La disparition du Général Hartemann

La disparition brutale de hautes personnalités est souvent mystérieuse. C'est le cas de celle du Général André Hartemann qui commandait l'Aviation française d'Indochine. L'accident de son B-26 Invader, un avion quasiment neuf, n'a jamais pu être expliqué. 

En janvier 1951, le Viêt-Minh lança de puissantes offensives vers le delta du Tonkin et Hanoi. Après sa victoire de 1950 sur la RC-4, Giap était sûr de sa victoire.

La première bataille importante se déroula à Vinh-Yen sur la route de Hanoi. Giap y engagea les divisions 308 et 312 dans un assaut brutal à partir du 14 janvier. Le premier choc enfonça la faible défense française. De Lattre répliqua avec ses unités mobiles blindées et son artillerie, tandis que Hartemann fit intervenir le GATAC Nord (Groupement aérien tactique). Subissant une attaque massive durant trois jours, les Bo-Doï furent décimés sous le feu des chasseurs et des touques de napalm. La bataille s'acheva le 17 par la retraite du Viêt-Minh qui laissa 1500 morts sur le terrain. Ce fut la première victoire française en Indochine.

Deux mois plus tard, Giap chercha à nouveau à percer le dispositif français à Mao-Khé. Le petit poste, défendu par une compagnie de supplétifs, aurait succombé rapidement sans la présence d'éléments du 6e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux). Les parachutistes organisèrent un repli coordonné vers le village où tous se retranchèrent en attendant l'assaut.

Pour ne pas répéter son échec de janvier à Vinh-Yen, Giap engagea de bonnes unités dans des attaques massives. Mais, comme à Vinh-Yen, elles furent brisées par l'artillerie et l'aviation. L'appui aérien fut déterminant. Les charges Viêt-Minh en terrain découvert furent stoppées avec de lourdes pertes. Plus de 400 cadavres jonchaient le sol lors du repli, le 31 mars. Les nouveaux matériels américains (F-6F Hellcat du 2/6 Normandie-Niemen à Vinh Yen, B-26 Invader du 1/19 Gascogne à Mao-Khé, emploi des bombes à fragmentation, napalm) furent des instruments de cette nouvelle victoire.

Hartemann faisait triompher sa doctrine de puissance militaire adaptée aux conditions du combat terrestre. Giap venait de se faire sévèrement étriller par nouvelle stratégie française. Il lui fallut beaucoup batailler pour ne pas se faire éliminer par le pouvoir communiste.

Mais Hartemann ne savoura ni ces victoires ni la reconnaissance que lui voua de Lattre. Le 6 mars 1951, sa femme décéda brutalement à l'hôpital Grall de Saigon. Le deuil ne lui fut pas permis, car tous savaient que le Viêt-Minh allait frapper à nouveau vers Hanoi (l'attaque suivante eut lieu en juin). Les succès français, partiels, avaient seulement affaibli le corps de bataille de Giap.

Hartemann ne cessa d'entraîner ses hommes lors d'exercices auxquels il assistait. S'attendant à d'autres attaques, il multipliait les préparatifs, inspectant les travaux, contrôlant les capacités, sans cesse sur la brèche, ne laissant pas le temps à son état-major de souffler.

Le 8 avril 1951, il fut à nouveau victime d'un accident étrange. Lors d'un exercice de bombardement auquel il participait à bord du B-26 n° 434564 codé K du 1/19, l'avion décrocha brutalement. Le moteur gauche coupé pour exercice refusa de redémarrer. Le Cne Beaumont, pilote, ramena rapidement l'appareil à Cat Bi. L'enquête ne conclut rien de précis. Hasard ou malveillance ?

Le B-26 n° 354558

Cherchant toujours à mieux comprendre, il décida d'effectuer, le 28 avril, une nouvelle reconnaissance par la rivière Claire vers Cao Bang, à bord du B-26 "Invader" n° 354558, codé R "pour Raoul", un avion presque neuf. L'appareil choisi pour la mission était idéal. Les renseignements recueillis auprès des services techniques du GB 1/19 étaient excellents. L'avion avait volé deux jours auparavant avec le Cdt Védrines, patron du GB 1/19. Il était en parfait état, totalisait seulement 114 heures de vol et 6 h 40 mn depuis sa dernière révision générale. Ses moteurs étaient également neufs, avec 88 h 45 mn de fonctionnement total et seulement 6 h 40 mn depuis révision. Les pleins furent vérifiés avant le départ à 10 heures, les purges faites. Le B-26 était chargé avec 800 gallons d'essence dans les réservoirs d'ailes. Il était équipé de ses armes de bord (mitrailleuses de 12,7 mm) avec 5.000 coups, dont 3.000 pour les armes de nez. Il emportait également huit bombes de 260 livres (118 kg), indice C, dans le fuselage. Le poids total de l'avion ainsi équipé était de 16.119 kg. Rien que de très banal pour un B-26 en zone rebelle.

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Douglas B-26 "Invader"

La mission du 28 avril 1951

L'équipage du 28 avril était expérimenté, constitué par le Cne Dieudonné, pilote, et l'Adjudant Durengues, mécanicien. En outre, avait pris place à bord à l'invitation du général, Mme Balesi, journaliste française, directrice du centre d'information d'Extrême-Orient. Dieudonné connaissait parfaitement la région, ayant servi pendant plus d'un an au GT11/62 Franche-Comté. Il était coté comme un excellent pilote. La météorologie était moyenne pour la région de Haiphong, de 2 à 3/8 de strato-cumulus à 600 m. D'après les renseignements, les conditions pouvaient devenir orageuses entre Cao Bang et Ha Giang. Mais elles étaient habituelles en haute région, souvent couverte par la brume. La mission fut organisée classiquement sur la base de Cat Bi, avec un décollage prévu pour 13h45, une route au Nord-est sur l'itinéraire Tien Yen - Langon, avec un passage sur Cao-Bang, Ha-Giang, puis retour par la rivière Claire. À 15h45, le B-26 devait se regrouper avec trois autres avions à la verticale de Hanoi et participer, comme arbitre et plastron, à un exercice de chasse entre Hanoi et Cat Bi.

 

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Les conditions météorologiques étaient médiocres, comme prévu, avec grains et cumulus développés. Toutefois, l'itinéraire avait déjà été parcouru sans difficultés le matin même par un autre B-26. L'appareil décolla à 13 h 42 et prit contact trois minutes plus tard, en phonie, avec la base de Cat Bi. Ce message de prise de contact fut le dernier.

L'alerte est donnée

L'avion étant absent au rendez-vous d'Hanoi à 15h30 et n'ayant donné aucun signe de vie, l'alerte fut donnée à 17 heures locales. L'autonomie de l'appareil pouvait alors être estimée à 5 heures environ, ce qui lui laissait au mieux encore une heure de vol. Ces recherches s'avérèrent aussitôt difficiles du fait de l'absence de toute indication et de la topologie de la région, une jungle montagneuse particulièrement dense. Les chances de survie étaient minces. Malgré l'heure avancée, une première mission aérienne fut lancée le soir même vers Tien-Yen. Elle revint bredouille. Du 28 avril au 5 mai 1951, 30 reconnaissances aériennes furent lancées depuis le Tonkin vers les zones possibles du crash, sur la frontière chinoise, par des B-26 ou des Ju-52 Toucan, sans aucun résultat. Elles mobilisèrent 14 B-26 Invader et 16 Toucan. Toutes les hypothèses furent envisagées, mais aucune ne fut confirmée par des faits dans les jours suivants. L'avion pouvait avoir percuté le sol à la suite du mauvais temps au cours d'un mitraillage, avoir été victime d'un problème mécanique ou de la DCA Viêt-Minh. La question principale était bien évidemment celle de l'équipage, et de son très important passager.

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La Rivière Claire autour de Bac-Quang

La zone de la Haute Région est particulièrement hostile. Même si l'accident s'était produit sur l'itinéraire exact de la mission, il suffit que l'impact eût lieu dans la brousse ou la forêt pour que l'épave disparût dans la végétation. Seul un hasard extraordinaire ou des informateurs (mais la région était sous contrôle Viêt-Minh depuis 1950) auraient permis de découvrir des traces.

La propagande de la radio Viêt-Minh 

De nombreuses questions restent en suspens, qui n'ont pas trouvé de réponses à Hanoi. Pourquoi l'avion a-t-il rompu ses communications sans revenir à Cat-Bi ? En 1950, le Viêt-Minh disposait de très peu de DCA, sans calibre supérieur à 20 mm. Les principales hypothèses françaises privilégièrent donc toujours un accident de préférence à une action de la DCA.

Une première explication fut fournie par la radio vietnamienne, puis des témoignages de prisonniers à prendre avec d'infinies précautions. La radio Viêt-Minh était avant tout un organe de propagande, et ce que disaient les évadés n'était pas retenu par crainte de manipulation communiste. Un premier message de la radio vietnamienne "La voix du Nam-Bo" fut capté le 30 avril 1951 entre 20 h 45 et 21 heures, disant :

- « Il a été perdu par 21°0592 Nord et 105°1285 Est un Français, le Général d'aviation Hartemann, prénom inconnu, au cours d'une tentative de suicide baptisée grande mission de reconnaissance aérienne au-dessus du Nord-Vietnam. »

Un deuxième message, le 1er mai, répéta cette information, sans donner de détails. Un troisième message, le 4 mai 1951, donna une nouvelle version de la disparition du B-26 :

- « L'avion transportant le Général Hartemann a été abattu sur le territoire de Cao-Bang. Le général d'armée décerne la Médaille militaire de 2ème Classe à l'unité de DCA 357 ayant abattu l'appareil B-26. L'appareil B-26 américain dans lequel se trouvaient le commandant en chef de l'aviation française au Vietnam, le pilote et un certain nombre de militaires français, dont les noms et âges ne sont pas encore connus, a été abattu sur le terrain de Cao Bang par le feu de l'unité de DCA 357, alors que l'appareil se trouvait à une altitude de 900 m (...). Le commandement a donné des instructions pour que les restes du Général Hartemann ainsi que les cendres des occupants carbonisés soient ensevelies soigneusement, avec tout le cérémonial militaire, en attendant les ordres du Président Ho Chi Minh et du gouvernement. »

Les réguliers Viêt-Minh du Tieu-Doan 178 (unité de protection) prétendent avoir descendu eux-mêmes le B-26 "grâce au feu concentré de leurs cinq mitrailleuses de 12,7 et de leurs deux Bofors". L'appareil aurait été touché en survolant Han-Yen (à l'Est de Tuyen-Quang) et ne serait tombé que 9 minutes plus tard dans la région du Nui-Rao, 16 km plus à l'Est. Un nouveau message capté par les services d'écoute français atteste de fêtes et d'honneurs accordés aux vainqueurs de l'appareil français le 8 mai 1951.

Des soldats du TD 178 auraient photographié l'épave dans laquelle il y avait quatre personnes, dont une femme portant un petit blouson. La mort du Général Hartemann fut annoncée sobrement par l'agence soviétique TASS, en indiquant même que le Président Ho Chi Minh avait ordonné des funérailles officielles.

Des témoignages d'évadés

Côté français, des récits arrivèrent peu à peu. Des évadés du camp de Cao-Bang révélèrent que le point de chute de l'avion se situait près de Cao-Bang et qu'il n'y avait pas de survivants. Le premier témoignage recueilli fut celui du Sergent Long Van Sinh, évadé de la zone Viêt-Minh le 15 mai 1951, deux semaines après l'accident. Il se rendait avec d'autres prisonniers en corvée à Cao Bang et aurait vu vers 13 heures un avion peint en gris clair prendre feu en l'air sans que la DCA ait été entendue tirer. L'appareil aurait essayé de se poser sur l'ancien terrain d'aviation de Gia-Cung, mais sans y parvenir, et serait tombé en flammes à Na-Phia, à 2,5 km au Sud de Cao-Bang. Il aurait vu les soldats communistes n'approcher l'appareil qu'à 16 heures, lorsque les détonations et le crépitement des balles sous l'action du feu eurent définitivement cessé. Avec d'autres prisonniers et des gardiens, Long Van Sinh affirma s'être approché de l'avion et avoir aperçu quatre cadavres dont celui d'une femme. Ils auraient été enterrés la nuit dans un endroit qu'il ignore. Il aurait vu enfin durant les trois jours suivants des avions survoler la région de Cao-Bang. L'officier enquêteur recueillant ce témoignage estima qu'il n'est pas surprenant que ces avions ne découvrirent rien dans la région de Cao Bang, le B-26 ayant certainement été camouflé sur ordre. Mais ce récit ne sera pas retenu officiellement en raison de la nationalité du sous-officier et de la date de son évasion. Selon le 2ème Bureau français qui l'interrogea sans le confondre, il aurait pu être libéré pour accréditer cette version.

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Terrain de Cao-Bang
La + indique le point de chute de l'appareil.

La thèse de l'accident

D'autres témoignages complètent le premier. En septembre 1951, un autre évadé, le S/C Fouillien, du 3èmeTabor, précisa :

- « Je puis affirmer que l'avion du Général Hartemann n'a pas été abattu par la DCA Viêt-Minh. Quelques instants avant l'accident, l'avion a effectué un tour au-dessus de Cao-Bang ; il était en difficultés et cherchait manifestement à se poser (une traînée de fumée sortait de l'un des moteurs). Une très forte explosion a été entendue à proximité du terrain d'aviation, laissant supposer que l'avion avait tenté de se poser. Sitôt que l'accident a été découvert, les Viêt-Minh ont fait jeter de nombreux branchages sur les débris de l'avion pour le soustraire aux vues aériennes. »

Fin 1951, le Général Pellisisé, commandant par intérim l'aviation en Indochine, écrit avoir reçu un rallié "venant de la zone Viet qui nous a apporté la photo du B-26 ayant fait un crash à Cao-Bang. Il disait que c'était l'avion du Général Hartemann. J'ai vu moi-même le numéro de l'avion sur la photo; ce numéro est bien celui de l'avion du B-26 du général". Cette photo n'a pas été retrouvée. D'autres prisonniers confirmèrent la thèse de l'accident au début de 1952 après leurs libérations, comme ceux-ci :

- « Durant notre captivité, dans le courant du mois de mai 1951, une recrudescence de l'activité aérienne nous a laissé supposer qu’il se passait dans le secteur RC-4 / N'Guy en Binh quelque chose d'anormal. En effet, quelques jours plus tard, le commissaire politique du camp nous annonçait qu'un B-26 "Invader" français avait été abattu par la DCA vietnamienne et que dans cet appareil se trouvaient le Général Hartemann, deux officiers et une passagère. Comme preuve à l'appui de ses dires, il nous a montré une casquette avec des feuilles de chêne et des étoiles, un sac à main de dame, une bague avec un rubis, une montre d'homme avec le verre brisé et des épaulettes avec l'insigne de l'aviation et des étoiles (...) Dans la soirée, nous avons déchargé d'un camion d'origine russe Molotova quatre cercueils qui furent chargés sur un GMC qui a pris la route en direction de Thaï-N'Guyen. Quelques jours après, le même officier politique nous a raconté que les autorités françaises avaient refusé les dépouilles mortelles. »

Encore une fois, ces témoignages n'ont pas fait l'objet d'un véritable suivi. Les risques d'intoxication des services français par de fausses déclarations autant que l'évolution rapide de la guerre empêchèrent toute étude sérieuse.

Des objets retrouvés sur le terrain

En octobre 1951, un officier Viêt-Minh rallié livra des éléments supplémentaires lors de son interrogatoire à Bing-Xa. Il déclara avoir participé à l'enquête sur le B-26 abattu :

- « Six jours après l'accident (le 4 mai) j'étais désigné pour m'occuper de cette affaire par le haut état-major Viêt-Minh. J'ai quitté Quang-Vuong en compagnie d'un officier d'état-major, de deux agents de presse, d'un agent de liaison et de mon garde du corps. Deux jours après, nous étions à Cao-Bang. L'accident a eu lieu à 2 km à proximité du camp d'aviation, sur la rive gauche du Bang-Giang. Sur la terre, la queue seulement de l'appareil était tombée, camouflée avec des branches d'arbres. Le reste de l'appareil gisait au fond de la rivière.

Les corps des quatre occupants avaient été ensevelis par les guérilleros aidés de la population. L'armement de l'appareil était inutilisable. Le matériel radio avait été détruit lors de l'explosion. Objets retrouvés sur le terrain : un stylo Parker 1951, un briquet, une bague en or sertie de diamants, une montre Oméga, les étoiles du général. À la suite d'une communication téléphonique reçue à Cao-Bang, provenant de Thaï-N'Guyen, j'ai reçu l'ordre de mon chef de recueillir les cendres des quatre morts. Les corps furent déterrés, les cendres recueillies dans des sachets de toile, mises dans une caisse en zinc, et ensuite déposées dans une caisse en bois.

Les quatre morts ont pu être identifiés. Le général, qui avait une partie du crâne en moins, un commandant âgé, ayant une jambe en moins, un capitaine jeune, aucune trace de blessure, et une femme âgée, les jambes sectionnées.

Nous nous sommes rendus au camp d'aviation de Dong-Bam - Thaï-N'Guyen avec la mission d'attendre. Après un mois d'attente, l'affaire ayant été classée, les caisses contenant les cendres furent enterrées près de ce terrain d'aviation.»

Si ce témoignage confirme la thèse de l'accident à proximité du terrain d'aviation de Cao-Bang, il donne une nouvelle version sur le sort des corps. Cette question reste la divergence principale des témoignages.

Les tentatives de restitution des corps

Des transactions pour récupérer les corps eurent lieu, dans les conditions particulières du moment, avec un adversaire non reconnu et des ambiguïtés entretenues par le Viêt-Minh dès le 28 avril. Les hommes de Giap, à Cao-Bang ou ailleurs, avaient-ils les dépouilles en leur possession ? Si la réponse est positive, quels enjeux pouvaient empêcher la restitution de celui d'un général français ? Pour le Viêt-Minh, Hartemann, mort ou vivant, avait une valeur exceptionnelle. Il était également la reconnaissance d'une certaine puissance militaire. Dans ce contexte trouble, les services de la Croix-Rouge tentèrent des ambassades dès mai 1951 afin de tenter de rapatrier les corps vers Hanoi.
Le 18 mai 1951, un message de l'Agence vietnamienne d'informations à destination de la Croix-Rouge vietnamienne, capté par le GCR (Groupement des contrôles radioélectriques) proposait de restituer les corps des militaires français. La Croix-Rouge française répondit favorablement cinq jours plus tard, en accord avec les autorités militaires françaises, mais proposa au préalable l'envoi de spécialistes à Cao-Bang pour identifier les corps. Cette demande fut refusée sèchement le 2 juin 1951. Dans un nouveau message du 3 juin 1951, la Croix-Rouge française maintint sa demande d'identification, ce qui entraîna la rupture des négociations le 6 juin, la Croix-Rouge vietnamienne disant avoir l'autorisation de procéder à l'inhumation des cendres.

La position Viêt-Minh est difficilement explicable, tant la possession du corps d'un général français pouvait constituer un argument de propagande important. Il est possible qu'au moment des discussions les corps avaient disparu, enterrés au hasard et jamais retrouvés, voire transférés en Chine ou en URSS ; l'équipage peut également avoir été massacré par des Nha-Que et les corps n'auraient plus été présentables, et donc brûlés.

En juin 1951, la nouvelle offensive Viêt-Minh sur le Day fit passer les recherches au second plan. Les positions françaises attaquées furent de nouveau massivement appuyées par la nouvelle puissance aérienne et le Viêt-Minh fut battu. Mais, comme pour Hartemann, la victoire fut amère pour de Lattre. Sur le piton de Nimh-Dinh, son fils unique, Bernard, fut tué. Le Roi Jean ne s'en remit jamais. Quelques mois plus tard, atteint d'un cancer, il revint en France pour y mourir. En moins d'un an, le corps expéditionnaire venait de perdre en Indochine deux chefs d'exception, qui avaient su retourner une situation militaire extrêmement défavorable.

À la fin de la guerre d'Indochine, et jusqu'en 1955, les Français demandèrent plusieurs fois par des canaux différents la restitution des corps. Les autorités vietnamiennes ne firent qu'une seule réponse, rapide, en juillet, indiquant que les corps, dont celui du Général Hartemann, avaient été enterrés près du village de Dong-Bang (à 3 km de Thaï-N'Guyen), mais sans proposer de les restituer. Puis le silence tomba. On peut aujourd'hui se demander pourquoi un avion en parfait état subit une panne assez grave pour être contraint à l'atterrissage en catastrophe, et pourquoi les dépouilles n'ont pas été rendues.

Le mystère demeure

Les faits sont têtus 56 ans après le drame. Le Général de corps aérien Hartemann, commandant de l'aviation d'Indochine, ainsi que l'équipage de son B-26 Invader reposent quelque part sur la terre vietnamienne et leur disparition demeure un mystère.

 

Philippe GRAS

Copie partielle d’un texte extrait du "Fana de l’aviation" n° 454 de septembre 2007

Date de dernière mise à jour : 05/04/2020

Commentaires

  • Demeurs
    • 1. Demeurs Le 18/01/2024
    Ce que je tiens de mon père le LCL Demeurs.
    À cette époque, il était sûrement LTT navigateur-bombardier (il connaissait très bien la région pour y avoir vécu auparavant, et s'était enfui en 44 ou 45 en subtilisant avec des amis à lui 2 avions afin de rejoindre la Chine). Il devait faire la mission en équipage habituel. Le GAL Hartmann l'a débarqué pour le remplacer par cette dame journaliste. À l'origine, la mission consistait en un bombardement en premier puis un « straffing » ensuite. D’après lui la mission a due être inversée. Lors d'un mitraillage avec le poids des bombes non délivrées, la ressource de l'avion a due être lente. Ainsi l'avion serait devenu une cible facile pour n'importe quelle DCA. La question est que sont devenues les bombes ? Ont-elles étés transportées ailleurs ? C'est ainsi que ma mère restée en France à Arcachon, avait appris officieusement par un gradé de la base de Cazaux la mort de mon père qui devait faire partie de l'équipage. Déjà les nouvelles allaient vite...
    Cordialement,
    JL Demeurs.
  • Vincent Dieudonné
    • 2. Vincent Dieudonné Le 03/08/2023
    Bonjour. Neveu du Capitaine Jacques Dieudonné, j'ai retrouvé la sépulture présumée de l'équipage. Dans les mois qui viennent, relèvement et identification nous en diront plus. Notre émotion est grande.

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