien partagé le travail, malgré nos 4.000 pieds de plus. Cette manip a été très instructive, et je n’oublierai pas la leçon, 6 mois plus tard au Tchad, lors de l’opération Tacaud.

Encore 3 jours plus tard, toujours sur le même secteur, je repère dans le sud-est de Choum (là où la voie ferrée fait un 90 droite vers Nouadhibou) la présence de 38 véhicules plus ou moins planqués dans le relief : terrible menace pour le train qui au même moment descend lentement vers Choum. Je rends compte de ma trouvaille et rentre à Dakar, en fin d’autonomie. Mais il n’y a pas eu d’attaque. Et j’ai pu rentrer à Lorient pour y passer Noël.

Mon tour est revenu en mai 1978, où le lendemain de mon arrivée à Dakar, je décolle le 3 pour une reco Mauritanie de nuit. Là je détecte les phares d’une colonne de 17 véhicules roulant vers le nord. Je reste au contact à 12.000 pieds. Au milieu de la nuit, je vais à l’arrière discuter de la situation avec mon Tacco (coordinateur tactique), laissant mon copilote seul aux commandes. J’aurais dû me méfier de cet ancien pilote de Crusader : voyant un départ de feu (classé de suite SA-7), il tape un break qui nous allonge tous les deux, mon Tacco et moi dans la tranche tactique. Je rejoins mon poste avec difficulté et me réhabitue à l’obscurité. Nous n’avons pas eu de nouvelles du SA-7, perdu dans la nuit. Nous tenons le contact toute la nuit, pour qu’au petit matin le convoi se planque dans le relief, et que ma relève les perde de vue dans cette lumière diaphane matinale. Dommage que les Jaguar n’aient pas pu les tirer de nuit. Ça aurait été comme à la fête foraine ...

Je ne suis pas resté à Dakar, il se préparait d’autres occupations à N’Djamena en ce mois de mai 1978.

Le 16 décembre, nous participons à un exercice franco-sénégalais où nous appuyons une action de parachutistes sénégalais qui découvrent le saut en Transall. Le biffin français dans le cargo a l’impression que son stick pour évaluer le vent n’est pas bien calibré pour la carrure de nos amis qui sont plutôt « montés fin ». Du coup il envoie un sénégalais comme stick qui s’en va à perpète, permettant aux autres d’arriver à peu près où cela était prévu.

Il faut dire que nous ne sommes quand même pas tout à fait chez nous et notre général a plusieurs entretiens avec Monsieur Léopold Sedar Senghor, Monsieur Abdou Diouf, Monsieur Mokhtar Ould Ada et le CEMA marocain et qu’il les associe comme il peut à nos actions, même si, paradoxalement, la Mauritanie a depuis peu dénoncé l’accord de défense avec la France. C’est ainsi que nous passerons 2 jours à Nouadhibou, où nous logeons dans les installations de l’armée mauritanienne, afin de faire des missions conjointes avec les F-5 marocains guidés par les PGA de la 11ème DP et du 13ème RDP que le COMFOR a disséminés dans tous les points chauds du territoire. Les coopérants de la SNIM sont bien contents de nous voir et nous accueillent chaleureusement.

À Dakar, nous sommes invités par les Marins à un méchoui avec l’état-major et tous les équipages. Même le Yaka semble un peu parti quand tout le monde chante « Forget, Forget, troulalalalaire, c’est le plus grand des généraux de France. Forget, Forget, c’est le plus grand des généraux français ». L’équipe est soudée et le Polisario n’a qu’à bien se tenir : nous sommes gonflés à bloc.

Forget quintet
« Forget, Forget, troulalalalaire… »
À gauche le capitaine des commandos et Debernardi. A droite notre chef vénéré.

Forget quater​​​​À droite : Guérin, Longuet, Le Barbu, Forget, Menu. À gauche Hartweck. Les autres sont les marins de la 21F.

Forget bisÀ gauche 2 marins des Breguet, Menu, Forget, Janin (le chef des marins), Le Barbu. À Droite Debernardi et le cocoye.

Pour ce repas, j’inaugure ma coupe rasée de près et je passe régulièrement du lait de coco sur mon crâne chauve pour éviter le coup de bambou. Il faut dire que le Cdt Menu nous a informés du fait que nos photos étaient aux mains des Algériens. Donc je prends mes précautions pour ne pas être reconnu…

Mouchodrome
Même les mouches dérapent sur le crâne passé au lait de coco

Il faut dire qu’entre l’aéroport et la base, il est facile de nous photographier en traversant le bololo, car, même si nous sommes en civil, nos véhicules sont militaires.

Ouakam en 6x6
Traversée de Ouakam en 6 x 6 toujours très discrète.
Au moins, on profite bien du si fameux « Huffle » de Ouakam

Les Soviétiques ont envoyé leur 2ème bureau en force et des dizaines de « chalutiers » déploient non pas leurs filets mais leurs grandes antennes au large de Nouadhibou et Nouakchott ce qui nous contraint à une certaine discipline radio et nous parlons par code.

C’est ainsi que, lors d’une relève, le Breguet indique que « Hector » est au point kilométrique 125 et le leader, chef du nouveau Détam, demande sa position par rapport à la voie ferrée. L’équipier d’une autre patrouille intervient et lui répond « eh con, entre les rails » (je ne sais plus si c’est Bezat ou Morel). Il faut dire que Hector, c’était le code du train trans-minéralier.

La piste
La Piste avec l’élite de la « Graisse »

Avec la déculottée des 12 et 13 qui aboutit à la prompte libération des otages, nous pensions que l’opération allait prendre fin rapidement.

Mais arrive le 18 décembre. Le Polisario attaque le poste de Tmeimichat vers 8 heures. Le Breguet quitte Dakar à 9 heures 10 alors que le général part de Nouakchott à 8 heures 52. À 11 heures 15, 54 véhicules sont repérés au Nord du camp attaqué et ils dropent vers le Nord.

A 11 heures 45, le COA donne le Bingo Vert (alors que la colonne ennemie est déjà sur le territoire du Rio de Oro) et à 11 h 56 la 1ère patrouille de 4 Jaguar décolle, soit 11 minutes après. Il faut dire que nous étions en alerte à 15 minutes et à 150 mètres des avions avec un planton au bout du téléphone.

Les Vecteur Alpha : Menu - François (+ Guérin) - Jantet - Legall (+ Hartweck) interviennent de 12 h 55, soit une heure après le décollage, jusqu’à 13 h 15.

Bilan : 11 véhicules ennemis incendiés, mais 3 Jaguar touchés par du 7.5, dont celui de Jantet, réservoir crevé, la cabine est envahie de vapeurs de carburant et panne sèche d’oxygène. Quand il annonce « 3 touché », je viens de finir mon 300ème et dernier OPIT et je le vois facilement à cause d’une belle traînée de pétrole. Je lui annonce « visuel », lui donne le cap sur Nouadhibou et le rassemble en légère montée pendant que le leader et le 4 finissent leurs passes. Je l’assiste et le conduit jusqu’au toucher des roues avant de passer vent arrière et de me poser pour constater que moi aussi je suis touché, mais pas gravement comme lui. La mission n’a duré que 1 h 45 avec un seul ravito avant de plonger sur la katiba.

Nous nous retrouvons tous à Nouadhibou où le général arrive avec son PC volant et sa cargaison de commandos de l’air qui « sécurisent la zone ».

Les Vecteur Bravo : Dehaeze - Dechavanne (+ Peron) - Longuet interviennent de 13 h 20 à 13 h 50.
Bilan : 6 véhicules incendiés. Ils retournent à Dakar et sont remis en alerte immédiatement. Les mécanos « cockent » les machines très vite et le C-135 qui doit avaler ses 80.000 litres sur le parking civil n’a pas le temps de passer son plan de vol. Quand l’ordre de redécoller est donné, il demande le roulage sans plan de vol et le contrôleur sénégalais, d’ordinaire si pointilleux, lui demande « C’est pour les Jaguar ? » - « affirmatif » - « Ok Marcotte vous roulez… ». La patrouille, même composition, intervient à nouveau de 17 h 35 à 18 h 00.

Bilan : 2 véhicules détruits. Il faut dire que les tirs ennemis sont nourris et les derniers véhicules bien cachés dans les rochers dont les ombres sont très longues au coucher du soleil.

Le retour sera très sportif car la nuit est bien tombée lors de la rejointe du tanker et la prise du panier se fait à l’aveuglette.

L’équipe de Nouadhibou rentre en partie avec le 2ème Transall qui a amené les mécanos pour faire des rustines sur 2 avions, car celui de Jantet fuit le pétrole au niveau des nourrices et l’avion du Cdt Menu a un éclat de 30 mm dans l’entrée d’air et la base de la dérive bien abîmée. Il faudra démonter les ailes et la dérive du premier et les rapatrier en Transall vers la France le soir de Noël, soit une semaine de travail pour la mécanique dans un hangar de fortune sans porte sur ce terrain en permanence envahi par le vent de sable avec une chaleur étouffante et des mouches qui piquent.

Toul nous enverra les machines de remplacement sous 24 heures. Nous avons alors, le 19 décembre, 10 Jaguar.

Le bilan total est donc de 21 véhicules et au moins 47 tués (le Polisario en annonce 110).

Carcasses 2

Carcasses 4
Land Rover à démonter, à nettoyer, à repeindre…

Les réguliers mauritaniens récupéreront un bi-tube de 14.5, un canon de 20, un mortier soviétique de 82 mm, 2 canons de 75, un canon de 107 mm sans recul et 3 BLU ainsi que quantité d’armements individuels.

Carcasses 3
L’armée mauritanienne aux résultats

PetafsLes pétafs qui, pour une fois, ne sont pas à l’exercice…

Le général Forget a obtenu le résultat qui lui était assigné en adaptant son expérience pendant le conflit en Algérie en remplaçant le Broussard avec lequel il guidait les T6 par le couple Transall PC / Breguet Atlantic et les vieux postes radio du type TRPP par la boîte grosse comme un paquet de sucre avec laquelle le 13ème RDP pouvait rentrer en contact avec le COA à Paris, pendant l’action.
Ceci est incontestablement l’origine de ce que nous connaissons aujourd’hui avec l’AWACS, la Liaison 16 et le Rover des équipages de 2000 et Rafale.

Dehaeze et Longuet ont fait 6 ravitaillements et 8 heures de vol le même jour en doublant leur mission ce qui est à rapprocher du raid de la première intervention au Mali depuis Saint‑Dizier en Rafale.

Je cite le général : « Pour la première fois de l’histoire militaire, une intervention extérieure a été confiée, pour l’essentiel, à des forces aériennes… où notamment l’aviation de combat a eu un rôle déterminant, voire même exclusif en ce qui concerne l’intervention feu. »

Les opérations en Irak, Libye et Mali doivent incontestablement beaucoup à la Fatacatisation que le général a imposée à l’Armée de l’Air suite à ces opérations et à ses enseignements pendant les 4 ans de son commandement.

Ce que le chef d’état-major de l’Armée de l’Air, le général Saint-Cricq, traduit par « Ces opérations ont fait la démonstration que les forces aériennes sont et seront l’instrument privilégié de notre stratégie d’action extérieure. »

Seules, deux missions feu auront encore lieu dans le cadre de Lamantin les 2 et 3 mai 78 et l’opération sera entièrement démontée au printemps 80.

Le 21, je fais faire un tour du désert au Lcl Pachebat qui vient nous relever et le 24 je suis dérouté en vol pour contrôler des camions suspects près d’Atar. Le PC volant a déjà décollé, mais avec Dehaeze, nous constatons qu’il s’agit de camions civils et nous leur souhaitons bonne route avec un passage au niveau de la portière.

Le 27, le général Capillon prend l’intérim du général Forget.

Ils passent tous les deux dans la salle d’Ops et le Gal Capillon remarque « Vous avez des biplaces, ça me va bien ». Le Gal Forget de répondre, avec sa sympathique répartie habituelle, « Je vous rappelle que vous n’êtes pas ici pour voler ».

Le bilan des missions en intervention est de :

• Jaguar : 85 h 50 / 26 sorties.

• C-135 : 35 h 50 / 10 sorties et 55 ravitaillements.

• Breguet Atlantic : 119 h / 12 sorties.

• C-160 : 42 h 10 / 5 sorties.

Et nous avons utilisé 968 obus d’exercice (quand et pourquoi ? Mystère…), 348 OMEI et 10.240 OPIT, soit un total de 12.556 obus pendant le mois de décembre 1977.

Et le 27, nous prenons tous le DC-8 pour rentrer en France.

Le général empreinte l’échelle de coupée avant mais le commandant de bord lui fait signe de monter à l’arrière avec le gros des troupes. Le pauvre homme ! Ce doit être le seul à ne pas avoir entendu parler du Yaka de la FATac …

Il s’en prend une sévère et doit déblayer en 2 minutes le salon de 1ère que l’équipage s’était réservé et du haut de la passerelle, notre Gal Forget nous fait signe de le suivre.

Pendant le vol de retour, le général vient nous voir un par un et il faut que je lui sorte la dernière histoire belge dont il est très amateur. Pendant tout le Détam, j’ai fait bien attention d’en avoir toujours une fraîche sous le coude. On vide le bar du DC-8 et le colonel Hure, après 3 heures de vol, nous demande un peu de calme car le général voit le Président Giscard d’Estaing dès son arrivée à Paris.

Sa voiture et l’escorte sont au pied de l’avion à l’arrivée et les formalités de douane sont vite passées pour nous permettre de prendre les bus vers Toul pour retrouver nos familles.
Le général reviendra dans les premiers jours de janvier à son poste de COMFOR, qu’il gardera jusqu’au 14 février 1978, remplacé par le général Maffre.

Je retournerai à Dakar du 28 février au 28 mars 1978 et en février et mars 1980 lors de la fin de l’opération.

Repas bololo Dakar
Repas chez nos fatous à Ouakam avec Vinchon et Laurenceau

Après les événements de décembre, l’alerte est plus paisible et se passe à la piscine du Club Med de Dakar. Et quand le planton passe avec une ardoise « Monsieur Lamantin au téléphone » la piscine se vide en 2 minutes.

Club Med Dakar
Le repos du guerrier …

Puis à nouveau le 19 avril, pour faire la mise en place sur alerte à N’Djamena le 27 et enfin rentrer le 14 mai à Toul. Mais c’est une autre histoire, qui commence par l’arrêt des moteurs sur le parking civil de N’Djamena avec tout le personnel féminin de l’ambassade et des quelques coopérants qui nous attendent comme leurs libérateurs. Effectivement l’étau s’est desserré autour de la ville en une demi-journée sous l’effet Jaguar.

Mais ces 2 détachements conjoints (Dakar et N’Djamena) obligeront la 11 à transformer « ravitaillement en vol » des pilotes de la 7. J’en étais fou de rage car 250 jours par an en Afrique ne me faisaient pas peur, au contraire. Et c’est comme ça que, petit à petit, tous les chasseurs ont été transformés puisque très vite les Mirages F1 ont fait pareil.

Début 1978, la Croix de la Valeur Militaire nous a été remise, mais en cachette. Comme depuis le début de l’opération, tout devait rester secret.

C’est donc au mess officiers de Metz que le général nous a remis, un soir, alors que la Base était déjà fermée, ces médailles en lisant la citation. Mais quand nous avons reçu la citation officielle, nous avons constaté que nous étions des bons petits, mais il n’y avait plus aucune mention de nos faits d’arme, fussent-ils très modestes et il n’y a même pas eu de photo.

Cela a recommencé pour la 2ème tournée mais là, c’était dans le salon d’honneur du Commandant de Base de Toul, discrétion oblige.

VM
Le Cdt de Base Col Guéguen, Lcl Pissochet, Morel, Ouvrard, Michel, Pentier,
François, Legall, Dechavanne, Pecavy, Derrien, Debernardi, Gal Bonnet et Lcl Menu

VM bis
L’élite du 1/11 avec les Lcl Menu et Pissochet

Nous hésitions alors à porter nos médailles et nos chefs nous y ont incités pour briser un peu ce mur du silence. Mais je me suis vengé et bien plus tard, étant civil depuis plus de 15 ans et en consultant les textes, j’ai profité de l’adieu aux armes de Charles Ricour, à Villacoublay, pour me faire remettre ma « VM » sur le front des troupes par le CEMAA.

Le général Forget, dans les tribunes, me voit sortir dans le rang des récipiendaires, en civil. À l’issue de la cérémonie, il est vite venu me voir pour me dire sa surprise, mais également sa totale approbation. Je dois dire que cela a été une des plus fortes émotions de ma vie même si je ne suis pas un grand sensible tout comme quand, encore sous-lieutenant, j’ai reçu une carte de vœux manuscrite de la part du général Forget.

Et il y a eu la distribution de Légion d’Honneur.

Le Président Valéry Giscard d’Estaing avait dit à son chef du cabinet militaire « Vous préparez la LH pour tous les pilotes, même les lieutenants ». Et ce c… de biffin a exclu les sous-lieutenants.

Du coup, Guérin et moi, nous sommes assis dessus.

C’est le général Forget qui nous a rapporté cet élément disant son écœurement.

Par contre, Dechavanne, Tani et Debernardi et Legall étant sous-officiers ont reçu la Médaille Militaire, ce qui à 25 ou 27 ans était tout à fait exceptionnel.

Il m’a fallu attendre 20 ans pour décrocher cette Légion d’Honneur, aux points comme un direct, mais pour un ORSA c’est quand même bien.

LH François
Remise par le CEMAA Stéphane ABRIAL à Metz.
Et pas à 27 mais à 59 ans !

Bien évidemment Lamantin a constitué la plus passionnante période de ma courte carrière de 15 ans jour pour jour, à laquelle se sont ajoutées Tacaud et Manta.

C’est au cours de ce dernier Détam, en septembre 84, que le Colonel Pissochet, COMFOR à N’Djamena, m’avait dit d’apporter ma « bleue » que je venais d’obtenir, également aux points.

C’est donc le ministre Charles Hernu, venu en Caravelle bourrée de Champagne à N’Djamena pour une inspection, qui me l’a remise sur le front des troupes, ce coup-ci. Les mauvaises langues ont dit que quand il m’a fait l’accolade, ça a fait velcro…

Parking Ndjamena
Le parking à N'Djamena

Il m’en reste un profond respect pour mes chefs préférés qui ont été les généraux Forget, Menu et Pissochet. Oui, même Pisso, pourtant si décrié par certains, qui m’a toujours fait l’honneur de sa confiance pour certaines missions délicates sur lesquelles il me désignait. Je donne deux surnoms qui lui ont été attribués, qui montrent à quel point il était clivant comme l’on dit maintenant : d’abord « Pissolta : la fièvre du samedi soir » et ensuite « le boulanger du désert » car il aimait à distribuer les pains…

Je tire de ces évènements la certitude de la qualité de notre formation à la maîtrise de la situation, grâce aux missions accomplies en métropole au sein du 1/11 Roussillon.

Je prendrai comme exemple la mission où Jantet a été touché suffisamment gravement pour réaliser qu’il était nécessaire de s’occuper de lui comme je l’ai raconté. Il n’y avait alors que 6 mois que j’avais décroché mon brevet de chef de patrouille. Or, à l’époque, Jantet était pour moi un ancien, déjà commandant d’Escadrille, mais l’urgence et la gravité de la situation m’ont amené à prendre l’ascendant sur ce leader de l’autre patrouille, avec autorité mais sans complexe, alors que j’étais loin de copiner avec ce pur produit du 3/11. Et il savait toujours me faire sentir ce qui nous séparait.

Je suis persuadé que cette pratique de la gestion des moments difficiles avec les décisions rapides que cela impose, a considérablement joué sur ma réussite professionnelle ultérieure.

Je laisse la conclusion en citant le général Forget : « Certes, depuis cette opération, bien d’autres opérations ont été déclenchées, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. Mais les forces aériennes - de combat ou de transport – par leurs capacités nouvelles dont Lamantin a donné une première idée, se sont partout révélées déterminantes pour donner à nos forces armées la mobilité stratégique qui leur est plus que jamais nécessaire.

Ainsi, Lamantin, modeste opération, que d’autres dépasseront en ampleur et en complexité, a marqué un tournant dans notre stratégie d’action extérieure. Elle méritait d’être contée… »

Un guerrier nous quitte
Un guerrier nous quitte

Roulage Rochefort
Le même avec 40 ans de plus… (roulage à Rochefort)

Ceux de Lamentin
La F-001 : les exécutants et le tacticien sous le F-100 : Le Barbu - Gal Carrasco - Gal Menu - Gal Forget - Gal Rolland

Date de dernière mise à jour : 11/06/2021

Commentaires

  • Alex Valere
    • 1. Alex Valere Le 04/03/2024
    J’aimerais contacter le Col François que j'ai rencontre lors d'un séjour à Ouakam au Sénégal dans les années 80. Je faisais alors partie du détachement de biffins basés à Nouhadhibou Mauritanie (opération Lamantin). Passionné d'aviation et de l'armée de l'air, j'avais rendu visite aux détachement de Jaguar à l'occasion d'une permission à Dakar. J'y avais reçu un accueil fort sympathique. J'avais passé l’après midi avec le Lt François à l'époque qui me parlait avec passion de son métier. Sa chambre était la dernière ou l'avant-dernière au bout du bâtiment que j'ai bien reconnu sur la photo. Le lendemain il m'avait fait un amphi cabine très sympa.
  • Grenier
    • 2. Grenier Le 26/01/2024
    Cet excellent récit me rappelle que j’ai participé au premier Lamantin comme mécano et qu’un de mes collègues était à la coopération avec l’armée de l’air Mauritanienne. Il avait des histoires pas vraies. Dont une où il avait failli se faire virer, retour France, un des mécanos Mauritanien portait une haute décoration nationale, comme il lui demande comment il l’a gagné, le Mauritanien lui répond qu’il avait reçu une blessure dans le dos. Mon collègue lui dit qu’il ne faut pas être brave pour avoir été blessé dans le dos. Cette fois le Mauritanien est vraiment blessé, l’affaire s’est finalement bien terminée après moultes excuses…
    Une autre : même fermée, la lumière « porte ouverte » d’un des « Défendeurs » restait allumée. Mon collègue demande à un électricien Mauritanien de dépanner. Il revient « C’est bon, c’est réglé ». Au retour du prochain vol, l’A/C instructeur Français s’inquiète en reportant que cette fois même ouverte la fameuse lumière restait éteinte ? Le Mauritanien avait coupé les fils !
  • Michel Poissonnier
    • 3. Michel Poissonnier Le 18/12/2020
    C'est avec grand plaisir que je viens de lire la narration du "Barbu". Le temps passe, il modifie notre apparence mais notre coeur demeure jeune !
    Je conserve un vif souvenir du jour où François brisa son Jaguar contre celui de Tani ; j'étais alors en renfort à la SSIS de NDJ pour Tacaud et ma surprise fut grande en voyant rentrer l'avion raccourci de Tani. Plus tard, je croiserai "le Barbu" sur la base de Toul lors du "bal de prestige".
    Si le Colonel François me lit, qu'il sache qu'avec la 11ème EC et lui j'aurai vécu une belle aventure. Vive la chasse ...B....L !
    Michel POISSONNIER (Major ER)

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