Une séquence bien particulière des Chevaliers du ciel

Fin 1967

Air France est contactée par les producteurs de cette fameuse série TV, qui veulent tourner une séquence dans un Boeing 707. Il se trouve que cette séquence m’implique personnellement et je me retrouve donc logiquement désigné. Thème de la séquence : les deux vedettes Tanguy et Laverdure (Jacques Santi et Christian Marin) se trouvent dans un avion d’Air France pour aller vendre des Mirage au Pérou et le copilote qu’ils retrouvent dans le cockpit d’Air France est l’ancien Leader de la Patrouille de France qu’ils connaissaient bien puisqu’ils en ont fait partie. Je ne fais donc pas un rôle de composition dans cette séquence, mais joue une séquence de ma propre vie !

B 707
Boeing 707

Nous sommes à Orly dans un hangar où est stationné un Boeing 707. Nous simulons être dans un avion en vol. Je suis à ma place droite de copilote et une caméra filme le cockpit par la fenêtre ouverte de gauche de mon ami Francis Hertert qui tient son rôle de Captain.

Des machinistes font défiler sur mon côté un grand panneau vertical de contreplaqué peint en bleu ciel avec des nuages, qui fait croire que nous sommes en vol ! Jacques Santi est assis sur le siège du mécanicien entre nous deux et nous devisons selon le dialogue prévu au scénario. Pour une fois la fiction colle à la réalité ! Amusant !

Santi 1
Jacques Santi, Tanguy dans le film

Cette série des Chevaliers du Ciel connut un drame qui resta ignoré du public. Quand j’étais Leader de la PAF, je m’étais lié d’amitié avec le Major Jacobs, de la Force Aérienne Belge, qui présentait le F-104 Starfighter durant les meetings. Ce chasseur de Lockheed avait une envergure de 6.36 m et était si délicat à manier et si peu fiable qu’il causa une hécatombe chez les pilotes (32 % de crashs dans la Luftwaffe et 46 % chez les Canadiens !).

F 104 belge
Lockheed F-104 "Starfignter" (Johan54)

Le Major Jacobs faisait une présentation époustouflante de cet avion. Il décollait plein pot, rase mottes jusqu’en bout de piste, départ en boucle, prolongée sur le dos et redescente sur la piste à une dizaine de mètres de hauteur et il enchaînait par un virage très serré à 450 nœuds, à une dizaine de mètres, au ras du sol, pour repasser perpendiculairement à la piste.

Paradoxalement, je considère que ce virage à cette grande vitesse, si bas, comme la figure la plus difficile à réaliser pour un pilote, car il n’a aucun instrument qui lui donne sa hauteur. Il ne voit pas ses ailes et aucun instrument ne peut lui indiquer sa hauteur. Cette faible hauteur relève d’un pilotage d’instinct, d’une appréciation de la hauteur purement visuelle et extrêmement délicate.

Il partait ensuite dans un looping avec un virage qui le remettait sur l’axe piste, sortait le train et les volets sur le dos et terminait sa boucle à l’entrée de la piste, posait les roues, redécollait et faisait un tonneau train sorti à quelques mètres du sol, puis se posait à nouveau sur la piste et enfin remettait la poussée et disparaissait dans une suite de tonneaux en montée. Pour des spectateurs pilotes, c’était bluffant mais aussi pour les profanes.

Il assura cette présentation pour une séquence des Chevaliers du ciel mais, le 2 septembre 1968 à Beauvechain, il percuta le sol lors de son tonneau train sorti au ras des pâquerettes. Les cinéastes inclurent cet accident dans la série et on peut y voir la fumée noire du crash.

Adieu, Major Jacobs.


Christian ROGER
 

Extrait de “Piloter ses rêves” (Éd : Bookelis - 2015)

Piloter ses re ves

Date de dernière mise à jour : 30/03/2020

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