Évacuation de Laï-Chau

Novembre 1953

L'opération "Castor" s'est déroulée à partir du 20 novembre 1953. Il s'agissait d'évacuer le poste de Laï- Chau, au nord de Diên-Biên-Phù, menacé par les régiments Viet Minh.

Le 5 décembre, le capitaine Dompnier, pilote et commandant de bord, et moi-même, adjudant Boyer, mécanicien-navigant, quittons Saïgon à bord du C-47 n° 562 Fox Victor du groupe "Anjou". Nous rejoignons Diên-Biên-Phù le lendemain, dernière escale avant Laï-Chau, poste à l'évacuation duquel nous devons participer. Nous effectuons deux rotations, l'une vers DPB, l'autre vers Hanoï.

Nous sommes de retour à DPB le lendemain avec le même programme que la veille : trois rotations de DBP vers Laï-Chau, la dernière se terminant à Hanoï.

Idem le 8 décembre, mais c'est là que se situe un moment particulièrement difficile. Tout le matériel aisément transportable a été dispatché vers DBP ou Hanoï, ainsi que les militaires. Mais les Vietnamiens de Laï-Chau veulent aussi se sauver et se précipitent vers notre avion, le dernier à quitter le poste.

Notre C-47 n'est pas un autobus et il est assuré que nous ne pourrons pas prendre tout le monde. Aussi, je prends un bâton et tente de mettre de l'ordre au pied de l'échelle. Un militaire arrive en courant, auquel je ne peux pas refuser l'accès. Il m'avise qu'il vient de procéder à la mise à feu des charges de destruction autour de la piste, que tout va sauter dans quelques minutes et qu'il y a intérêt à déguerpir rapidement. Pour les neutraliser, on tire encore quelques balles dans les véhicules qui stationnent autour de l'avion, puis, étant parvenu à fermer la porte cargo, je fonce au poste de pilotage pour démarrer les moteurs.

En alerte, prêt à décoller, les deux mains sur le manche, le capitaine Dompnier me regarde et attend. Le premier moteur démarre. Vite, le second... Ça ne démarre pas ! J'essaie à nouveau... Rien à faire. Le pilote attend toujours, calmement, mais la sueur ruisselle sur son visage.

Je pense que si ce moteur ne démarre pas, il va falloir abandonner l'appareil, ouvrir les purges d'essence et mettre le feu. Puis partir à pied.

J'essaie à nouveau. Les minutes s'écoulent. Tant pis pour les batteries. J'essaie une nouvelle fois... Teuf... Teuf... Teuf... Ron... Ça y est, ça démarre.

Pas de temps à perdre ! Le pilote me regarde, un signe affirmatif en réponse et il met les gaz très vite. Le C-47 roule... Voici le petit ruisseau qui traverse la piste et les roues quittent le sol juste à ce moment. Il était temps !

Décollage acrobatique. Il faut savoir que la piste - sommaire - de Laï-Chau est située en pleine montagne, près de la frontière chinoise. On se pose dans un sens, on tourne et on décolle dans l'autre, sans tenir compte du sens du vent, en passant au-dessus de la rivière Song-Da. Et, de plus, nous sommes alourdis d'un nombre non précisé de passagers...

Au moment où nous quittons le sol, des explosions se font entendre au-dessous de nous tandis que de gros nuages noirs se forment autour de l’avion. Les Viets n'étaient pas loin... C'était "tangent" !

Alors, le capitaine décroche son micro :

- « Ici Fox Victor. Laï-Chau. Terminé ».

Il raccroche son micro. Il est en sueur et nerveusement épuisé. Il me passe le manche.

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C-47 du "Franche-Comté" au-dessus du Tonkin

Du 5 au 13 décembre, nous aurons effectué cinq voyages entre Hanoï, Diên-Biên-Phù et Laï-Chau.

Des souvenirs qui comptent...


Raymond BOYER

Date de dernière mise à jour : 06/04/2020

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