Death report

Sur le trajet Djibouti-Istres, à 9 h 37 UTC, le chef de cabine me reporte le malaise d’un passager (malaise avec tétanisation et arrêt cardio-respiratoire).

Ce n’est pas la première fois qu’un passager fait un malaise, mais cette fois-ci, cela semblait sérieux.

Le passager était tombé brutalement de son fauteuil alors qu’il discutait avec un camarade. Une équipe de spécialistes de la santé ont immédiatement pris le problème en compte.

Heureusement pour nous, nous comptions parmi nos passagers toute une équipe de l’hôpital Laveran de Marseille : infirmier anesthésiste, infirmière urgentiste, infirmier de bloc, infirmier réanimation, aide-soignante et manipulatrice radio. Malheureusement, il n’y avait pas de médecin (seule personne habilitée à déclarer un décès, ce qui nous aurait autorisé à continuer notre vol).

Ces personnes ont entrepris une réanimation impressionnante, aux dires des PNC présents à ce moment-là, une réanimation lourde, d’une heure environ (effectivement, des non-médecins, n’ont pas le droit d’arrêter un massage cardiaque commencé car ils n’ont pas l’autorité pour déclarer une mort, bien, qu’à priori, le passager était déjà mort…)

Sachant que le problème devenait très grave, le chef de cabine nous alerta et nous décidons de nous dérouter : Alexandrie est à 25 NM et Iraklion à 35.

M’étant posé à Alexandrie la semaine précédente, avec de gros problèmes de logistique une fois au sol, un accueil militaire plutôt virulent et procédurier, nous avons décidé de poursuivre le déroutement sur Iraklion, terrain bien connu lors des mes nombreuses escales en Transall, très opérationnel, surtout en période estivale.

L’A310 était piloté ce jour-là par Patrick qui coupa dans les virages pour aller au plus vite et effectuer une approche à vue. Malheureusement pour nous, la coordination entre le centre de contrôle d’Athènes et celui d’Iraklion a fait que l’autorisation de descendre fut très tardive, et cela nous a amené à 12 NM dans l’axe à 330 kt…

À 5 NM, la réduction n’était plus possible pour un poser, et nous nous sommes raccrochés à notre "vieille expérience". Nous avons effectué un break pour casser la vitesse et finalement atterrir à Iraklion à 10 h 23.

A 310 en virage

Nos infirmiers continuaient leur massage cardiaque, devant tous les passagers (légionnaires), l’avion était full…

Arrivé au parking, une équipe médicale locale monte à bord et prend le relais de la réanimation. Le décès est constaté par l’équipe médicale grecque à 11 h 15.

Le corps est évacué à 11 h 20 et sera autopsié le lendemain.

Quel choc au sein de l’équipage.

Je décide de faire descendre les passagers en zone de transit (ils ne savent pas encore que leur camarade est décédé).

Je commence à gérer le problème, entouré de l’équipage, l’équipe médicale, l’assistance et le commandant d’unité du défunt.

Sur ce, je suis convoqué par la police locale pour une déposition.

Le policier qui ne parlait que le Grec, me faisait sentir qu’il était possible que je sois coupable, m’a fait souffler dans le ballon et m’a piqué d’une bague de prélèvement sanguin.

Je commençais à me demander ce qui m’arrivait, étant persuadé d’avoir fait de mon mieux et rien de mal (bien que tout se bouscule dans la tête dans ces moments-là).

L’interprète arrivée à ce moment-là, ne savait pas où cela allait me mener (le policier haussait le ton sur elle dès qu’elle cherchait à savoir quelque chose).

À la question :

- « Avez -ous vu le corps ? », j’ai répondu :
- « Oui, juste après l’atterrissage »
- « Était-il mort ? »
- « Je ne sais pas »
- « Lui avez-vous parlé ?»
- « Non »
- « Pourquoi ? Puisque vous ne saviez pas s’il était mort »
- « Vous êtes le responsable dans votre avion »

Enfin, tout un tas de questions non rassurantes, où le regard des policiers en disaient long sur ma culpabilité…

Enfin, vers 12 h 30, j’obtiens au téléphone le consul de France en Crète qui met fin à l’interrogatoire après une conversation relativement durcie avec le policier.

Ce policier me fait signer le rapport qu’il a écrit en Grec (je ne comprends rien) et me laisse partir.

Heraklion airport
L'aérogare d'Heraklion

Je passe ensuite devant les autorités aéroportuaires pour signer le "DEATH REPORT" qui nous donnera l’autorisation de repartir.

Nous n’avons jamais obtenu de résultat officiel définitif de la cause du décès.

Le passager aurait plongé la veille, aurait pris des substances dopantes achetées chez les Américains à Djibouti, aurait été empoisonné … Enfin, on ne saura jamais.

Je tiens à remercier tout l’équipage présent sur ce vol du 6 juin 2006 pour leur professionnalisme, leur dévouement, et leur rigueur face à un tel événement.

Jérôme FOISSAC

Origine du texte : "Estérel Club"

Date de dernière mise à jour : 13/04/2020

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